Intervention de Richard Ramos

Séance en hémicycle du mardi 22 mai 2018 à 15h00
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRichard Ramos :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous sommes réunis ici pour débattre, légiférer de ce que sera notre agriculture, du sort que nous voulons réserver à nos paysans, à nos restaurateurs, de l'idée que nous nous faisons de l'alimentation. Manger revêt une dimension singulière lorsqu'on est Français, et l'Europe nous regarde, nous qui vivons dans le pays de la gastronomie – inscrite au patrimoine culturel de l'humanité. Cela nous oblige, cela nous commande. Parler d'agriculture, chers collègues, c'est parler d'alimentation, c'est parler d'humanité ; c'est évoquer l'histoire humaine et la destinée que nous voulons lui assigner dans la pratique de cette activité plurimillénaire ; c'est aussi, dans cet hémicycle, s'interroger sur la manière dont on envisage de nourrir les femmes et les hommes au XXIe siècle. Ce sont là deux sujets fondamentaux.

Il y a 40 000 ans, la Terre était bien peu peuplée, les habitants vivaient de chasse, de pêche et de cueillette. Vers 8 000 avant Jésus-Christ naît l'agriculture. Cette révolution s'accompagne déjà de mutations technologiques majeures : houe pour retourner la terre, faucille, meule, autant de nouveaux outils nécessaires pour cultiver. Vous l'aurez compris, l'agriculture a fixé le destin de l'humanité. Depuis la révolution industrielle, et aujourd'hui numérique, à la faveur de choix politiques et de mutations sociétales, l'agriculture connaît une grande métamorphose. Il nous revient, dans cet hémicycle, de prendre la mesure de ce changement de paradigme et de penser le présent afin de tracer les lignes d'un futur, d'une agriculture durable.

La réalité est celle d'un monde agricole très hétérogène, qui fait du paysan le maillon le plus faible d'une chaîne agroalimentaire où transformateurs et distributeurs cherchent toujours les prix les plus bas pour satisfaire une clientèle de plus en plus coupée des réalités et de leurs relations avec les paysans. On comprend la colère de nos concitoyens et de nos concitoyennes quand ils découvrent que certains industriels de l'agroalimentaire, comme le groupe Lactalis, peuvent, peut-être par avidité, les tromper, les empoisonner, eux et leurs enfants ! Pouvons-nous interdire l'utilisation de certains produits à nos agriculteurs, alors que l'on continue d'importer des produits étrangers qui en contiennent ?

Oui, je m'élève contre cette malbouffe, que nous, représentants de la nation, ne pouvons accepter de voir s'installer davantage dans nos assiettes ! L'économie mondialisée a facilité la mise en place, dans les entreprises de transformation, de structures toujours plus grandes, souvent guidées par la recherche d'un profit sans cesse croissant. Cette quête mortifère pour les exploitants et les consommateurs – celle de produire plus – aboutit à payer de moins en moins les producteurs, à faire crever nos paysans. À cette spirale calamiteuse vient s'ajouter une très regrettable uniformisation du goût, des produits contenant toujours plus de sucre et de matières grasses, d'additifs, dont la consommation devient un problème majeur de santé publique. La culture du prix bas forgée dans l'esprit des consommateurs est délétère. Non, monsieur Michel-Edouard Leclerc, les plus modestes ne sont pas mieux nourris aujourd'hui par votre système : ils sont toujours les mal-nourris de notre époque, et la courbe de l'obésité suit celle de la pauvreté.

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