Intervention de Serge Smadja

Réunion du mercredi 25 avril 2018 à 11h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Serge Smadja, secrétaire général de la fédération de SOS Médecins France :

Si le problème de l'accès aux soins dure depuis plusieurs années, on ne peut envisager de le résoudre que si l'ensemble de la profession travaille en toute complémentarité. La médecine libérale vit une crise sans précédent car elle n'est plus attractive. On a beaucoup parlé du numerus clausus mais ce n'est plus tellement la question. Le problème, aujourd'hui, est que les médecins qui sortent des facultés ne sont pas du tout attirés par la médecine libérale. Il faut donc susciter les vocations d'emblée, lors des études médicales, et ne pas faire de l'hôpital la seule référence au cours de la formation de plus en plus longue des médecins. On envoie en effet inconsciemment et involontairement le message aux médecins qu'il y aurait une vraie médecine, la médecine hospitalière, et que la médecine libérale serait un peu secondaire. Il faut que davantage de médecins libéraux enseignent dans les facultés pour bien montrer à la profession que la médecine générale libérale est une discipline comme les autres. Une telle réforme est fondamentale non seulement sur le plan symbolique mais aussi sur le plan pratico-pratique. Il convient aussi de ne pas empêcher les structures de SOS Médecins d'être des terrains de stage pour les médecins car on rencontre souvent des médecins qui ont été bien formés à l'hôpital mais qui, faute d'expérience libérale de ville, ne se sentent pas bien armés pour participer à la permanence des soins et à la prise en charge des soins non programmés. Enfin, les médecins, avant de s'installer, se renseignent souvent pour savoir comment est organisée la prise en charge de la permanence des soins dans leur futur secteur d'exercice. La bonne organisation de cette permanence des soins est en effet pour eux un facteur d'attractivité, notamment dans les grandes villes.

S'agissant de la continuité des soins, si nous connaissons depuis des années des difficultés de prise en charge des soins quand les cabinets médicaux sont fermés, nous en rencontrons désormais même quand les cabinets médicaux sont ouverts, du fait de l'insuffisance de la démographie médicale. Comme les médecins traitants de cabinet sont débordés, ils peuvent difficilement s'organiser pour sortir ou prendre en charge dans leur cabinet des soins urgents en dehors de leurs rendez-vous. Si on veut trouver des solutions de prise en charge des soins dans la journée, il faut veiller à ne pas désorganiser la permanence de soins qui ne fonctionne pas partout parfaitement mais pour laquelle on a trouvé des solutions dans bien des endroits. Il ne faudrait pas détricoter un système qui se consolide à peine.

Le paiement à l'acte étant l'âme de la médecine libérale et un de ses principes fondamentaux, il doit être maintenu et nous vous mettons en garde contre l'excès de forfaitisation. Pour la prise en charge des soins non programmés, il conviendrait peut-être de mettre en place une lettre-clef type, comme cela a déjà été proposé par le passé dans divers rapports, notamment celui de Jean-Yves Grall de juillet 2015 et, plus récemment, dans le rapport d'information sénatorial sur la situation des urgences hospitalières de juillet 2017. Ce dernier a proposé qu'on étende les horaires de la permanence de soins au samedi matin. C'est une petite mesure mais c'est grâce à un ensemble de petites choses qu'on fera évoluer le système. Déjà qu'on a donné des horaires arbitraires à la permanence de soins mais il est un peu surprenant de considérer le samedi matin comme n'étant pas une période de week-end. Enfin, si le 3624 est le numéro national de la permanence de soins, à côté du 15, il ne faut pas trop multiplier les numéros. Il faut que les numéros qui sont bien connus de la population soient maintenus, ce que prévoit d'ailleurs l'article 75 de la loi de modernisation de notre système de santé.

La complémentarité des acteurs étant très importante, SOS Médecins doit pouvoir accéder au dossier médical partagé. Notre spécificité étant l'urgence et les soins non programmés, il faudrait que nous puissions, comme les SAMU (services d'aide médicale urgente) centres 15, avoir accès au dossier du patient en cas d'urgence. Tous les éléments qui peuvent concourir à une meilleure complémentarité et à un meilleur travail en réseau avec l'ensemble des acteurs hospitaliers, avec le SAMU et les médecins installés sont de nature à améliorer la prise en charge des patients, notamment notre diagnostic au chevet de ces derniers. Il faut tout faire pour éviter l'engorgement des urgences hospitalières, donc améliorer l'amont en faisant en sorte que les médecins qui voient les gens chez eux, à leur chevet, aient le meilleur équipement et puissent faire le meilleur tri possible entre un patient qu'on peut laisser à domicile et un patient qui doit être hospitalisé. Beaucoup de structures SOS commencent à faire de l'échoscopie en urgence , à s'équiper et à se former dans ce but, mais cet acte est fait gracieusement puisqu'il n'y a pas de cotation pour le médecin libéral au chevet du patient.

Le maintien à domicile et le virage ambulatoire sont des sujets fondamentaux. Si on veut maintenir les gens à domicile et éviter le recours aux urgences, il faut inciter les médecins à se déplacer et à aller voir les patients. Or, la tarification conventionnelle du déplacement à domicile est quasiment indécente et n'est pas du tout incitative. Je ne parlerai pas ici des difficultés de circulation et de stationnement, que ce soit dans les grandes villes ou en milieu rural.

Du fait de notre expertise, SOS Médecins prend complètement en charge le patient dès qu'il appelle. Nous avons nos propres centres d'appel, nos propres assistants de régulation médicale (ARM) et nos propres standardistes. Nous avons un médecin régulateur pour hiérarchiser les urgences, apporter la meilleure réponse possible et donner des conseils médicaux. Nous pourrions donc être une structure qui fédère, rassemble et travaille avec d'autres intervenants extérieurs à SOS Médecins, tels que des médecins installés qui pourraient venir dans nos structures pour participer à un grand tour de garde local.

Nous évoquerons d'autres points lors de notre échange, notamment la question des infirmières de pratiques avancées et la télémédecine.

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