Intervention de Mohamed Laqhila

Séance en hémicycle du mardi 26 juin 2018 à 15h00
État au service d'une société de confiance — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMohamed Laqhila :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, qui donc ici ne s'est jamais trompé ? Il est toujours possible de se tromper, y compris dans ses rapports avec l'administration. Le présent projet de loi dont nous entamons la discussion cet après-midi, en nouvelle lecture, révolutionne la relation de l'administration publique avec les administrés : dorénavant, l'État ne pourra plus sanctionner au premier manquement sans avoir démontré la mauvaise foi de l'usager. C'est donc le pari de la confiance, le pari de la bienveillance que nous faisons, et je me félicite, au nom du groupe MODEM et apparentés, que l'heure soit à l'accompagnement plutôt qu'aux sanctions et aux privations.

Tous nos débats, en première comme en nouvelle lecture, ont essentiellement été guidés par quatre mots, qui sont un signal fort pour nos concitoyens : droit à l'erreur. Les Français restent très attachés à leur service public, et je crois pouvoir dire que tous les députés, sur l'ensemble des bancs, ont eu à coeur de préserver ce lien.

L'une des premières attentes de nos concitoyens concernant le service public est la possibilité d'effectuer 100 % des démarches administratives en ligne d'ici à la fin du quinquennat. C'est l'un des objectifs du programme Action publique 2022, qui vise à améliorer la qualité du service public pour les usagers, mais aussi les conditions de travail pour les agents. C'est la raison pour laquelle, au nom de mon groupe, je soutiens la « stratégie nationale d'orientation de l'action publique » annexée au présent projet de loi. En énonçant les orientations et les objectifs de l'action publique pour tendre vers une société de confiance d'ici à 2022, il s'agit de transformer l'administration en profondeur : droit à l'erreur, mais aussi droit au contrôle. Non seulement cette confiance révolutionne les rapports entre l'administration et les ménages mais également ses rapports avec les entreprises qui, par l'instauration d'un droit au contrôle, seront aidées et accompagnées pour vérifier si elles sont bien en conformité.

En outre, grâce à ce texte, nous en finissons avec le sentiment qu'avaient jusqu'alors les Français d'une administration inaccessible, d'une administration qui les met à l'écart. Les députés du groupe MODEM et apparentés se sont particulièrement investis en première lecture pour restaurer la confiance dans l'administration dans la France périphérique. En effet, en raison de la disparition des services publics dans la ruralité, celle-ci a perdu tout lien direct avec l'administration. Or la confiance est d'abord une affaire d'humains. Et nous nous réjouissons que, à titre expérimental pour une période de quatre ans, l'article 15 bis introduise la mise en place d'un référent unique doté d'un pouvoir de décision au sein des maisons de services au public, ces structures ayant pour objet d'améliorer l'accessibilité et la qualité des services, notamment en milieu rural. Cette mesure nous paraît essentielle.

Ce projet de loi, particulièrement vaste, comporte près d'une centaine d'articles, et, aux côtés des désormais emblématiques « droit à l'erreur » et « droit au contrôle », figurent d'autres mesures importantes destinées à décrisper les relations entre nos concitoyens et le service public.

Je pense particulièrement à la réduction de 30 % du montant dû au titre de l'intérêt de retard en cas d'erreur de bonne foi détectée. En cas de dépôt spontané par le contribuable d'une déclaration rectificative, les intérêts seront réduits de 50 %.

Je pense aussi au renforcement de la sécurité juridique par le développement des rescrits, à la gratuité des numéros d'appel des services publics, à l'expérimentation d'horaires étendus dans l'administration, à l'expérimentation du dispositif « Dites-le-nous une fois », par lequel l'administration s'engage à ne jamais demander plusieurs fois la même information aux entreprises, notamment grâce aux interfaces numériques qu'elle peut employer.

Je me félicite également de l'adoption de mesures proposées par le groupe MODEM et apparentés, telles que la réduction des délais administratifs comme objectif de l'action publique, la suppression des sanctions financières lorsque les administrés ont commis une simple erreur de forme dans leurs documents administratifs – à condition bien sûr que la loi soit respectée sur le fond.

Il était également important pour nous de mieux protéger les agents publics en limitant l'engagement de leur responsabilité civile pour faute aux seuls cas d'erreur manifeste d'appréciation. Comme autre mesure, je pense également à la publication en ligne des données foncières et immobilières, sous forme de fichier et au profit de tous, notamment des acteurs de l'urbanisme, de l'aménagement et de l'immobilier.

Permettez-moi toutefois d'exprimer un regret quant à l'expérimentation prévue pour une durée de quatre ans dans les régions Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes dont l'objectif est de limiter la durée des contrôles opérés par l'administration sur les entreprises de moins de 250 salariés. Cette mesure est particulièrement importante, car nombre de nos entreprises se disent étouffées par l'intensité et la fréquence des contrôles. Nous aurions souhaité que cette expérimentation puisse être généralisée afin d'en faire profiter toutes nos entreprises, notamment les plus petites.

À l'issue de la première lecture, l'ambition de ce premier pilier du projet de loi a, du reste, été maintenue. La rédaction de plusieurs articles a d'ailleurs été conservée entre l'Assemblée et le Sénat. Les divergences de fond ont, en réalité, concerné le deuxième pilier, lequel vise à simplifier les normes et les procédures. Ce volet de simplification est cohérent avec le premier volet car les erreurs de bonne foi sont souvent dues à la complexité de la réglementation.

Des points de blocage ont néanmoins persisté, lesquels ont empêché un accord en commission mixte paritaire – par exemple la renégociation des appels d'offres passés pour la construction d'éoliennes en mer. En effet, le tarif de rachat élevé fixé dans le cadre de ces appels d'offres et les progrès technologiques réalisés depuis ont rendu leur renégociation nécessaire.

Des inquiétudes légitimes se sont exprimées à l'Assemblée et au Sénat : nous redoutions la fin du développement des énergies renouvelables. Toutefois, l'article 34, tel qu'il a été adopté en commission en nouvelle lecture est le fruit d'une concertation qui a permis une renégociation du coût des parcs lancés entre 2011 et 2013 et a confirmé le développement de la filière de l'éolien offshore, dans laquelle la France a pris beaucoup de retard. Cet article est donc particulièrement important en ce qu'il poursuit le développement des énergies renouvelables dans le cadre de la révision de la programmation pluriannuelle de l'énergie.

Je ne doute pas que nous saurons, lors de cette nouvelle lecture, préserver les équilibres trouvés sur ces articles ayant donné lieu à des discussions parfois très tranchées – cela a été le cas de l'éolien, mais également des cultes ou ses chambres d'agriculture. Sur ce point, je tiens à saluer le travail du rapporteur Stanislas Guerini qui s'est attaché, tout au long de nos débats, à préserver les points d'accord trouvés avec les députés tout en respectant les avancées du Sénat. Maintenir les grands principes d'un texte aussi long tout en intégrant les propositions des parlementaires n'est pas chose facile, et je salue cette habilité.

Mes chers collègues, cette nouvelle lecture doit nous permettre de trouver une rédaction de compromis avec nos collègues sénateurs, car l'attente est grande. Ce projet de loi était une promesse de campagne : nous avions affirmé combien il était important d'engager la transition d'une administration qui sanctionne à une administration qui accompagne, une administration qui soutient, et surtout une administration qui explique.

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