Intervention de Nicole Belloubet

Séance en hémicycle du lundi 14 mai 2018 à 16h00
Protection des données personnelles — Texte adopté par l'assemblée nationale en nouvelle lecture

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

Il est également défavorable. Je souhaiterais revenir, si vous m'y autorisez et bien que nous ayons déjà eu l'occasion de discuter de ce sujet ici, sur la manière dont Parcoursup a été mis en oeuvre.

Vous proposez, monsieur Peu, au nom de l'absence de transparence de la procédure de sélection et de l'effet supposé des algorithmes locaux sur la ségrégation territoriale, de supprimer le dernier alinéa du I. de l'article L. 612-3 du code de l'éducation, issu de la loi du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants. De la même manière que Mme la rapporteure, le Gouvernement souhaite au contraire que cette disposition soit maintenue, parce qu'elle constitue, selon nous, un rouage essentiel de l'intervention humaine dans le dispositif Parcoursup, sur lequel je voudrais à nouveau vous rassurer, monsieur le député.

Il a été construit pour mettre un terme à l'opacité qui résultait du processus « Admission post-bac » – APB – , utilisé jusqu'à présent. Le Gouvernement a choisi de refondre les modalités d'entrée dans l'enseignement supérieur autour de deux exigences fondamentales : remettre de l'humain dans la procédure d'affectation en écartant toute prise de décision fondée uniquement sur un algorithme ou sur un tirage au sort, et rendre cette procédure transparente et respectueuse des droits des étudiants. L'article L. 612-3 permet, à cet égard, d'assurer un niveau suffisant d'exigence, ce qui est inédit par rapport à la procédure APB.

La loi inscrit un principe fort : le critère de sélection des dossiers est l'adéquation entre le profil du candidat et les caractéristiques des formations auxquelles il prétend. Ces caractéristiques sont affichées sur le site de Parcoursup pour les 13 000 formations référencées, ce qui n'était pas le cas, il y a quelques mois encore, au moment où nous travaillions avec APB. Elles ont été validées au plan national au moyen d'une charte, élaborée au mois de décembre dernier en concertation avec tous les établissements d'enseignement supérieur et toutes les formations.

S'agissant des algorithmes auxquels vous faites référence, le Gouvernement a également travaillé pour garantir un niveau encore inédit de transparence. L'article L. 612-3 prévoit à la fois la publication des algorithmes nationaux de Parcoursup et celle des outils d'aide à la décision, autrement dit des algorithmes locaux mis à la disposition des établissements. La ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation s'est engagée à ce que les algorithmes locaux soient publiés en septembre, conformément au délai de droit commun.

Par ailleurs, la loi reconnaît un droit nouveau aux étudiants, qui consiste à pouvoir obtenir, à titre individuel, toutes les informations relatives au traitement de leur dossier.

Enfin, en vue de permettre un contrôle optimal du dispositif tout en assurant une information intégrale du Parlement, la loi a instauré un comité éthique et scientifique, dont le rôle a été renforcé au cours de son examen. Il est désormais prévu que ce comité rende au Parlement un rapport, faisant état de la mise en oeuvre et de la transparence de la nouvelle procédure nationale de préinscription.

Il me semble que votre amendement, s'il était adopté, priverait les enseignants des différentes formations référencées du bénéfice de la protection de leurs délibérations. Concrètement, l'intégralité des échanges des 13 000 commissions d'examen des voeux instaurées par le décret d'application serait publiée au seul motif que ces formations auraient la faculté d'utiliser un algorithme local, qui, je vous l'ai dit tout à l'heure, sera publié au mois de septembre.

Votre proposition, monsieur le député, aurait donc pour effet soit d'amener les établissements de formation à recourir mécaniquement à l'outil d'aide à la décision sans lui indiquer l'orientation pédagogique ni délibérer sur le fond des demandes, soit à l'abandonner et à traiter manuellement l'intégralité des dossiers. Dans les deux hypothèses, elle me semble mener à une impasse, alors qu'elle n'est pas justifiée au regard des garanties fournies par le Gouvernement en matière de transparence de la procédure.

Enfin, je rappelle l'engagement pris dans cet hémicycle en nouvelle lecture par mon collègue Mounir Mahjoubi, et que j'ai rappelé devant le Sénat. Le Gouvernement est tout à fait prêt, comme le suggérait tout à l'heure Mme la rapporteure, à faire évoluer le dispositif sur le fondement des éclairages que fournira le comité éthique et scientifique, dont les membres pourront au demeurant être auditionnés par les commissions permanentes dans les conditions prévues par votre règlement, mesdames, messieurs les députés.

Il en est de même – j'ai abordé ce point personnellement au Sénat, à la demande des sénateurs – de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, qui est chargée d'une mission de suivi global de la réforme dont les membres pourront également être auditionnés en commission. Je vous propose donc de rejeter l'amendement.

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