Intervention de Michel Debout

Réunion du jeudi 15 mars 2018 à 14h30
Commission d'enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l'industrie risques chimiques, psychosociaux ou physiques et les moyens à déployer pour leur élimination

Michel Debout, professeur de médecine légale et de droit de la santé, chef du service de médecine légale au CHU de Saint-Étienne :

En continuité de ce qui vient d'être dit, je crois qu'il y a un terme à bannir de notre langage, ce sont les personnes « fragiles ». Celles-ci sont en réalité fragilisées, ce qui n'est pas pareil. D'ailleurs, elles ne vont pas vivre leur trouble de la même façon suivant qu'on reconnaît, ou non, qu'elles sont fragilisées.

Si on ne les reconnaît pas comme fragilisées au travail, quelle peut être l'explication de leur détresse, de leur stress, de leur angoisse, de leur dépression ? Cela vient d'elles, ou cela vient d'ailleurs. Si on dit qu'elles sont fragilisées, on va chercher avec elles quelle réalité, dans leur travail, a abouti à cette situation. À l'inverse, en ne leur reconnaissant pas de maladie professionnelle, on opère une désaffiliation entre leur trouble et le travail. Et on ne peut pas bien les soigner, puisque soigner, c'est nommer les choses, et après les avoir nommées, apporter une solution.

J'ai vu des psychiatres qui recevaient des patients se plaignant de troubles dépressifs et précisant qu'ils ne se sentaient pas bien au travail. Mais, dans la mesure où les pathologies liées au travail n'étaient pas reconnues, ces praticiens n'en tenaient pas compte et ne parlaient pas avec leurs patients de leur travail. Bien sûr, certaines situations personnelles peuvent aboutir à des symptômes voisins, mais l'important est de commencer par reconnaître le lien et après, après seulement, aller chercher des causes complémentaires. Or, actuellement, on commence par écarter l'éventualité d'un lien entre un état dépressif, un état angoissé, etc., et une réalité de travail, puisqu'il n'y a pas de tableau de maladies professionnelles qui permette de faire ce lien. Tant que l'on n'aura pas fait ce bouleversement, on en restera à des situations confuses. Certes, les choses s'amélioreront un peu, mais sans plus.

Il faut passer par là pour pouvoir prévenir et mieux faire la différence entre certaines situations effectivement endogènes, c'est-à-dire liées à l'histoire personnelle, voire à la pathologie d'une personne, et sa vérité de travail. Cela marchera dans les deux sens, mais beaucoup plus largement dans le sens de la reconnaissance du lien avec le travail que dans le sens d'une disjonction.

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