Intervention de Patrick Levy

Réunion du mercredi 23 mai 2018 à 14h00
Commission d'enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l'industrie risques chimiques, psychosociaux ou physiques et les moyens à déployer pour leur élimination

Patrick Levy, médecin conseil de l'Union des industries chimiques :

Si l'industrie chimique s'intéresse à tous les risques la concernant, je me focaliserai sur l'évaluation et la maîtrise des risques chimiques.

En France, 50 000 maladies sont reconnues comme maladies professionnelles chaque année. Les troubles musculo-squelettiques (TMS) représentent plus de 38 000 cas.

La chimie – activité qui inclut le pétrole et la pharmacie – représente une part relativement faible des maladies professionnelles reconnues en France ; environ 500 cas, dont un très faible nombre lié directement à des expositions aux risques chimiques – environ 10 à 15 cas. Il convient également de rappeler que l'amiante reste un agent « chimique » pourvoyeur de maladies professionnelles. Près de 110 cas de pathologies dues à l'amiante sont reconnus pour les activités « chimie », « pétrole » et « pharmacie ».

Les pathologies issues du risque chimique sont généralement lourdes – des cancers –, puisque leur expression intervient plusieurs années, voire plusieurs dizaines d'années après la cessation d'exposition. Par exemple, le mésothéliome apparaît près de quarante ans après la cessation d'exposition. Les cancers, notamment du foie, qui sont liés à des expositions au chlorure de vinyle monomère, apparaissent, eux, vingt à vingt-cinq ans après la cessation d'exposition. Nous sommes donc en présence d'effets retardés résultant d'exposition à des niveaux significatifs, à l'époque où nous n'avions pas la même connaissance des dangers des substances.

Dans la quasi-totalité des cas, les maladies professionnelles graves, en particulier les cancers, donnent lieu, au-delà de la réparation, à des actions en responsabilité de l'employeur qui débouchent sur une indemnisation complémentaire pour faute inexcusable.

Comment agissons-nous par rapport à ces déclarations et à ce processus qui conduit à la réparation ? Bien évidemment, l'instruction du dossier est un processus contradictoire. Par ailleurs, nous facilitons les enquêtes administratives ; nous accueillons les contrôleurs qui effectuent leurs enquêtes pour juger de la matérialité des expositions et évaluent la partie médicale. Et nous respectons pleinement les droits des victimes et de leurs ayants droit.

Dans la grande majorité des cas, les contestations engagées par les employeurs portent, in fine, sur l'imputation comptable – au niveau de la caisse – et ne remettent pas en cause l'indemnisation des victimes ou des ayants droit.

Notre objectif est de réduire au maximum – jusqu'à zéro – le nombre de maladies professionnelles reconnues, par la maîtrise et l'évaluation des expositions professionnelles.

Vous l'avez rappelé en introduction, nous avons un assemblage réglementaire d'une grande efficacité, notamment en France, grâce à la conjugaison de règlements européens. Vous avez cité la réglementation REACH et l'échéance du 31 mai 2018 pour l'enregistrement de toutes les substances chimiques produites ou importées en quantités comprises entre 1 et 100 tonnes auprès de l'Agence européenne des produits chimiques. Ce qui nous a conduits à acquérir des connaissances en matière de toxicologie, permettant notamment la déclinaison de valeurs seuils, de valeurs limites d'exposition professionnelle en vue de la protection des travailleurs.

Les règlements européens et les directives européennes concernant la santé et la sécurité au travail permettent l'évaluation et la maîtrise des risques aux postes de travail.

Ces textes européens, dont les directives ont été transposées en droit national, font l'objet de dispositions au titre du code du travail et de la partie du code de la sécurité sociale consacrée à la réparation et à la tarification. Nous sommes, en tant qu'employeurs, dans l'obligation d'évaluer et de maîtriser les risques – en particulier chimiques –, d'assurer la traçabilité des évaluations au travers du document unique, pour ce qui concerne la traçabilité collective, et par la délivrance d'attestations d'exposition liée à des risques cancérogènes, permettant la mise en place d'une surveillance médiale post-professionnelle, pour ce qui concerne la traçabilité individuelle.

En France, deux dispositifs ont été mis en place. Le premier est basé sur le tableau de maladies professionnelles et fondé sur le principe de la présomption d'imputabilité. Dès lors que les critères du tableau sont remplis, la pathologie est reconnue et réparée. Le second, complémentaire, est fondé sur le régime de la preuve, à savoir l'établissement de la relation de causalité entre l'exposition et la pathologie, par la victime ou ses ayants droit.

Depuis des années, notre objectif est d'agir en amont, le constat d'une maladie professionnelle étant un constat d'échec. La démarche de prévention doit porter principalement sur la prévention primaire, notamment par la suppression de substances extrêmement préoccupantes, comme les CMR, et sur l'évaluation et la maîtrise des risques, de manière à réduire au maximum les expositions des personnes.

Nous disposons également d'un dispositif dit de prévention secondaire, un premier filet de sécurité, qui est la surveillance médicale. Une surveillance destinée à détecter les symptômes ou les pathologies à un stade précoce, permettant une prise en charge rapide et leur guérison.

Enfin, la réparation – prévention tertiaire : le processus de déclaration et de reconnaissance des maladies professionnelles.

Je le répète, nous travaillons en amont sur la substitution des CMR, mais également au-delà, sur des profils de dangers qui posent problème dans nos installations et chez nos clients. Nous agissons au travers du confinement technique de nos installations, de manière à réduire les émissions et les expositions ; nous travaillons sur la protection collective, c'est-à-dire sur les systèmes de ventilation et de captage de polluants, et sur la protection individuelle, qui ne doit être utilisée qu'en dernier recours, dans l'hypothèse où nous ne parvenons pas à maîtriser, par d'autres techniques, les émissions.

Tout cela s'articule dans un processus que nous connaissons bien, l'évaluation et la maîtrise des risques chimiques, qui fait appel à la fois à des évaluations par modélisation des expositions et à des mesurages aux postes de travail, en application du code du travail. À cet effet, nous disposons en France d'un dispositif particulièrement ambitieux qui s'appuie sur un nombre significatif de valeurs limites d'exposition professionnelle.

Toutes ces actions permettent de réduire, au fil du temps et très significativement, les expositions professionnelles à des agents chimiques.

L'industrie chimique est complètement mobilisée pour améliorer ses performances dans ce domaine – maîtrise des risques au sens large et maîtrise des risques chimiques –, et souhaite, par le responsible care, aller au-delà des dispositions réglementaires ; les signataires de cet engagement voient leurs résultats s'améliorer en matière de sécurité par rapport à la moyenne de notre profession.

Nous contribuons à l'établissement de valeurs limites d'exposition professionnelle au niveau européen. Nous sommes également engagés dans la prévention des cancers professionnels en application de la feuille de route européenne, initiée sous la présidence néerlandaise et signée par notre confédération européenne, Business Europe.

En France, nous travaillons à l'élaboration d'outils d'évaluation, notamment SEIRICH, élaboré par l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) en partenariat avec les fédérations professionnelles. Nous travaillons également à la substitution des substances extrêmement préoccupantes et avons largement contribué à l'élaboration d'un guide conjoint avec l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) et la direction générale de la prévention des risques (DGPR).

Nous facilitons la mise en oeuvre de ces dispositions auprès des PME grâce à nos unions régionales qui les accompagnent dans leurs démarches d'évaluation des risques et qui assurent des opérations de formation et d'information. Enfin, nous appliquons les mêmes dispositions et référentiels – en particulier le référentiel MASE-UIC – à nos sous-traitants.

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