Intervention de Jean-Pierre Pont

Séance en hémicycle du jeudi 21 juin 2018 à 9h30
Vitesses maximales autorisées par la police de la circulation — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Pont :

Treize mètres, c'est le gain en distance de freinage entre 90 et 80 kmh. Un dépliant pédagogique, qui a été tiré à 1 million d'exemplaires, sera distribué aux péages et par les forces de l'ordre.

C'est cette décision du Gouvernement qui fait l'objet de la proposition de loi présentée par notre collègue Vincent Descoeur et les membres du groupe Les Républicains. Avant d'aborder l'examen de cette proposition, je souhaiterais vous présenter quelques-unes des mesures envisagées par ce plan gouvernemental pour améliorer la sécurité routière.

Certaines mesures visent spécifiquement les nouveaux conducteurs, car les accidents de la route sont la première cause de mortalité des jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans. En 2016, ce sont 718 personnes qui ont été tuées dans un accident impliquant un conducteur novice. L'objectif est de faire prendre conscience aux nouveaux titulaires du permis de conduire de l'ampleur et de la gravité de leurs responsabilités.

Une autre mesure « citoyenne » consiste dans le lancement d'une réflexion sur la valorisation des comportements exemplaires, lesquels, fort heureusement, caractérisent la grande majorité des conducteurs. En effet, 80 % des titulaires du permis de conduire possèdent douze points sur leur permis, c'est-à-dire le maximum. Comment les valoriser ou les récompenser pour leur comportement exemplaire, voire leur donner un rôle à jouer ?

Autre mesure d'importance, l'amélioration de la prise en charge des victimes d'accidents de la route. En 2016, 75 000 personnes ont été blessées dans un accident de la route et près de 30 000 ont été hospitalisées. Dans le cadre des textes financiers pour 2019, le Gouvernement va créer un fonds d'investissement pour la modernisation des structures sanitaires et médico-sociales, destiné à la prise en charge des accidentés de la route. Ce fonds sera doté de l'intégralité du surplus des recettes perçues par l'État du fait de l'abaissement des vitesses maximales. Cette mesure pourrait s'appliquer dès le début de l'année 2019.

Le plan du Gouvernement vise également à mieux protéger les piétons. En 2016, on déplore le décès de 559 piétons, soit une augmentation de 19 % par rapport à 2015. Les enfants de moins de quatorze ans et les personnes de plus de soixante-quinze ans sont les principales victimes. Plusieurs mesures sont envisagées pour lutter contre la hausse alarmante de la mortalité piétonne.

Parmi les mesures plus technologiques actuellement à l'étude figure un projet de contrôleur électronique de vitesse. Un conducteur ayant été contrôlé en excès de vitesse de plus de 40 kmh et faisant l'objet d'une suspension de permis pourrait être autorisé à continuer de conduire, à la condition impérative de conduire un véhicule équipé d'un contrôleur électronique de vitesse.

De même, pour lutter contre l'alcool au volant, cause d'un accident mortel sur trois, il est envisagé de rendre obligatoire la pose d'un éthylotest antidémarrage sur les véhicules de conducteurs récidivistes de la conduite en état d'ivresse.

D'autre part, les contrôles par les forces de l'ordre de l'alcoolémie et de l'usage de stupéfiants seront renforcés, car 22 % des accidents mortels sur nos routes sont dus à l'usage de stupéfiants.

Les conducteurs jugent inutilement contraignante l'interdiction de tenir un téléphone lorsqu'ils sont au volant. Pourtant, téléphoner au volant multiplie par trois le risque d'accident. Et il y a pire : lire un message en conduisant multiplie ce risque par vingt-trois. Lire un message nécessite de quitter la route des yeux pendant au moins cinq secondes. Or ces cinq secondes, à 50 kmh, ce sont 70 mètres parcourus sans regarder la route. Pour lutter contre cette mauvaise habitude, qui peut être mortelle, les forces de l'ordre pourront retirer son permis de conduire à tout conducteur conduisant avec un téléphone à la main.

Je vous signale enfin un autre objectif du Gouvernement pour la sécurité routière : protéger et responsabiliser les utilisateurs des deux, et maintenant trois roues motorisés, c'est-à-dire les motos et les scooters. Ce problème crucial est très certainement le plus difficile à résoudre. En effet, les cyclomotoristes, les scootéristes et, depuis quelques années maintenant, les tricyclistes, sont une catégorie d'usagers particulièrement exposée au risque routier. Ils représentent en effet 21 % de la mortalité routière et 44 % des accidents graves, alors qu'ils représentent moins de 2 % du trafic motorisé.

Depuis l'an 2000, la catégorie des motocyclistes est celle qui, avec les piétons, a le moins bénéficié de l'amélioration de la sécurité routière. Avec 688 tués entre novembre 2016 et novembre 2017, la mortalité des motocyclistes est en forte hausse sur les douze derniers mois, ce qui la ramène au niveau de 2012. Il est donc indispensable de continuer à améliorer la pratique du motocyclisme, en agissant à la fois sur la formation, l'équipement et la visibilité des motocyclistes, mais aussi de tous les usagers de deux-roues motorisés. Je vous invite à vous pencher sur toutes ces mesures, actuellement à l'étude.

Venons-en maintenant à la décision du Gouvernement de réduire la vitesse de 90 à 80 kmh sur les routes à double sens sans séparateur central, mesure qui entre en vigueur le 1er juillet prochain et qui fait l'objet de votre proposition de loi. Je rappelle que cette mesure ne concerne pas les routes à deux fois deux voies, censées permettre des dépassements plus sécurisés. Il faut savoir que les routes hors agglomérations concentrent à elles seules chaque année 55 % des accidents mortels. L'enjeu est donc d'importance, même si la mesure est impopulaire.

L'impopularité de cette réduction de vitesse ne doit pas nous faire oublier que toutes les mesures prises pour la sécurité routière ont reçu le même accueil, qu'il s'agisse du port obligatoire de la ceinture de sécurité en 1973, du permis à point en 1992, de l'introduction des radars en 2002 ou de toutes les autres mesures de limitation de vitesse que nous avons déjà signalées. Toutes ces mesures ont pourtant contribué à faire baisser la mortalité sur les routes, laquelle, il y a une quarantaine d'années, approchait les 15 000 victimes par an, en moyenne.

Vous estimez, dans votre argumentation, que cette décision de réduire la vitesse de 90 à 80 kmh a été prise sans concertation. Or tous les organismes oeuvrant pour la sécurité routière ont bien été consultés. Incidemment, je me permets de vous rappeler une nouvelle fois que ces décisions dépendent du seul pouvoir réglementaire.

Parmi les arguments contre cette réduction de vitesse, vous invoquez l'allongement des temps de parcours pour les automobilistes effectuant des trajets quotidiens sur les routes concernées. Or, sur une distance de 50 kilomètres, par exemple, le fait de passer de 90 à 80 kmh n'allonge la durée du trajet que de quatre minutes environ. Or cette mesure a l'avantage de réduire de treize mètres la distance de freinage nécessaire pour arrêter un véhicule, ce qui peut avoir une grande incidence en cas d'impact. Pour un trajet de 25 kilomètres, l'allongement de la durée de trajet est d'environ deux minutes, et de 50 secondes pour un trajet de 11 kilomètres. Ces pertes de temps sont relativement insignifiantes et ce ne sont pas elles qui peuvent, comme vous le déclarez, accroître de manière sensible les difficultés de déplacement dans les territoires ruraux et les zones de montagne ou aggraver l'enclavement des zones rurales.

Vous avancez également l'argument selon lequel rien n'assure que cette réduction de vitesse améliorera la sécurité routière. Or les experts de la sécurité routière et le CNRS, s'appuyant sur plus de 800 cas de réduction de vitesse dans les pays occidentaux, ont démontré qu'une telle mesure de réduction de vitesse sur les routes envisagées permettrait d'épargner entre 300 et 400 vies humaines par an – c'est-à-dire une vie par jour !

Pour éviter toute controverse, le Gouvernement s'engage d'ailleurs à réaliser au 1er juillet 2020 un bilan objectif de cette réduction de vitesse de 90 à 80 kmh et de son impact sur le nombre d'accidents. Dans ce même délai de deux ans, le Gouvernement entend également développer la régulation dynamique des vitesses sur certains tronçons pour adapter la vitesse aux conditions locales de circulation.

En fait, votre proposition consiste à confier au maire, au conseil départemental ou au préfet, selon leurs compétences la responsabilité de délimiter les portions de route passant de 90 à 80 kmh. Autrement dit, vous proposez d'adapter la décision du Gouvernement. Si vous en proposez une adaptation, c'est bien que, sur le principe, vous n'êtes pas farouchement opposés à cette limitation de vitesse – et je vous en félicite – et que vous jaugez bien l'économie de vies humaines qu'elle peut représenter.

Sur le plan technique, permettez-moi de présenter encore quatre objections.

La première, c'est que vous risquez de morceler le réseau routier en multipliant les panneaux de signalisation indiquant des vitesses différentes…

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