Intervention de Marlène Schiappa

Séance en hémicycle du mardi 15 mai 2018 à 21h30
Lutte contre les violences sexuelles et sexistes — Article 2

Marlène Schiappa, secrétaire d'état chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes :

La loi du 16 mars 2016 a réintroduit la surqualification de l'inceste dans le code pénal à la suite de la censure qui avait été opérée en 2011 par le Conseil constitutionnel sur la première loi inceste de 2010. Parce que la loi du 16 mars 2016 n'a pas aggravé les peines, elle a pu être immédiatement appliquée par les juridictions et ainsi, de mars à décembre 2016, près de 400 condamnations ont été prononcées pour inceste – très exactement 393. Il y a eu 293 agressions sexuelles, 86 viols, 14 atteintes sexuelles – puisque l'atteinte sexuelle existe déjà – , et 400 victimes ont ainsi pu voir que les faits qu'elles avaient subis constituaient des incestes. La quasi-totalité de ces faits avaient cependant été commis avant la loi de mars 2016.

Si cette loi avait aggravé les peines, ces incestes n'auraient pas pu être reconnus par la justice. Si donc l'Assemblée nationale adopte des amendements en ce sens, ce serait un véritable recul pour les victimes d'inceste. La nouvelle infraction ne s'appliquerait en effet qu'aux faits commis à compter de la publication de la loi, en vertu du principe de non-rétroactivité de la loi pénale, ce qui signifie que deux régimes différents viendraient à coexister pour de nombreuses années : les victimes d'inceste commis avant l'entrée en vigueur de la loi resteraient sous l'empire du droit actuel, tandis que les victimes de faits commis après la publication de la loi bénéficieraient de ces nouvelles dispositions.

C'est pour éviter ces écueils que le législateur, par la loi du 8 février 2010, avait fait le choix d'introduire l'inceste comme une surqualification descriptive, et non comme une infraction ou comme une circonstance aggravante.

Le droit existant prend donc déjà en compte les situations d'inceste, soit sous la forme de circonstance aggravante du viol, des agressions sexuelles ou de l'atteinte sexuelle, aggravés lorsque les faits sont commis par ascendant ou par une personne ayant autorité sur la victime, soit, en tout état de cause, par la surqualification pénale de l'article 222-31-1 du code pénal dans sa rédaction actuelle.

Il ne semble donc pas opportun de remettre en cause ces équilibres et l'avis du Gouvernement est défavorable sur cet amendement.

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