Intervention de Jean-François Dumas

Réunion du jeudi 17 mai 2018 à 8h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Jean-François Dumas, secrétaire général de l'Ordre national des masseurs-kinésithérapeutes :

Dans ma commune de Thiberville, dans l'Eure, se prépare actuellement un projet de création d'une maison de santé. Mon message est le suivant : le plus important, c'est d'abord de valoriser le projet de santé avant de valoriser le projet immobilier. Or, souvent, nous mettons la charrue devant les boeufs, en pensant que les murs attireront les jeunes. Nous recherchons actuellement des médecins. En vingt-cinq ans, dans ma commune, le nombre d'auxiliaires médicaux a été multiplié par deux : deux fois plus de kinésithérapeutes et deux fois plus d'infirmiers. De trois médecins avec une très grosse clientèle, et un très gros pouvoir de prescription, nous sommes passés à la configuration suivante : un médecin qui ne demande qu'à partir à la retraite et qui est complètement épuisé, un autre qui sera à la retraite dans cinq ans, et une jeune médecin qui vient d'arriver et qui ne se voit absolument pas assumer toute seule le départ des deux médecins sans qu'ils trouvent des successeurs.

Nous sommes en train de monter une maison de santé, projet auquel je participe. Cependant, je refuse de l'intégrer, pour des raisons bassement matérielles : j'ai des revenus très faibles. Les kinésithérapeutes et les infirmiers ont les plus faibles revenus des professions de santé. Ma maison et mon cabinet sont mon seul patrimoine. Intégrer la maison de santé, c'est abandonner mon cabinet. Il n'est pas question de me le racheter pour me faire intégrer la maison de santé ; je le comprends parfaitement et je ne le demande pas. Quant à l'autre cabinet, il est tout neuf, puisqu'il a été créé il y a quatre ans ; le kinésithérapeute refuse lui aussi d'intégrer la maison de santé.

Valoriser le projet de santé nous paraît beaucoup plus judicieux. Ce sera un travail en équipe, une meilleure prise en charge pluridisciplinaire du patient, par des projets innovants comme le traitement de la petite traumatologie ou le triage auquel peut participer le kinésithérapeute. Malheureusement, c'est le projet immobilier qui prévaut. Je pense que c'est une erreur et je ne suis pas sûr que cela soit viable. Un grand nombre de maisons de santé ont été créées dans le centre de la France, mais les retours du terrain montrent qu'elles sont en partie vides. C'est pourquoi il faut trouver des professionnels pouvant payer le loyer : nous nous retrouvons avec des professionnels qui prétendent apporter des soins aux patients, mais sans aucune base scientifique, exerçant des métiers qui ne sont même pas reconnus en France – naturopathie, réflexologie – et d'autres disciplines qui sont reconnues, mais distinctes des professions de santé. C'est un véritable problème. Le projet de santé, oui ; mais le projet immobilier comme vecteur de promotion de l'installation dans une zone très sous-dotée, je n'y crois pas.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.