Intervention de Pascal Empereur-Bissonnet

Réunion du jeudi 5 avril 2018 à 15h15
Commission d'enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l'industrie risques chimiques, psychosociaux ou physiques et les moyens à déployer pour leur élimination

Pascal Empereur-Bissonnet :

Je souhaite intervenir brièvement sur la question du golfe de Fos-sur-Mer. Le problème y est avant tout de nature environnementale. Il résulte d'une concentration d'industries – de transformation, d'énergie, etc. – induisant une pollution atmosphérique très importante. Le phénomène n'est pas nouveau. Le problème central est donc celui d'un bassin industriel très fortement pollué, avec des modifications démographiques récentes, des transformations de population et un mal-être local lié à la mauvaise qualité de l'environnement résultant de la concentration industrielle. Les populations s'en plaignent depuis très longtemps. Avant la création de Santé publique France, l'InVS s'était déjà penché sur ce problème et avait mené des études mettant en évidence des impacts sur la santé. Je pense qu'il existe une attente très importante de la part de la population, mais aussi un décalage entre ce qui a pu être montré en termes d'impact et une certaine lenteur dans les régulations de la pollution atmosphérique ou la mise en oeuvre de mesures de compensation.

Les travailleurs constituent-ils un modèle fiable, extrapolable à la population générale ? Certaines données utilisées en santé environnementale, relatives notamment à la connaissance de l'impact de certaines substances chimiques sur l'espèce humaine, sont issues d'observations effectuées en santé au travail. La raison en est que les travailleurs sont en général beaucoup plus exposés, à des doses assez fortes. L'expression épidémiologique de la maladie est ainsi plus évidente. On dispose en outre souvent de données d'exposition, qui permettent de mener des études assez rigoureuses et robustes et d'établir des liens de causalité. Le caractère leucémogène du benzène a par exemple été démontré dans l'industrie du caoutchouc, où il était utilisé comme solvant. L'environnement professionnel et les études épidémiologiques en milieu de travail sont donc souvent les premières à être générées et peuvent généralement être transposées à la population générale.

Toutefois, dans un exemple local comme celui que nous évoquons, l'exposition de la population, qui est soumise aux émissions atmosphériques ou liquides, n'est pas de même nature que celle que connaissent les travailleurs de l'usine. Les émanations d'une cheminée d'usine sont très différentes de ce qui circule dans cette usine. Les salariés concernés sont exposés à des matières premières ou à des premiers produits de transformation, mais non aux produits de combustion du four qui brûle les derniers résidus et rejette des fumées dans l'atmosphère. Les conditions d'exposition sont également très différentes : les travailleurs sont exposés pendant un temps donné, à des intensités assez fortes, alors que la population générale est confrontée à des expositions de moindre intensité, mais quasiment continues. Les pollutions peuvent en outre se déposer dans les jardins et s'introduire ainsi dans la chaîne alimentaire. Le parallélisme n'est donc pas systématique.

Je rappelle par ailleurs que les travailleurs sont une population particulière, sélectionnée, qui ne comporte ni enfants, ni vieillards, ni personnes gravement malades. On peut ainsi imaginer observer une expression de maladie en population générale chez des enfants, particulièrement sensibles à un agent asthmatiforme, par exemple, qui n'apparaîtrait pas chez les travailleurs. Méfions-nous des extrapolations. L'impact d'une substance sur la population générale ne peut pas toujours se déduire de l'impact observé chez les travailleurs.

Il peut en outre se produire des intrications très importantes, dans la mesure où les travailleurs peuvent habiter localement et subir ainsi une double exposition, à la fois professionnelle et dans leur vie privée. Tout ceci est assez complexe.

Concernant le cas précis de Fos, aucun signal d'événement parmi les travailleurs des entreprises du bassin n'a été porté à la connaissance de Santé publique France. Nous serons évidemment attentifs et réceptifs à toutes les informations qui pourraient nous parvenir à ce propos.

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