Intervention de Pascal Gendry

Réunion du jeudi 31 mai 2018 à 8h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Pascal Gendry, président de la Fédération française des maisons et pôles de santé (FFMPS) :

En préalable, je tiens à dire que les maisons de santé n'ont pas vocation à être la solution pour mettre fin aux déserts médicaux, et elles ne le revendiquent pas. La FFMPS regroupe d'une part des pôles de santé, qui ont une dimension territoriale, et d'autre part des maisons de santé, qui ne correspondent pas à un lieu, à un bâtiment, mais à un regroupement de professionnels libéraux, pour l'essentiel, autour d'un projet de santé. Ces pôles et maisons de santé adhèrent à des fédérations régionales, lesquelles adhèrent ensuite à la fédération nationale.

Il existe environ 1 200 maisons de santé sur le territoire et 300 autres sont en projet. Leur répartition régionale est contrastée, essentiellement en fonction de la politique menée par les ARS, dont certaines les aident, d'autres pas.

Ce qui importe à nos yeux, c'est la constitution d'équipes de soins primaires, pouvant accueillir également des professionnels de second recours et des structures médicosociales, autour d'un projet de santé. Pour beaucoup de ces équipes, l'objectif fédérateur a été à la fois de favoriser l'accès aux soins et de lutter contre la désertification médicale, au sens large, car elle ne concerne pas seulement les généralistes, mais aussi par exemple les kinésithérapeutes.

Les professionnels de santé sont confrontés à une révolution dans les soins primaires, au vieillissement et au développement des maladies chroniques, et au désir, exprimé par la population, de prise en charge globale de la santé, et pas seulement d'accès aux soins. Ils doivent inscrire leur démarche dans ce contexte. D'autre part, ces professionnels ont envie de travailler en équipe. Le faire dans un désert médical, c'est préserver la possibilité et sans doute la pérennité d'une présence médicale : un professionnel ne peut y rester s'il est isolé. Les maisons de santé ont également un lien avec le territoire : on ne crée pas une maison de santé ou un centre de santé sans relation forte avec les élus et les usagers. Il ne sert à rien de chercher simplement à remplacer un médecin qui s'en va par un autre médecin : il faut mener une réflexion globale avec les autres professionnels de santé, quels qu'ils soient, du pharmacien au directeur de la maison de retraite. C'est ainsi que l'on crée une dynamique territoriale qui soit utile au-delà du problème de la désertification. Si l'on veut répondre aux besoins de la population, il faut assurer la coordination des soins, la prévention et l'éducation à la santé. Les équipes de soins primaires se structurent pour aller dans cette direction.

Cependant, elles font face à des obstacles ou à des faiblesses. D'abord, au cours de leurs études, les professionnels de santé n'ont jamais appris à travailler en équipe. Ce problème de la formation initiale est majeur si l'on veut améliorer l'accès aux soins. Ensuite, les aides publiques n'ont jamais été fléchées vers les pratiques regroupées, que ce soit les centres de santé ou les équipes de soins primaires. Par exemple, l'existence d'une maison de santé sur un territoire n'est pas un critère pour l'attribution des aides. Et on encourage les jeunes professionnels à aller remplacer un autre professionnel, pas à s'orienter vers une équipe de soins primaires. Certes, beaucoup de maisons de santé ont bénéficié de fonds publics, en particulier pour un projet immobilier. Mais la nouveauté fondamentale est que se dessine une sorte de contrat entre les élus et les professionnels, afin qu'ils se sentent investis d'une responsabilité territoriale. Ayant bénéficié de fonds publics pour créer leur maison de santé, ils peuvent difficilement refuser ensuite d'accueillir de nouveaux patients. Au passage, cette expérience a aussi donné aux élus une nouvelle compétence en santé publique et a pu les amener à investir dans des projets de prévention ou à signer des contrats locaux de santé. L'utilité des maisons de santé dépasse largement la résolution d'un problème de démographie.

L'accord conventionnel interprofessionnel de 2017 relatif aux structures pluri-professionnelles a ouvert de nouvelles possibilités pour mieux structurer les équipes de soins primaires. Elles doivent se concentrer sur l'exercice professionnel lui-même, et pour cela bénéficier d'aides pour les fonctions support, le secrétariat. Les maisons de santé l'offrent et constituent donc un cadre de travail acceptable. Reste qu'on a consacré beaucoup d'argent pour étudier la création d'équipes de soins et de maisons de santé sans évaluation de la qualité des projets, dont certains n'étaient pas proposés à bon escient, sans un investissement suffisant des professionnels. Or un projet collectif porté par des professionnels, des usagers, des élus a plus de chances de réussir.

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