Intervention de Denis Raynaud

Réunion du mercredi 25 avril 2018 à 8h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Denis Raynaud, directeur de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) :

En ce qui concerne les déplacements, je parlais des patients qui se rendent chez leur médecin et non pas des transports remboursés par l'assurance maladie. Il est important de comprendre les déterminants de ces déplacements. Des chercheurs ont analysé les déplacements pour des soins hospitaliers, et ils ont notamment fait apparaître les taux de fuite – fraction des journées d'hospitalisation des malades d'une région donnée, réalisées hors de cette région – auxquels les hôpitaux sont attentifs pour établir leur modèle économique. Cette approche peut aussi être utilisée pour la médecine de ville.

Il y a quelques mois, nous avons publié une étude sur le recours aux urgences des personnes âgées. Cette étude a été effectuée en marge des travaux d'évaluation des expérimentations concernant les personnes âgées en risque de perte d'autonomie (PAERPA). Nous avons pu montrer qu'il y avait un lien très net entre l'offre de ville, de premier recours, et l'accès aux urgences. Sans surprise, le recours aux urgences est beaucoup plus élevé dans les endroits où l'offre est défaillante. En la matière, l'indicateur clé est le recours aux urgences non suivi d'hospitalisation qui, dans la littérature internationale, est retenu comme l'un des signes de la mauvaise qualité de l'organisation des soins. La carence de l'offre de premier recours – médecin généraliste, infirmier, kinésithérapeute – conduit à une sollicitation accrue des services d'urgences. Le résultat n'est pas surprenant mais il est établi.

L'IRDES travaille beaucoup sur les restes à charge et sur les remboursements des assurances complémentaires, données qui nous posent des difficultés de collecte car elles n'entrent pas dans le système national des données de santé (SNDS) même si la loi le prévoit. Sous l'angle de la problématique du jour, on peut parler de cumul de difficultés : les personnes qui habitent dans des zones éloignées de l'offre doivent se déplacer pour accéder aux soins et elles risquent de subir des restes à charge plus élevés.

Même éloigné de l'offre, le patient accède aux soins. On ne sait pas mesurer, cela dit, les délais d'attente et les éventuels reports de soins dus à l'éloignement. Nous retenons quelques indicateurs, notamment la probabilité pour un patient d'avoir une consultation de généraliste dans l'année. Cet indicateur, aussi simple que discutable, dépend très peu de la densité de l'offre de soin. Il est légèrement supérieur dans les zones où l'offre est très importante – le premier quartile – mais il est stable entre le deuxième et le quatrième quartile. Les gens se déplacent et accèdent aux soins. En revanche, nos travaux montrent qu'ils perdent de la capacité de choix, ce qui peut poser la question des dépassements d'honoraires et des restes à charge. Éloigné de l'offre de soins, le patient peut avoir plus de mal à choisir un médecin qui ne pratique pas de dépassement d'honoraires.

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