Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du mardi 26 juin 2018 à 15h00
État au service d'une société de confiance — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, l'intitulé même du projet de loi a pu susciter d'importants espoirs, tant la machine administrative apparaît lourde et les procédures complexes. La confiance s'est en effet dégradée. Le fait que le Défenseur des droits ait eu à traiter 90 000 dossiers l'an dernier en dit long sur le niveau de confiance. Les circonvolutions de ce projet, les amendements, les contre-projets, les apparitions et les retraits font ressortir la difficulté des choses. Il est toujours difficile de réformer, même quand les efforts vont dans le bon sens.

Reconnaître le droit à l'erreur est une mesure positive, de nature à humaniser un peu les relations des citoyens avec la machine administrative. Je ferai toutefois deux remarques. Première remarque : dans les faits, comment se passera ce dialogue ? Qui arbitrera et comment ? De quelle bonne volonté relèvera cette reconnaissance de la bonne foi ? Seconde remarque : pourquoi les collectivités territoriales n'ont-elles pas accès à ce droit de régularisation ?

Si l'instauration d'un référent unique est à même de simplifier la vie de l'administré, on peut toutefois s'interroger sur la responsabilité de l'agent en question, sur sa charge de travail et sur son degré d'exposition.

Je ferai le même type de remarque à propos de l'article 26 habilitant le maître d'ouvrage à déroger à certaines règles de construction. Quelles procédures concrètes conduiront à juger la preuve que des résultats équivalents à ceux découlant de l'application des règles ont été atteints ? Qui sera le décisionnaire final ?

Dans le même esprit, la non-réponse engagera l'administration dans le sens d'une acceptation. C'est une forme de responsabilisation de l'administration qui ne pourra plus se défausser dans un silence méprisant, ou supposé tel, encore que le délai très long apparaisse comme susceptible de ralentir beaucoup le rythme d'avancement des initiatives.

La démarche qui est censée conduire à la suppression des justificatifs de domicile pour la délivrance de titres d'identité allège les procédures, sous réserve d'une possibilité de vérification d'identité. Il convient de sécuriser globalement la démarche.

Dans l'expérimentation introduite au Sénat par l'article 34 bis A en vue de favoriser la construction d'ouvrages de défense contre les inondations et contre la mer, la procédure décisionnelle unique était conduite par le préfet. Nous étions ici dans un cas typique d'aménagement, où la compétence des collectivités, premières intéressées, devrait être directement engagée.

Je ferai le même commentaire à propos de l'article 34. Le fait d'alléger les procédures d'installation de production d'énergie renouvelable est en soi une bonne chose. Encore cet allégement doit-il s'opérer en relation avec les collectivités, puisque ces centres de production sont souvent lourds et affectent le milieu, voire l'équilibre économique de certaines microrégions. Nous n'ignorons pas les débats locaux que certains projets soulèvent. Idéalement, efficacité et dialogue devraient aller de pair, même si le passage à l'acte est souvent compliqué, chacun le sait.

La dématérialisation et les procédures en ligne sont dans l'air du temps et s'imposeront toujours davantage. Encore faut-il obligatoirement s'intéresser à ceux qui, pour des raisons diverses, n'ont pas accès au numérique. Une porte de contact avec un service public devrait toujours être ouverte. L'efficacité est une bonne chose, la relation humaine aussi.

La facilité recherchée à l'article 28, qui ouvre la voie à des expérimentations s'agissant de l'organisation des établissements d'enseignement supérieur et de recherche, va dans le sens d'une meilleure efficience. Le rapport d'évaluation que le Gouvernement remettra au Parlement dans un délai de trois ans confirmera certainement l'intérêt de cette disposition, en en précisant les contours juridiques. Il s'agira en effet non pas d'ajouter une couche supplémentaire au système, mais au contraire de simplifier ce dernier, dans un objectif de mutualisation et d'efficacité.

Quant au lobbying – c'est un terme générique – , s'il est un mode d'expression démocratique, donc légitime, son exercice doit s'opérer dans la transparence. Cette obligation doit s'appliquer dans les mêmes conditions à tous les types de représentants d'intérêts.

Face à cette réorganisation de la démarche du secteur public, on peut comprendre l'inquiétude des agents. Les fonctionnaires et leurs organisations syndicales doivent être associés aux prises de décisions et à leur application. Ils sont les premiers concernés. La participation des personnels à la détermination des procédures est une condition sine qua non de réussite.

Les relations entre l'administration et les citoyens sont obligatoirement complexes. Le texte s'adresse prioritairement aux acteurs identifiés par leur action économique, mais il reste tous les autres – les simples citoyens, si je puis dire, en particulier les plus vulnérables, les précaires, sans oublier les étrangers. L'humanisation de la machine est un vaste et difficile chantier, même si la bonne volonté de bien des agents doit être soulignée. Les rapports d'évaluation prévus en fin de texte viendront opportunément faire le point sur l'avancement de ce chantier et les améliorations nécessaires car, pour nous, en dépit de la complexité des choses, cette loi ne doit être qu'un premier pas.

Simplifier n'est jamais simple ; revenir en arrière non plus, car l'effet cliquet joue à plein. Ce texte relève d'une logique compréhensible. Il apparaît comme la tentative de bouger une montagne. Sans doute faudra-t-il encore beaucoup d'efforts et de volonté pour assouplir le système et alléger l'accumulation des normes nationales et européennes, dont l'empilement a transformé l'administration en maquis épais.

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