Intervention de Gérard Collomb

Séance en hémicycle du jeudi 6 juillet 2017 à 9h30
Prorogation de l'état d'urgence — Présentation

Gérard Collomb, ministre d'état, ministre de l'intérieur :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, j'ai l'honneur de vous présenter ce matin le projet de loi portant prorogation de l'état d'urgence, tel qu'amendé et adopté mardi par le Sénat par 312 voix pour et 22 voix contre.

Si le Gouvernement a choisi de présenter ce projet dès le début de la session extraordinaire du Parlement, c'est bien sûr pour des raisons de calendrier – il fallait être en mesure de le voter avant la fin programmée de l'état d'urgence, le 15 juillet prochain –, mais c'est aussi une manière d'affirmer symboliquement que, pour ce gouvernement, la sécurité constitue une priorité et que les Français trouveront toujours en lui un garant de la tranquillité publique.

Je veux remercier la présidente de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet, ainsi que le rapporteur du texte, Didier Paris, pour le travail qu'ils ont effectué.

Je vous remercie également, mesdames, messieurs les députés, d'être aussi nombreux dans l'hémicycle pour l'examen de ce projet de loi important, le premier du quinquennat examiné en séance publique à l'Assemblée nationale.

Mesdames, messieurs les députés, je le rappelais mardi à vos collègues sénateurs, notre pays vit depuis maintenant deux ans et demi une vague d'attentats sans précédent dans son histoire : 239 personnes ont perdu la vie au cours de huit attaques ; 900 autres ont été blessées, dont certaines se battent pour retrouver une existence normale. Le Premier ministre l'a souligné mardi à cette tribune : cette période, ouverte en janvier 2015 – et même en 2012, si l'on considère l'attaque perpétrée par Mohamed Merah à Toulouse –, est encore en cours, car la menace terroriste demeure à un niveau extrêmement élevé.

On l'a vu, d'abord, avec les attentats perpétrés dans les pays voisins. Je pense à l'Allemagne, où le marché de Berlin et la gare de Düsseldorf ont été attaqués cet hiver. Je pense également à la Suède, endeuillée par l'attentat de Stockholm, et à la Russie, qui a été marquée par l'explosion du métro de Saint-Pétersbourg. Enfin, je pense au Royaume-Uni, bien sûr, avec les attaques de Westminster, et, très récemment, celles de Manchester et de Londres.

Plusieurs attentats – ou tentatives – se sont également produits sur notre sol. Chacun a évidemment à l'esprit l'attaque des Champs-Élysées, qui, le 20 avril dernier, a coûté la vie à un de nos policiers, Xavier Jugelé. De la même façon, nous pensons aux tentatives qui ont eu lieu sur le parvis de Notre-Dame, le 5 juin, et sur les Champs-Élysées, le 19 juin – cette dernière aurait pu être très meurtrière si elle avait abouti.

En outre, les informations dont disposent nos services de renseignement indiquent que, malgré le recul de Daech sur les fronts irakien et syrien et, dans une moindre mesure, en Libye, la capacité de l'organisation à frapper l'Europe et la France reste intacte. D'abord, le risque d'une action conduite par des individus de retour des zones de combat est réel, même si, pour le moment, le contrôle de la frontière turque freine de telles velléités. Ensuite, peuvent se multiplier les cas d'individus isolés, qui, à tout moment, sont susceptibles de se radicaliser rapidement et de passer soudainement à l'acte au moyen de modes opératoires qui, s'ils sont parfois rudimentaires, restent très meurtriers.

La menace s'établit donc à un haut niveau ; je le constate tous les jours comme ministre de l'intérieur. C'est pour cette raison que nous proposons, aujourd'hui, la prorogation de l'état d'urgence.

Vous le savez, l'état d'urgence est en vigueur dans notre pays depuis la nuit terrible du 13 novembre 2015. Il a été prorogé depuis à cinq reprises, avec, à chaque fois, le soutien large de l'Assemblée nationale. Il donne notamment la possibilité aux préfets d'ordonner des perquisitions administratives ou de procéder à la fermeture de lieux de culte, et au ministre de l'intérieur celle de décider d'assignations à résidence. Il donne également – aspect moins connu – la possibilité d'établir des zones de protection ou de sécurité pour certains grands événements, mais aussi celle de saisir des armes.

J'entends parfois – et c'est normal – des interrogations sur le véritable bilan de l'état d'urgence. Certains doutent de sa réelle efficacité, au motif qu'il n'aurait pas permis d'éviter de nouveaux attentats. Je vous propose donc de vous donner, comme je l'ai fait devant les sénateurs, quelques données sur le bilan de près de vingt et un mois d'état d'urgence.

D'abord, sans l'établissement de quatre-vingts zones de protection ou de sécurité permis par l'état d'urgence, n'auraient sans doute pas pu se tenir dans notre pays des événements comme le Tour de France, les grands festivals musicaux de l'été ou, bien sûr, l'Euro 2016, qui a donné dans cette période tant de bonheur à nos compatriotes.

Contrairement à ce que certains peuvent penser, l'état d'urgence est donc, non pas une atteinte aux libertés, mais un moyen de les préserver. En effet, c'est l'état d'urgence qui a permis aux Français de continuer à assister à de grands spectacles et manifestations sportives. C'est l'état d'urgence qui a permis de défendre notre mode de vie, celui que les terroristes entendaient précisément mettre en cause.

Deuxième élément de bilan : les fermetures des lieux de culte dans lesquels sont tenus des propos incitant à la commission d'actes terroristes. Depuis la mise en application de l'état d'urgence, seize fermetures administratives de ce type ont été prononcées. Seize lieux de culte fermés, cela peut paraître modeste. Pourtant, il s'agit d'un chiffre important si on le rapporte au nombre de personnes qui auraient pu se radicaliser en y écoutant des prêches fanatiques. Je me félicite donc qu'un juste équilibre ait été trouvé entre préservation de la liberté de culte et action forte, pour éviter que ne grossisse dans le pays l'effectif des candidats au djihad. C'est la preuve d'une réelle maturité de notre démocratie.

J'en viens maintenant à une disposition importante, qui relève directement du ministre de l'intérieur : l'assignation à résidence. Si, au lendemain des attentats de Paris et de Saint-Denis, elle a pu parfois être utilisée de manière large, il en est fait aujourd'hui un usage très ciblé et très pertinent. Aujourd'hui, dans notre pays, soixante-deux personnes seulement se trouvent en situation d'assignation à résidence. Elles ont toutes la possibilité de contester cette mesure devant le juge administratif. Nous sommes donc bien loin, mesdames, messieurs les députés, de la privation massive de liberté que certains veulent parfois dénoncer.

Enfin, dernier élément important de bilan : les perquisitions administratives. C'est là un outil essentiel du dispositif de prévention des actes terroristes. Quelques chiffres suffisent à le mesurer : les 4 400 perquisitions menées depuis l'entrée en vigueur de l'état d'urgence ont permis de saisir 600 armes, dont 78 armes de guerre. Elles ont aussi permis d'éviter de façon directe dix-sept attentats en 2016, auxquels il faut ajouter au moins sept attentats déjoués depuis le début de l'année. Elles ont ainsi freiné la croissance de certains réseaux et cellules dont le développement aurait été, à coup sûr, porteur de graves dangers pour nos compatriotes. Oui, les perquisitions administratives se sont donc, la plupart du temps, révélées très efficaces. J'ajoute qu'elles sont elles aussi désormais conduites de manière très ciblée, puisque, depuis la dernière prorogation, moins d'une perquisition par jour est ordonnée sur notre territoire.

Périmètres de protection, fermeture de lieux de culte, assignations à résidence, perquisitions : vous le constatez, si l'état d'urgence n'a pas permis d'éradiquer la menace terroriste – le risque zéro n'existe pas –, il s'est révélé d'une grande et d'une profonde utilité. C'est pourquoi je veux saluer en cet instant, comme je l'ai fait au Sénat, les policiers, les gendarmes, les militaires, les autorités judiciaires et l'ensemble des services de l'État qui ont veillé à sa bonne mise en oeuvre.

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