Intervention de Mélissa Ménétrier

Réunion du jeudi 12 avril 2018 à 13h00
Commission d'enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l'industrie risques chimiques, psychosociaux ou physiques et les moyens à déployer pour leur élimination

Mélissa Ménétrier, secrétaire générale adjointe du syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST) :

Vous nous demandez comment se passe le travail en binôme entre médecin et infirmière. Les conditions pour que tout se passe au mieux ne sont pas toujours remplies. La première est que l'infirmière doit être formée : si elle vient d'avoir son diplôme, elle ne connaît pas grand-chose à la santé au travail et il faut l'accompagner pour ne pas la mettre en difficulté. Ensuite, il faut organiser des temps d'échanges avec le médecin : ils doivent discuter des dossiers, des pratiques, de la manière de coopérer – ainsi, selon la nature du risque encouru dans telle entreprise, on pourra décider de la visiter non pas tous les cinq ans mais selon une autre périodicité. Il faut par ailleurs que le médecin ait du temps pour confier certaines tâches à l'infirmière. Or, souvent, on n'y a pas réfléchi avant que l'infirmière arrive et elle se trouve, alors qu'elle n'y est pas formée, à donner des consultations, ce qui d'ailleurs ne gêne absolument pas les directions de services qui répondent qu'il n'y a qu'à respecter le protocole. Seulement, le protocole ne peut pas prévoir tout ce qui se passe dans la réalité du monde du travail. On ne peut pas établir un protocole avec une liste de questions que l'infirmière doit poser – cela n'a pas de sens. Le protocole doit prévoir les modalités de la coopération entre médecin et infirmière et non dresser un inventaire à la Prévert de ce que l'infirmière doit chercher sans, de plus, y être formée. Si tout est bien pensé à l'avance, c'est très enrichissant et c'est un bonheur de travailler avec une infirmière, de se relayer, de la faire parfois participer au CHSCT quand plusieurs se réunissent en même temps. Mais si rien n'est préparé, les équipes sont mises en difficulté puisqu'elles doivent être rentables – ce qui est dès lors assez pénible.

En ce qui concerne la prévention, les services interentreprises font beaucoup de prévention secondaire. Dès qu'on détecte une situation potentiellement problématique – une réorganisation, un changement de management etc. –, on réfléchit à la manière d'intervenir le plus tôt possible dans l'entreprise pour améliorer la situation et éviter l'hécatombe. Nous n'y arrivons pas toujours car le premier acteur de l'entreprise est l'employeur et nous ne sommes que conseillers. L'employeur peut donc très bien ne pas suivre nos préconisations et faire ce qu'il veut. Ce qui manque à l'heure actuelle, c'est la prévention primaire qui permettrait de nous associer au changement. Il est plus facile de faire de la prévention primaire quand on est médecin autonome car on est directement dans l'entreprise, on a des contacts plus fréquents et on a aussi plus le temps de participer à des groupes de travail sur les réorganisations. Cela dit, ce n'est peut-être pas le cas dans toutes les entreprises et, encore une fois, le facteur principal est la volonté de l'entreprise d'associer ses partenaires au changement ou, au contraire, de les mettre devant le fait accompli.

S'agissant des risques chimiques, la première étape consiste à repérer les produits utilisés dans l'entreprise. Ensuite, on propose une substitution, si c'est possible, ou un suivi. Ce repérage n'est pas toujours fait tout de suite car quand on a de nombreuses entreprises à suivre, on ne peut faire des états des lieux partout : il faut planifier les choses et se fixer des priorités. À cet égard, les CPOM, dans le cadre régional, peuvent être des outils très utiles. Par exemple, le CPOM « repérage des CMR (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques) dans les garages » a permis de mener une politique intéressante : nous avons pris une branche, nous y avons fait du repérage puis nous avons évalué à quoi avait servi notre action et si nos préconisations avaient été suivies. Nous manquons en effet souvent de retours d'expérience sur les effets de nos préconisations.

Concernant les risques physiques, c'est un peu la même chose. Si je connais mon entreprise, je sais que telle unité pratique tel type de manutention et qu'il n'y a pas forcément le matériel nécessaire. Je vais alors y faire une étude ergonomique et proposer des solutions. Ce sont des actions très intéressantes pour nous mais que nous avons de moins en moins le temps de faire car, encore une fois, pour coordonner une équipe pluridisciplinaire et envoyer des spécialistes dans une entreprise, il faut déjà que nous connaissions nous-mêmes l'état des lieux. Il faut aussi négocier avec l'employeur, ce qui demande de nouveau du temps.

Nous sommes conseillers, et c'est l'entreprise qui a le pouvoir d'agir pour obtenir des résultats. Plusieurs acteurs dans l'entreprise doivent être mobilisés, dont les collectifs de travail et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) qui, jusqu'ici, était pour nous un interlocuteur privilégié pour mener des actions de prévention primaire. Souvent, nous l'associons à notre action et lui en restituons les résultats. Avec la fusion des instances représentatives du personnel, nous craignons que nos interlocuteurs soient moins mobilisés sur les sujets qui nous intéressent car ils seront dispersés entre de nombreuses missions au sein du CSE et peut-être moins bien formés ou moins spécialisés que le CHSCT actuel.

Enfin, pour améliorer la prévention, il faut agir sur les entreprises. Il faut promouvoir des mesures incitatives, telles que les aides financières simplifiées de la sécurité sociale qui, si elles sont peu connues, permettent, dans certaines branches, de financer du matériel. Il faudrait aussi imaginer des dispositifs plus contraignants car nos recommandations sont loin d'être toujours suivies.

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