Intervention de Benjamin Lysaniuk

Réunion du jeudi 24 mai 2018 à 13h00
Commission d'enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l'industrie risques chimiques, psychosociaux ou physiques et les moyens à déployer pour leur élimination

Benjamin Lysaniuk, chargé de recherche au CNRS, affecté à l'UMR 8586 PRODIG :

La méthodologie utilisée par le GISCOP93 a fait la preuve de sa transposabilité dans divers contextes : auprès des dockers de Nantes-Saint-Nazaire, lors d'une expertise CHSCT pour risque grave dans deux établissements de France Telecom-Orange, et plus récemment dans le Vaucluse. Répondant à la demande des médecins onco-hématologues du centre hospitalier d'Avignon, nous avons mis en place une enquête permanente auprès de patients atteints de lymphomes non-hodgkiniens. Nous sommes en train de créer un GISCOP 84 avec la participation de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Provence-Alpes-Côte d'Azur, de l'agence régionale de santé (ARS) et de plusieurs universités ou centres de recherche. Trente-quatre parcours ont d'ores et déjà été expertisés et plus de seize patients ont été orientés vers une déclaration de maladie professionnelle.

Géographe au CNRS, j'ai effectué un post-doctorat au GISCOP 93 portant sur l'identification des lieux d'exposition professionnelle aux cancérogènes en Seine-Saint-Denis. J'ai mené ce travail chronophage à partir de la base de données du GISCOP, qui n'était pas destinée initialement à faire l'objet de traitements spatiaux. Avec l'aide de ma collègue Émilie Counil et de plusieurs étudiants, j'ai pu démontrer la faisabilité de la spatialisation des lieux du risque avéré, pour reprendre les termes employés dans la proposition de résolution à l'origine de la création de cette commission d'enquête.

Nous avons démontré l'écart abyssal entre les courtes listes d'entreprises et d'industries ayant officiellement exposé leurs employés et leurs ouvriers et la triste réalité que des travaux comme ceux du GISCOP 93 mettent en lumière. Cette spatialisation, qui ne repose pas uniquement sur la cartographie, autorise un questionnement à partir du risque avéré, celui d'une exposition à un ou plusieurs cancérogènes. S'intéresser à la localisation des activités exposantes conduit à s'interroger sur la construction historique de ces territoires et, surtout, à entrevoir les possibilités de contaminations environnementales et à se pencher sur la vulnérabilité aux pollutions des populations en contact avec un poison.

J'encadre actuellement deux thèses de doctorat en géographie portant précisément sur les sujets qui nous intéressent aujourd'hui. La thèse d'Axelle Croisé, faite en lien avec le GISCOP 93, intitulée provisoirement Rendre visibles les risques d'exposition professionnelle à des cancérogènes en Seine-Saint-Denis, vise à rompre l'invisibilité des cancers d'origine professionnelle en montrant les lieux d'exposition aux principaux cancérogènes recensés dans notre enquête permanente. La thèse de Léa Prost, en lien avec le GISCOP 84 en devenir, Approche géographique des variations spatio-temporelles des cas de lymphomes dans la région d'Avignon, vise à analyser les circonstances d'exposition professionnelle ou environnementale à des substances cancérogènes connues pour leur lien avec le développement de certains cancers. La prise en compte de la structuration du territoire et de son évolution – concentration de la population, type d'occupation des sols – permettra d'apporter des éléments de compréhension sur les circonstances d'exposition.

Ces deux travaux démontrent la fécondité des analyses spatiales réalisées à partir des lieux recensés systématiquement dans le cadre d'entretiens avec les patients. Ce savoir brise l'invisibilité des lieux d'exposition, autorise la formulation de nombreuses questions de recherche et constitue un formidable outil tant pour la prévention dans le cas des entreprises encore en activité que pour l'aide à la reconnaissance des maladies professionnelles.

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