Intervention de Patrick Chamboredon

Réunion du jeudi 17 mai 2018 à 8h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Patrick Chamboredon, président de l'Ordre national des infirmiers :

Finalement, nous avons bien fait de venir ! Il y a un tel décalage entre les demandes que vous exprimez et ce que l'on voit avenue Duquesne que l'on se demande si l'on est dans le même monde et si l'on est toujours en France.

Voilà la réalité ! M. Prou était présent avec moi, hier au HSPP, le texte est en deçà de toutes les attentes exprimées depuis 2015. Heureusement que Mme Agnès Buzyn est arrivée au ministère de la santé, car il s'agit de textes qu'elle a rédigés quand elle était présidente de l'Institut national du cancer (INCa). Les derniers textes concernant les infirmiers ont mis dix ans avant d'arriver à l'Assemblée nationale et d'être promulgués. Nous pouvons au moins saluer cet effort et cette volonté politique.

Je pense qu'il faudrait créer un exercice mixte, à l'instar des médecins. Une expérimentation a lieu à l'Institut Paoli-Calmettes à Marseille, où, pour assurer la coordination, ils font appel à une association qui emploie des infirmiers libéraux. Qui est mieux placé qu'un infirmier libéral pour parler à un autre infirmier libéral ? Nous savons tous que la lettre de sortie du patient, à l'hôpital, met dix jours à arriver, quand elle arrive, alors que la préconisation est de deux ou trois jours.

Et je ne parle pas des patients qui doivent sortir le vendredi à 15 heures de l'hôpital, pour que les patients des urgences ne meurent pas sur les brancards. On fait sortir la personne, l'infirmier tente de garder le patient à domicile ; or ce n'est pas possible et il faut réhospitaliser, contre l'avis du patient, alors qu'il aurait fallu trouver une autre solution, à savoir une vraie coordination ville-hôpital. Clairement, c'est l'infirmier qui l'assure, c'est notre travail.

Se pose donc la question statutaire : il n'existe pas de fluidité de parcours entre les infirmiers à l'hôpital et les infirmiers en ville, contrairement aux médecins, ce qui constitue un véritable frein. Il est tout à fait possible, envisageable, pertinent et cohérent que les jeunes bénéficient des deux modes d'exercice. Il nous faut nous parler et nous connaître.

Nous avions demandé le premier recours. L'accès direct à l'infirmier, c'est niet ! Les infirmiers devaient être considérés comme des professionnels à compétence limitée. Il n'en est rien. Il n'y a eu ni logique de mission ni décrets d'actes. Les listes sont déjà obsolètes, comme l'on dit les syndicats confédérés. Je suis très à l'aise sur cette question. Je n'ai même pas déposé d'amendements sur ce texte, que j'ai demandé au Haut Conseil des professions paramédicales de rejeter. Je tiens à dire à la représentation nationale que j'ai été entendu par les syndicats confédérés qui ont rejeté le texte, ce dont je me félicite.

Le texte passera quand même, nous en sommes bien conscients. Reste qu'il va à la fois contre les préconisations de la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (FNESI), des professionnels de santé libéraux, de l'Ordre des infirmiers et des syndicats confédérés. Nous constatons un certain autisme dans certaines rues de Paris quant aux besoins de santé et aux besoins des infirmiers.

La logique de missions ou de prise en charge pourrait très bien exister dans le cadre de consultations. C'est un terme qui est refusé aux infirmiers. Faire une consultation n'est pas possible. Soit nous ne sommes pas assez intelligents, soit notre formation n'est pas à la hauteur de ce que l'on nous demande. Je suis très étonné.

L'enjeu, ce sont les personnes âgées et la médecine ambulatoire. Vous l'avez très bien dit, monsieur Perrut. L'ambulatoire, c'est la vraie question : comment fait-on pour vider les hôpitaux et pour que les gens soient pris en charge de façon pertinente ? Concernant la douleur, des dispositions pratiques font que le médecin doit intervenir à domicile à tout moment. Les infirmiers interviennent à sa place, ils sont obligés de faire et de facturer à la sécurité sociale des actes qui ne sont pas du tout en phase avec la pratique de tous les jours. En tant qu'ordre, et donc instance régulatrice, nous ne parlons pas de la pratique professionnelle avec la CPAM. Je vous rappelle qu'il s'agit simplement de prendre en charge la douleur des patients à domicile.

Il nous est très difficile d'être entendus par les pouvoirs publics ; c'est le cas pour chacune de nos professions respectives. Pourquoi les infirmiers et les médecins sont-ils auditionnés séparément dans les commissions d'enquête ? Nous sommes tous des professionnels de santé et notre but à tous est le bien-être du patient et le maintien à domicile.

Nous sommes contraints parce que le médecin est le point d'entrée. Ce n'est pas l'objet de notre revendication, nous revendiquons simplement de pouvoir assurer le suivi. Nous n'avons pas pu inscrire non plus, dans le texte, les termes « consultation de suivi », pas même pour les diabétiques, alors que vous avez rappelé l'importance du poids économique de cette maladie, pour laquelle il faut constamment adapter les posologies. La situation est la même pour toutes les maladies chroniques ; nous ne pouvons assurer le suivi.

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