Intervention de éric May

Réunion du jeudi 31 mai 2018 à 8h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

éric May, président de l'Union syndicale de médecins de centres de santé (USMCS) :

L'USMCS regroupe les médecins qui exercent en centres de santé, quel que soit le mode de gestion. Sans revenir sur la présentation qu'a faite Mme Legendre de la place des centres de santé dans les soins ambulatoires, je me concentrerai sur deux aspects, celui des déserts médicaux et celui de l'égal accès aux soins qui, pour nous s'envisage non seulement du point de vue territorial, mais aussi social. En effet l'inégalité d'accès aux soins sur le plan social peut être aggravée par l'inégalité territoriale, jusqu'à créer des situations kafkaïennes. Dans la ville de Paris par exemple, où le nombre de médecins a diminué de 25 %, la plupart de ceux qui restent sont en secteur 2. Où est, dans ces conditions, l'égalité d'accès aux soins ?

Avec le recul, on peut affirmer que les centres de santé publics, gérés par une collectivité et parfois une association, sont une solution qui fonctionne pour certaines zones désertifiées dans lesquelles il n'y allait plus y avoir de praticien du tout. On ne leur donne d'ailleurs pas la place qu'ils méritent dans les plans de lutte contre la désertification médicale. Notre syndicat accompagne la FNCS dans ses actions, et des projets comme ceux de Bergerac, de La Roche-sur-Yon, de Figeac. Les élus de ces territoires, très compétents pour analyser les problèmes, ont vu l'intérêt que présentent les centres de santé.

J'en viens au problème général de la désertification médicale. On l'a trop abordé en se centrant sur les médecins, ce qu'ils désirent, comment leur offrir des conditions attractives, jusqu'à établir une concurrence entre collectivités, voire du débauchage. En réalité, c'est le patient qu'il faut mettre au centre. Celui-ci a besoin d'un médecin traitant et de personnels de santé à proximité. De ce point de vue, l'indicateur d'accessibilité potentielle localisée, l'APL, qui est désormais utilisé, n'est pas probant. Ainsi, la population de Seine-Saint-Denis serait bien desservie car tout patient est à moins de trente minutes d'un professionnel. Mais encore faut-il que ce médecin puisse le recevoir, et que le patient ait la capacité financière de se déplacer et de payer !

Dans cette logique centrée sur le patient, le nombre de médecins, en particulier de généralistes, pose problème. Mais à un problème de démographie médicale, il faut apporter une solution démographique. En ce sens, nous appuyons l'ouverture du numerus clausus, qui doit être plus large encore. Nous pensons que la question de la répartition des médecins ne peut pas être traitée uniquement par les professionnels eux-mêmes. Enfin, nous répétons depuis des années qu'il faut mieux organiser la coordination entre l'ensemble des professionnels et les établissements sanitaires et médicosociaux, pour optimiser l'offre. Elle a du mal à se mettre en place faute de cadre national pour la médecine libérale et aussi faute de moyens. Au départ, il y a toujours un investissement nécessaire. Or on se heurte à un problème structurel : les collectivités disent que cela ne relève pas de leur compétence mais de celle de l'État. Qu'est-il en mesure de faire pour mieux répondre aux besoins de la population ? Se pose le problème de la liberté d'installation. L'absence de schéma territorial régional de l'organisation des soins ambulatoire est en soi un facteur qui contribue à la création de zones vides.

Les centres de santé exercent des missions de service public et d'intérêt général définis par l'article L. 6323-1 du code de la santé publique. Ils ont des obligations comme de pratiquer le tiers payant, respecter des tarifs opposables, assurer des soins de proximité, sans avoir les financements à la hauteur de ces missions. L'ordonnance de janvier 2018 modifiant le code de la santé publique ouvre des perspectives nouvelles à l'action des centres, de manière encore insuffisante. L'UCMCS adhère aux propositions que vient de présenter la secrétaire générale de la FNCS. Les médecins des centres de santé veulent participer en tant qu'acteurs à part entière, dans le court terme et le long terme, à une réorganisation qui améliorera l'accès des soins pour tous les Français sur tout le territoire.

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