Intervention de Richard Ramos

Séance en hémicycle du jeudi 21 juin 2018 à 15h00
Renforcement des droits des consommateurs en matière de démarchage téléphonique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRichard Ramos :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le président et monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les députés du groupe MODEM et apparentés accueillent avec intérêt cette proposition de loi de nos collègues Républicains, qui nous invite à débattre d'un sujet qui préoccupe bon nombre de nos concitoyens. En effet le démarchage téléphonique, lot quotidien de beaucoup de Français, est insupportable : neuf Français sur dix, selon une enquête d'UFC-Que Choisir, se disent excédés par la répétition d'appels non sollicités. Cette exaspération est d'autant plus grande pour les Français victimes de ce fléau alors qu'ils se sont inscrits sur le fameux Bloctel, exprimant ainsi la volonté de ne pas recevoir ces appels.

Cette proposition de loi dresse le bilan de ce dispositif, dont l'objectif était de limiter la pression commerciale subie par un trop grand nombre de nos concitoyens et émanant d'entreprises peu scrupuleuses et qui ne respectent pas le droit existant. Car la loi est claire : aucun professionnel ne peut, directement ou indirectement, démarcher téléphoniquement un consommateur inscrit sur cette liste, sauf dans quelques cas précis, en cas de contrats en cours par exemple, de sondage ou encore en vue de la fourniture de journaux.

Pourtant, depuis son lancement en juin 2016, parmi les 3 millions de personnes inscrites sur la liste Bloctel, un tiers a procédé à des réclamations car ces appels incessants ont persisté. Deux ans après, force est de constater que cette plateforme destinée à protéger les données des consommateurs est un échec.

La protection des données personnelles et le respect de la vie privée sont, bien entendu, les questions sous-jacentes de cette proposition de loi, qui s'inscrit donc dans la continuité du nouveau règlement général sur la protection des données que nous avons voté récemment. Le démarchage s'apparente à une atteinte à la vie privée car il s'introduit dans l'intimité des consommateurs sans leur consentement. Les usagers devraient pouvoir ne plus être importunés chez eux, notamment lorsqu'ils ont fait la démarche de s'inscrire sur une liste d'opposition : leurs droits ne sont pas respectés, et ce n'est pas acceptable.

Il appartient donc au législateur d'assurer la maîtrise des données téléphoniques des usagers et notamment des personnes les plus fragiles, en particulier les personnes âgées, qui sont bien souvent la proie facile des professionnels du démarchage : nous avons tous connu dans nos circonscriptions des cas de personnes âgées victimes d'escroqueries à la suite de démarchages téléphoniques. Ce sont là des abus de faiblesse. Il faut donc agir, et agir vite.

Plusieurs raisons peuvent expliquer ces dérives, et notamment l'impossibilité d'effectuer des contrôles efficaces. Les entreprises échappent en effet facilement aux contrôles : de nombreuses parades existent, ce qui les rend impossible à tracer. Ainsi, il existe des technologies qui permettent d'afficher sur le téléphone de la personne appelée un faux numéro : l'utilisateur ne peut alors anticiper l'appel d'un démarcheur et les enquêtes en sont nécessairement rendues plus laborieuses. Les démarcheurs ne respectant pas la loi ne courent que peu de risques.

Ces pratiques peu scrupuleuses sont récurrentes et s'inscrivent dans un contexte de suspicion généralisée ; des scandales récents nous ont appris que de grands groupes livrent les données personnelles de leurs utilisateurs ou sont la cible régulière de piratages informatiques.

Cette proposition de loi entend inverser la logique en garantissant le consentement de l'usager à la transmission de ses données. Je dois pouvoir accepter le démarchage : c'est un droit fondamental. Afin de pallier les failles du droit existant, vous proposez, monsieur le rapporteur, de passer d'un système où le consentement du consommateur est supposé admis par défaut à un système d'accord préalable explicite. Vous avez raison.

Votre article 1er dispose que cet accord doit être expressément adressé à l'opérateur de communications ou recueilli expressément par la personne qui effectue le démarchage. Nous avions quelques réserves sur cet article, car cette disposition était susceptible d'engendrer des conséquences négatives pour la viabilité économique de certaines entreprises.

En effet, de nombreuses petites et moyennes entreprises dépendent très directement du démarchage téléphonique pour la vente de leurs services ou de leurs produits, qu'il s'agisse de contacter leurs clients ou de prospecter. D'autres, des petites entreprises qui se créent, ont besoin de téléphoner à de potentiels futurs consommateurs afin de se créer une clientèle. Nos débats doivent garantir qu'elles puissent le faire.

Or, avec cet article, une petite entreprise serait dans l'incapacité de démarcher pour son activité. Nous sommes favorables à un encadrement plus strict des appels intempestifs, mais en l'état, ils ne sont pas la seule cible de la proposition de loi. Afin de ne pas pénaliser nos entreprises, nos commerçants et nos artisans, la commission des affaires économiques a donc choisi de supprimer cet article 1er.

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