Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du lundi 18 juin 2018 à 16h00
Débat sur le rapport de la cour des comptes sur le budget de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, chers collègues députés et ex-collègues magistrats de la Cour des comptes, au nom du groupe UDI, Agir et indépendants, je veux d'abord remercier la Cour pour la qualité des documents qu'elle nous présente et pour la précision du travail accompli, ainsi que pour la clarté de l'exposé de M. le Premier président, au nom de ses collègues.

Le diagnostic établi dans le cadre du rapport sur le projet de loi de règlement peut d'ailleurs se résumer de façon très simple : les gouvernements n'ont absolument pas redressé les finances publiques – allons droit au but. Et j'ai presque envie d'ajouter, monsieur le Premier président : comme d'habitude ! En cette matière, en effet, l'avant-dernier gouvernement n'a pas été, hélas, différent de ses prédécesseurs. Tout le monde en prend donc pour son grade : personne n'a redressé les finances publiques depuis vingt-cinq ans, que ce soit par absence de courage ou de lucidité, en raison de l'instabilité ou de la crise économique, et j'en passe.

Pour l'essentiel, le Gouvernement actuel n'est en rien responsable du projet de loi de règlement. Je plains beaucoup, d'ailleurs, ceux de nos collègues qui seront obligés de le voter dans deux jours, alors même que trente membres seulement de la majorité actuelle l'avaient approuvé du temps où ils étaient chez les radicaux de gauche ou au parti socialiste ; s'y ajoutent une trentaine de socialistes, aujourd'hui membres du groupe Nouvelle Gauche. Cela fait donc environ 60 collègues – sur un total de 577 – qui doivent aujourd'hui assumer ce texte. C'est là une situation assez étrange.

Le gouvernement actuel fut largement attaqué pour avoir pris des mesures d'urgence à la suite du rapport de la Cour des comptes, lequel révélait un dérapage budgétaire, imputable aux dépenses, pour l'essentiel, mais aussi à quelques recettes. On peut lui reprocher le contenu de ces mesures, non leur principe : le Gouvernement a eu fondamentalement raison de prendre ces décisions.

Je veux revenir, monsieur le Premier président, sur quelques points que vous avez évoqués au nom de la Cour. Non seulement le déficit budgétaire demeure trop élevé pour stabiliser la dette, mais, surtout, il ne s'est réduit qu'à la faveur d'un alignement des planètes. Or ces planètes se désajustent sous nos yeux. Elles constituaient, de fait, des facteurs totalement extérieurs à l'action des gouvernements successifs : je veux parler de l'effondrement du prix du baril de pétrole, tombé à moins de 40 dollars, ou des taux d'intérêt liés à la politique monétaire conduite tant aux États-Unis qu'en Europe. Cette politique, on peut la critiquer, mais elle fut ce qu'elle fut : elle a abouti à des taux d'intérêt négatifs. Et les taux d'intérêt négatifs, pour ceux que la question intéresse, j'en résume toujours la signification politique en ces termes simples : aucun avenir. Le troisième facteur extérieur, enfin, fut l'amélioration de la parité euro-dollar en faveur de la devise européenne.

À l'heure où tout cela est en train de disparaître, le déficit du budget de l'État s'établit encore, nous explique la Cour des comptes, à près de 68 milliards d'euros, soit une diminution de 1,7 milliard seulement. Pour être honnête, on devrait plutôt dire 3,2 milliards, compte tenu de l'erreur technique qui a conduit à ne pas comptabiliser une recette de 1,5 milliard au titre des droits de mutation. Mais c'est « epsilon », au regard des plus-values fiscales générées par une situation exceptionnelle, que l'on n'avait pas anticipée à ce niveau.

Il serait intéressant, à mon sens, que la Cour des comptes insiste sur un point. Vous l'avez d'ailleurs relevé, monsieur le Premier président, mais rapidement, au détour d'une phrase : au regard des prévisions de la loi de finances initiale, les dépenses de fonctionnement ont été plus élevées, et les dépenses d'investissement, elles, sensiblement moins élevées – comme d'habitude ! Or plusieurs travaux de la Cour, dont vous nous avez fait part, montrent que le niveau d'investissement de l'État est tombé à une quinzaine de milliards d'euros, sur un budget de 380 milliards de dépenses brutes. Bref, il n'y a plus de dépenses d'investissement de l'État. Beaucoup de nos concitoyens se demandent pourquoi les panneaux « trou en formation » se multiplient sur nos routes nationales. La réponse est simple, et la Cour nous l'a donnée il y a plusieurs années déjà : le montant actuel des crédits est insuffisant pour assurer le maintien en l'état des routes nationales. On pourrait aussi, d'ailleurs, évoquer la situation du parc immobilier de l'État…

Il serait donc très intéressant, disais-je, que la Cour établisse la synthèse des différentes fonctions et nous donne un ordre de grandeur, s'agissant du montant des investissements nécessaire au maintien en l'état, à moyen terme, de certains moyens de l'État – puisque telle est, en principe, la vocation des dotations budgétaires.

Le deuxième point que vous soulevez, à temps et à contretemps, est que la très forte augmentation des dépenses de fonctionnement en 2017 tient, pour une bonne part, à la très forte croissance de la masse salariale. C'est bien la première fois, au vu de chiffres que je rappelle ici : cette masse salariale représentait, hors pensions, 90 milliards d'euros en 2011, 89,9 milliards – soit une légère décrue – l'année suivante et 97 milliards l'année d'après. On est ensuite passé à 92,1 milliards en 2016 et à 95,4 milliards en 2017 ! Cela ne peut pas continuer ainsi. On peut réduire les effectifs tout en assurant leur bonne gestion – autrement dit, en payant correctement nos fonctionnaires – , mais, si l'on entend maintenir les effectifs tout en payant mieux les fonctionnaires, alors, passez-moi l'expression, on est sûr de « se planter ». En cette matière, les observations à temps et à contretemps de la Cour me paraissent tout à fait bienvenues.

Quant à la dette de l'État, elle progresse, grosso modo, à proportion du déficit annuel, pour atteindre près de 1 700 milliards d'euros à la fin de 2017. Sur ce point encore, les rappels à temps et à contretemps de la Cour sont fort utiles. On ne peut se borner à envisager la simple hypothèse d'une remontée des taux d'intérêt : ils remonteront de toute façon et commencent déjà à le faire ; la seule question est de savoir à quelle vitesse ils le feront. Et compte tenu de l'incidence que cela aura dans les prochaines années, le pire poste, au sein du Gouvernement, sera de nouveau celui de ministre des finances, confronté à ses collègues qui lui expliquent qu'ils n'ont jamais assez, réticents qu'ils sont à s'interroger sur l'efficacité des dépenses publiques. C'est précisément cette question que la Cour des comptes, le président de la commission des finances et nombre de collègues en son sein s'efforcent de soulever : quelle est l'efficacité de ces dépenses, les plus élevées du monde occidental, au regard d'un résultat qui n'est pas le meilleur en termes de service public ? Plusieurs exemples, y compris de grands services publics, l'illustrent.

Je veux dire un mot également des dépenses fiscales. Peut-on envisager une politique intelligente, à leur sujet, lorsqu'elles atteignent le nombre de 457 ? J'avais dit au ministre des finances du précédent gouvernement qu'il ne tenait rien en ce domaine. Il l'avait alors nié, et pourtant les chiffres sont là. Bref, on ne peut conduire une politique intelligente sur ces dépenses. Rêver, comme certains aiment à le faire, d'un grand colloque sur 457 mesures est une illusion. Pour agir rapidement, il y a une première technique, idiote mais très efficace : une réduction globale de 10 %. Cela ne ferait d'ailleurs aucun drame : l'avantage d'une telle décision est de garder tous les chiens dans la niche, dès lors qu'ils sont tous logés à la même enseigne.

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