Intervention de Philippe Vigier

Séance en hémicycle du mercredi 18 avril 2018 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur le projet de programme de stabilité pour les années 2018-2022 suivie d'un débat et d'un vote sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier :

Eh oui, vous n'étiez pas né, mais moi si ! Pourtant, avec ce programme de stabilité 2018-2022, l'heure est venue de prendre vos responsabilités en présentant à l'Assemblée nationale votre stratégie, votre méthode et vos objectifs pour redresser nos finances publiques.

Disons-le sans détour : vous ne nous avez pas encore totalement convaincus. Nous aimerions partager votre optimisme, car nous souhaitons comme vous la réussite de la France, mais en y regardant de plus près, nous constatons que sa situation et ses perspectives sont moins bonnes que vous voulez bien le dire.

Notre groupe salue le retour de la croissance : elle a été de 2 % en 2017, et devrait être à nouveau de 2 % en 2018 – hypothèse jugée réaliste par le Haut conseil des finances publiques. Certes la France profite de la conjoncture mondiale, mais il faut reconnaître que les réformes menées sous l'impulsion d'Emmanuel Macron pour rétablir la confiance, renforcer le soutien à l'investissement et améliorer la compétitivité des entreprises ont encouragé la croissance : je pense à la transformation de l'impôt sur la fortune, à la flat tax, à la baisse de l'impôt sur les sociétés, à la réforme du marché du travail, toutes mesures que notre groupe a soutenues.

Toutefois, il nous semble que les prévisions de croissance pour les années 2019 à 2022 sont trop optimistes, et sont soumises à de nombreux aléas, comme le rappelait Jean-Louis Bourlanges. Il s'agit, du reste, de l'analyse du Haut conseil des finances publiques, qui s'attend, dès 2019, à un infléchissement plus important que celui prévu par le Gouvernement : lui aussi considère que votre scénario pour les années 2019 à 2022 est optimiste.

J'ajoute que le Fonds monétaire international – FMI – prévoit qu'avec la fin des mesures de relance budgétaire, se feront sentir le mouvement de hausse des taux d'intérêt et le durcissement des conditions de crédit. Cela aussi devrait vous inciter à plus de prudence.

Et puis, messieurs les ministres, il faut reconnaître que la France est en retard par rapport à ses partenaires européens. On ne le dira jamais assez : 2 % de croissance en France, contre 2,5 % pour la zone euro ! Cela montre bien que nos faiblesses structurelles demeurent, et qu'il faut aller beaucoup plus loin dans le vaste mouvement de réforme lancé par le Président de la République.

Il n'y aura pas de redressement des finances publiques tant que nous ne serons pas capables de faire des réformes structurelles en profondeur. Vous devez à la France de prendre de vraies décisions, comme le disait Bruno Le Maire. Il vous appartient donc, à présent, de conduire les chantiers de la réforme de l'État, de la protection sociale, du paritarisme, de la transition écologique : autant de dossiers que vous n'avez pour l'instant fait qu'effleurer. Par conséquent, les résultats sur le front du déficit, de la dette et de la réduction des dépenses publiques ne sont pas aussi significatifs que vous l'avez dit.

Certes, le déficit repasse sous la barre de 3 % du PIB : nous devrions même sortir de la procédure pour déficit excessif. C'est une avancée majeure, obtenue par ce Gouvernement, qui nous permettra de retrouver du crédit auprès de nos partenaires européens. Soulignons cependant que ces résultats ne sont pas dus à des économies structurelles, mais ont été obtenus au prix d'efforts très importants demandés aux Français depuis de longues années. C'est encore le cas cette année, comme nous le disions tout à l'heure, puisque les impôts augmenteront de plus de 5 milliards d'euros.

Mes chers collègues, en l'absence de réformes structurelles, l'amélioration envisagée du déficit public de 0,3 point de PIB pour 2018 ne résulte que de l'amélioration du solde conjoncturel, et non du solde structurel, qui ne diminue que de 0,1 point. C'est cela, monsieur le ministre, le coeur du problème. Comme dirait Charles de Courson, nous sommes encore très loin de la limite d'ajustement structurel à laquelle nous nous sommes engagés auprès de nos partenaires européens, qui est de 0,5 point du PIB. N'oublions pas, enfin, que la transformation du CICE devrait aggraver le déficit en 2019.

Selon vos prévisions, nous resterons encore fortement déficitaires pendant deux ans. Seule l'Espagne fait moins bien que nous ! Dans ces conditions, l'objectif d'un budget excédentaire en 2022 nous paraît plutôt optimiste. Mais vous nous trouverez à vos côtés, messieurs les ministres, si vous êtes prêts à agir avec détermination pour trouver les solutions indispensables.

Cela a été dit tout à l'heure : la dépense publique a continué d'augmenter. Le rythme de cette augmentation a même accéléré, puisqu'en 2017, elle a crû de 2,5 %, soit deux fois plus qu'elle n'avait augmenté l'année précédente. On parle souvent de diminution des dépenses publiques : en l'occurrence, nous n'arrivons même pas à ralentir l'augmentation !

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