Intervention de William Dab

Réunion du jeudi 24 mai 2018 à 13h00
Commission d'enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l'industrie risques chimiques, psychosociaux ou physiques et les moyens à déployer pour leur élimination

William Dab, titulaire de la chaire Hygiène et Sécurité du laboratoire de modélisation et surveillance des risques pour la sécurité sanitaire (MESuRS) du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) :

J'aimerais apporter quelques compléments pour la bonne information de votre commission.

La question du lien du cancer avec les expositions professionnelles soulevée par le GISCOP est très importante. Les données d'Eurostat montrent que notre pays a le taux de mortalité évitable avant soixante-cinq ans le plus élevé d'Europe, avec 92 décès pour 100 000 personnes contre 40 pour 100 000 pour la Suède, ce qui représente un écart considérable. Parmi les causes de mortalité des hommes d'âge moyen en France, le cancer arrive au premier rang. Une analyse épidémiologique d'ensemble amène à suspecter que les expositions professionnelles sont à l'origine de cette situation. Autrement dit, ce dont nous sommes en train de parler recouvre des problèmes dramatiques au niveau individuel et des problèmes d'équité dans la reconnaissance du préjudice causé par le travail, mais constitue aussi un énorme enjeu de santé publique, compte tenu de l'impact sur la perte d'espérance de vie des hommes en France.

J'appelle l'attention de la commission d'enquête sur un point particulier : notre capacité à générer des données qui ne sont pas exploitées. Cela renvoie à la faiblesse de l'appareil de recherche et des financements.

Ainsi, l'absence au travail – donnée dont toutes les entreprises disposent puisque les fiches de paie en tiennent compte – n'est pas analysée. Les documents uniques d'évaluation des risques – que remplissent environ la moitié des entreprises conformément à un décret de 2001 – ne sont analysés ni au plan régional ni au plan national. Les fiches d'exposition que les entreprises sont obligées d'établir ne sont pas davantage exploitées. Demander aux entreprises de remplir des formulaires dont on ne fait rien n'a évidemment aucun caractère incitatif. Cela contribue même à renforcer l'image d'une santé au travail à visée bureaucratique et non préventive.

Les rapports annuels des médecins du travail devraient être consolidés au niveau régional par les médecins inspecteurs mais, compte tenu des moyens dont ils disposent, ils ne sont pas en mesure de le faire.

Enfin, les registres de cancers pourraient servir de laboratoires pour généraliser la recherche de l'imputabilité des expositions professionnelles mais ils ne sont pas non plus utilisés.

Si les données que nous produisons ne sont pas traduites en actions de prévention, nous aurons des documents uniques mais pas de documents utiles.

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