Intervention de Constance Le Grip

Séance en hémicycle du jeudi 14 juin 2018 à 9h30
Protection des savoir-faire et des informations commerciales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaConstance Le Grip :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici parvenus au bout de l'examen de la proposition de loi destinée à transposer la directive relative à la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites, plus communément appelée directive « secret des affaires ».

L'expression « secret des affaires » a fait – et continue de faire – couler beaucoup d'encre, d'alimenter bien des phantasmes et de susciter bien des inquiétudes.

Je ne reviendrai pas sur la traduction assez inappropriée et assez inadéquate de trade secret par secret des affaires. En effet, la notion de trade peut recouvrir à la fois la valeur économique et la valeur commerciale : ce point a fait l'objet de débats et d'échanges nourris entre l'Assemblée nationale et le Sénat.

Mais, au regard des enjeux dont nous débattons aujourd'hui, notre parlement a su faire preuve d'esprit de responsabilité.

Il convient de rappeler que, dans un monde globalisé, la concurrence et la compétition entre économies, souvent féroce et déloyale, entraîne pour nos entreprises de nombreux risques, notamment, d'espionnage industriel et économique. Il est donc tout à fait approprié de définir, à l'échelle de l'Union européenne, un cadre juridique commun afin de protéger l'innovation, la recherche et la production, par les chercheurs, les inventeurs et les commerciaux des entreprises, de savoir-faire et de compétences.

Il n'y avait en effet pas de raison que l'Union européenne reste la seule région du monde à ne pas se doter d'un tel cadre juridique à l'heure où d'autres grandes régions, comme la Chine, les États-Unis, le Japon, pour ne citer qu'eux, ont su se doter de normes extraordinairement protectrices – pour ne pas dire plus.

Comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, la France, en la matière, a été très tôt à l'initiative : dès les années 2000, on y avait jugé utile de protéger les intérêts de nos entreprises en matière de recherche et d'innovation. J'ai à ce stade une pensée pour notre ancien collègue Bernard Carayon ainsi que pour d'autres précurseurs de la réflexion sur l'intelligence économique – sans oublier Jean-Jacques Urvoas qui, lorsqu'il présidait la commission des lois, avait déjà tenté de lancer ce débat.

Il s'est avéré que c'était, en définitive, à l'échelle européenne que les choses pouvaient avancer le plus efficacement possible.

La Commission européenne détenant l'initiative législative, il est revenu au commissaire européen Michel Barnier de présenter un projet de directive dont les institutions communautaires ont ensuite très longuement, très profondément et très sérieusement débattu.

Comme j'ai eu l'occasion de le dire en première lecture, j'étais rapporteur de la commission des affaires juridiques au Parlement européen sur ce projet de directive. Je peux donc témoigner du travail approfondi qui a été mené au sein du Parlement européen sur ce texte, en commun avec la quasi-totalité des groupes politiques. On doit d'ailleurs à ce parlement l'introduction, à l'article 1er de la directive, d'une référence explicite à l'exercice du droit à la liberté d'expression et d'information ainsi qu'à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

C'est également parce que le Parlement européen l'a voulu que le même article 1er comporte des dispositions préservant la mobilité des travailleurs ou relatives à l'expérience et aux compétences que ces derniers ont peu acquérir dans l'exercice de leurs fonctions.

Toutes ces dispositions ont été très largement et très massivement approuvées par 80 % des membres du Parlement européen, appartenant à des groupes politiques très différents. Elles ont permis d'aboutir à un texte équilibré, susceptible de préserver à la fois les intérêts de nos entreprises et les libertés fondamentales, au premier rang desquelles la liberté d'information et d'expression.

Cet équilibre se retrouve dans la proposition de loi dont nous achevons l'examen ce matin. Celle-ci assure – pour reprendre les mots de notre rapporteur – une transposition fidèle et retenue de l'esprit comme de la lettre de la directive européenne, même en prenant en considération les ajouts tout à fait intéressants qui ont été opérés, et sur lesquels je ne reviendrai pas.

1 commentaire :

Le 24/06/2018 à 08:44, JJR24 a dit :

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Bonjour,

Madame Constance Le Grip, en tant que citoyen, j'apprécie à la fois votre analyse, et votre état d'esprit!

L'avenir montrera si le gouvernement a ce même respect!!

Cordialement. JJR

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