Intervention de Céline Legendre

Réunion du jeudi 31 mai 2018 à 8h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Céline Legendre, secrétaire générale de la Fédération nationale des centres de santé (FNCS) :

Notre fédération regroupe les gestionnaires de centres de santé médicaux et polyvalents, qu'ils soient municipaux ou associatifs. J'aborderai trois points : notre diagnostic sur la désertification médicale, les centres de santé comme réponse pertinente et l'efficacité de l'aide publique.

La situation actuelle dans de nombreux territoires tient à trois facteurs. D'abord, on a voulu limiter l'offre médicale par le numerus clausus, alors que de nombreux médecins partent en retraite. Ensuite, le mode de vie des médecins a évolué. Les jeunes aspirent à concilier vie professionnelle et vie familiale, à travailler en équipe, à pouvoir rester mobiles. Le nombre de ceux qui s'installent en libéral est en chute. Enfin, on n'a pas remis en cause la liberté d'installation.

Cependant, selon nous, ce problème de désertification n'est pas la cause des inégalités dans l'accès aux soins. Celles-ci existaient déjà et il ne fait que les aggraver. En outre, le vieillissement de la population et le développement des pathologies chroniques rendent nécessaires des prises en charge pluridisciplinaires.

Comme la formation des médecins est longue, toute décision d'élargir le numerus clausus mettra du temps à se traduire sur le terrain. Les centres de santé sont une solution pour enrayer la désertification médicale, même s'ils ne sont pas la seule. Ils offrent aux professionnels la possibilité de passer au salariat et de travailler en équipe sans avoir à se soucier des tâches administratives et logistiques mais en consacrant leur temps à l'exercice médical, ce qui correspond à une large attente. Ils pratiquent le tiers payant et les tarifs conventionnés. Ils développent une offre de soins innovante et accueillent les infirmières de pratiques avancées. Les centres de santé sont adaptés à toutes les situations pour répondre aux besoins sanitaires, mais il faut leur donner leur juste place d'acteurs de la santé : ce ne sont pas les solutions de dernier recours, leur modèle a sa propre valeur.

Depuis l'accord conventionnel interprofessionnel de 2016, le nombre de projets de centres de santé a augmenté. Ils restent cependant fragiles, car un certain nombre de leurs activités ne sont pas rémunérées et ils reçoivent peu de subventions. La FNCS et ces partenaires accompagnent ce mouvement partout en France, avec une vision globale de l'action à mener pour lever les obstacles à l'ouverture de nouveaux centres.

S'agissant de l'efficacité des aides publiques, qui est l'un des objets de votre commission d'enquête, il nous est plus difficile de répondre dans la mesure où les centres de santé ont été exclus jusque très récemment du bénéfice de ces aides, réservées au secteur libéral. Ce traitement inégal a été modifié en partie en 2016. Néanmoins, il reste toujours difficile pour un centre de santé, même installé en zone déficitaire, de convaincre l'agence régionale de santé (ARS) de lui accorder une aide, d'autant que celles-ci dépendent souvent de critères pensés pour l'exercice libéral, comme la permanence des soins. Quant aux aides qui dépendent de la localisation en zone difficile, le nouvel indicateur pour identifier les territoires carencés, celui de l'accessibilité potentielle localisée (APL), a donné en Ile-de-France des résultats ubuesques. Heureusement l'ARS en a corrigé en partie les résultats en tenant compte du cumul des facteurs de fragilité des territoires.

Pour soutenir les centres de santé, il faut moins envisager des aides à l'ouverture que conforter l'équilibre global du modèle, en se penchant sur le statut des praticiens qui y travaillent, et en tenant compte du coût de gestion du tiers payant. Il faut lever un certain nombre de freins mis par l'ARS. En outre, dans certains départements, les centres de santé ne sont pas reconnus comme maîtres de stage, alors que c'est le cas dans d'autres départements comme en Ile-de-France. Il faudra développer l'animation régionale, renforcer les compétences, soutenir la formation des équipes. Une autre piste est d'accompagner les centres de santé infirmiers vers la médicalisation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.