Intervention de Julien Aubert

Séance en hémicycle du jeudi 21 juin 2018 à 21h30
Défense du droit de propriété — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Aubert, rapporteur de la commission des affaires économiques :

Je ne vous accuse pas, ce n'est qu'un exemple ! Je reprends : supposons qu'un député ou un maire soit condamné pour violences conjugales, et perde ses droits civiques. Or le droit de participer à la vie politique en votant ou en se présentant à une élection est une liberté constitutionnelle importante. Dans ce cas, on admet que le juge puisse vous en priver en prononçant une peine accessoire. Il est donc tout à fait possible de prononcer une peine complémentaire privant une personne d'un droit, de manière accessoire à sa condamnation pour un délit précis. Je comprends que cela fasse débat, car c'est une question profonde, je l'ai reconnu tout à l'heure ; cependant, pour ma part, je considère que cela se justifie tout à fait car ne sont visés que des occupants de mauvaise foi.

J'en viens à ce que certains ont appelé « inversion de la charge de la preuve » ou « présomption de culpabilité ». M. Vuilletet a fait une belle démonstration à ce propos. Mais il n'y a là aucune présomption de culpabilité ! Encore une fois, prenons un exemple : si, alors que vous êtes au volant d'une voiture, un policier vous demande de prouver que vous détenez le permis de conduire, cela ne signifie pas qu'il présume votre culpabilité, mais qu'il cherche à vérifier si vous êtes dans votre droit. On peut toujours essayer d'habiller cette question de grands principes juridiques, mais elle se ramène à cela : avoir un titre, exactement comme lorsqu'on demande au propriétaire de justifier d'un titre de propriété.

L'un d'entre vous m'a dit que les dispositions visant à lutter contre les marchands de sommeil risqueraient de s'appliquer à des personnes s'imaginant de bonne foi être les locataires légitimes d'un logement. Mais je vous rappelle que le délit que nous voulons créer frapperait uniquement les gens qui sont de mauvaise foi ! Les victimes d'un escroc, d'un marchand de sommeil, ne seront pas poursuivies. Cela ne fait du reste pas obstacle aux autres dispositions visant à lutter contre les logements insalubres, qui relèvent d'un autre régime juridique.

Enfin, madame Do, je veux bien tout entendre, mais vous ne pouvez pas me dire qu'il est inopportun de prendre des mesures législatives après l'examen du projet de loi ELAN, en me recommandant de travailler directement avec M. le ministre de la cohésion des territoires. En effet lorsque nous avons proposé ces mesures dans le cadre de l'examen du projet de loi ELAN, on nous a répondu que ce n'était pas le moment, que ce serait fait plus tard et qu'il faudrait collaborer avec M. Mézard. J'ai bien compris le coeur de votre message, à savoir qu'il faut travailler avec M. le ministre ; je n'ai d'ailleurs pas arrêté de lui téléphoner pour obtenir une conversation préalable. Quoi qu'il en soit, madame Do, vous ne pouvez pas nous dire pendant l'examen du projet de loi ELAN : « c'est trop tôt », et après l'examen de ce projet de loi : « c'est trop tard » ! Je n'admets pas cet argument.

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez commencé par une erreur de diagnostic. Vous êtes l'un des seuls dans cet hémicycle – avec quelques-uns de nos collègues d'extrême gauche – à considérer qu'en ce qui concerne l'occupation sans droit ni titre, les lois sont bonnes, et que le problème réside uniquement dans leur application. Tous les autres, y compris Mme Do, ont reconnu qu'il y a un problème d'ordre législatif. Les services du ministère de la justice, que j'ai auditionnés, n'ont jamais nié, eux non plus, qu'il y eût un problème de protection du droit de propriété : ils ont reconnu, au contraire, la justesse de mon constat. Ils n'ont jamais contesté que la jurisprudence de la Cour de cassation fût fluctuante quant à la définition du domicile. Peut-être vous ont-ils donné entre-temps des informations différentes, mais ils n'ont pas relevé ce point pendant les auditions que j'ai menées. Les groupes MODEM, UDI-Agir et Les Républicains ont eux aussi reconnu – par des formules différentes – qu'il y a bien là un problème de fond. Vous ne pouvez donc pas me répondre que le droit est parfait mais qu'il est mal appliqué.

J'ai du reste décelé un peu de malice dans vos propos, monsieur le ministre : vous avez bien compris que ma proposition de loi est relative au droit de propriété, mais vous me répondez que les domiciles sont déjà bien protégés. C'est comme si, à une proposition de loi portant sur les choux, vous répondiez : pour les carottes, il n'y a aucun problème. Je persiste, pour ma part, à vouloir parler de la propriété : c'est l'objet même de cette proposition de loi !

Vous m'avez dit aussi qu'au regard de l'« affaire Maryvonne » – du prénom de cette retraitée dont le pavillon avait été occupé par des squatteurs – , il n'y a pas de problème législatif. Mais cette affaire a eu lieu avant l'adoption de la fameuse loi de 2015, qui vise uniquement à renforcer la protection des domiciles. Si je reviens vers vous, c'est parce que nous avons eu connaissance, depuis cette affaire, d'autres cas d'occupation sans droit ni titre pour lesquels les propriétaires ne sont pas couverts par le dispositif actuel, car le logement en cause n'était pas considéré comme leur domicile. C'est pour ces logements, qui se situent dans une zone grise, que la question se pose.

Monsieur le ministre, je n'ai jamais parlé des résidences secondaires. Vous avez tout à fait raison sur un point : le domicile peut être la résidence principale ou la résidence secondaire. Pour le cas de Garges-lès-Gonesse, vous avez vous-même précisé qu'il s'agissait d'un logement vacant depuis plusieurs années, dont le propriétaire, devenu veuf, voulait revenir dans sa maison d'origine.

La réalité est complexe, mais la question juridique est au fond très simple : oui ou non, la propriété est-elle protégée dans ce pays ? Ne me répondez pas en me parlant de protection du domicile, car ce n'est pas la question. Ce que j'entends faire, par cette proposition de loi, c'est changer le schéma de réflexion sur ce sujet : il ne suffit pas de protéger la liberté individuelle, en l'espèce le domicile privé ; il faut aussi protéger la propriété.

Vous avez reconnu vous-même qu'à Garges-lès-Gonesse, le problème venait du fait que la plainte déposée par le propriétaire n'avait pas été suivie d'effets. Voilà pourquoi je propose de créer un délit pénal : si une plainte est déposée auprès du commissariat, alors une enquête de police sera transmise au procureur, qui entamera des poursuites.

Vous voyez bien qu'il y a plusieurs manières d'aborder cette question. Ce que nous voulons, c'est renforcer la loi, la rendre plus efficace : de ce point de vue, un nouveau délit pénal serait dissuasif. Avant même d'aller porter plainte, le propriétaire pourra dire aux squatteurs qu'ils risquent trois ans de prison et 75 000 euros d'amende.

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