Intervention de Bruno le Maire

Séance en hémicycle du mercredi 18 avril 2018 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur le projet de programme de stabilité pour les années 2018-2022 suivie d'un débat et d'un vote sur cette déclaration

Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mesdames, messieurs les députés, je suis très heureux de vous présenter aujourd'hui, avec mon collègue ministre de l'action et des comptes publics, Gérald Darmanin, le programme national de réforme et le programme de stabilité, qui sont tous deux les gages de notre crédibilité retrouvée auprès de l'Union européenne et de ses États membres. Ces deux programmes seront transmis à Bruxelles avant la fin du mois, puis discutés avec les autres États membres dans le courant du mois de juin. Leur objectif est de convaincre nos partenaires que la France poursuivra son travail de transformation de l'économie et de rétablissement de ses finances publiques. Ce travail a déjà donné des résultats puisque, en 2017, nous sommes passés, pour la première fois depuis dix ans, sous la barre des 3 % de déficit public. Nous tenons donc nos engagements européens.

Pourquoi est-il nécessaire de continuer dans cette direction ? Tout d'abord parce que, même si la France a retrouvé le chemin d'une croissance solide et stable, le niveau de cette croissance demeure inférieur à celui de la moyenne des États de la zone euro. Or, en matière économique, la vocation de la France n'est pas d'être dans la moyenne, mais en tête des États.

Il est également nécessaire de poursuivre dans cette direction car nous sortons de trente années de chômage de masse, et parce que notre niveau de chômage structurel reste supérieur à celui des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE – , la formation et la qualification n'ayant pas été adaptées, depuis trente ans, aux besoins de notre économie. Cette direction est aussi nécessaire car nous enregistrons, depuis 2001, un déficit de notre balance commerciale. Ce déficit, qui ne cesse de se creuser, reflète la compétitivité perdue de l'économie française.

Il est tout aussi nécessaire de poursuivre ce travail de rétablissement de nos finances publiques au regard des dépenses publiques elles-mêmes, puisque leur part dans la richesse nationale, 55 %, reste la plus élevée de tous les pays de l'OCDE. Cette direction est nécessaire, enfin, car notre taux de prélèvements obligatoires – 45 % de la richesse nationale – demeure, depuis des années, l'un des plus élevés des pays développés.

Pourquoi ce travail de transformation, engagé sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre, doit-il être poursuivi dès à présent ? Parce que la croissance est là. Et c'est lorsqu'elle est là qu'il faut engager et accélérer le travail de transformation de notre économie. Cette croissance a atteint 2 % en 2017 et, au titre de la trajectoire budgétaire, 2 % ont été inscrits en 2018 et 1,9 % en 2019. C'est donc le moment de transformer l'économie française.

J'ajoute que cette croissance, dont nous anticipons un léger ralentissement à partir de 2020, est exposée à des risques que nous connaissons tous, et principalement à deux. Le premier est celui d'une guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, laquelle pourrait avoir des effets importants sur le niveau de la croissance mondiale, donc sur celui de la croissance française. Le deuxième risque, à mes yeux, est la remontée progressive des taux d'intérêt car, l'argent étant plus cher, l'investissement dans l'innovation deviendrait plus difficile. Nous connaissons ces risques, et notre niveau de croissance est aujourd'hui solide et stable. C'est bien la preuve qu'il faut accélérer le mouvement de transformation de notre économie et de notre dépense publique.

La stratégie que Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, et moi-même défendons repose sur deux piliers : la réduction de la dépense publique – sur laquelle Gérald Darmanin vous donnera toutes les précisions – et la poursuite de la transformation structurelle de notre économie.

Sortir de cette addiction à la dépense publique, réduire la part de la dépense publique dans l'économie française nous permettra de parvenir à trois résultats, indispensables tant pour la nation française que pour les ménages français.

Le premier de ces résultats est de sortir de la procédure pour déficit excessif, qui a été ouverte contre notre pays. Nous pensons y parvenir cette année, mais nous savons que la sortie définitive de cette procédure dépendra de notre capacité à baisser non seulement la dépense courante, mais aussi la dépense structurelle. Nous avons, dans cet objectif, prévu de réduire cette dernière de 0,1 point en 2018 et de 0,3 point en 2019. De la sortie définitive de la procédure pour déficit excessif dépend la crédibilité de la parole politique de la France, car il n'y a pas de parole politique crédible lorsque d'un autre côté, la dette et les déficits s'accumulent. Il n'y a pas de parole politique crédible auprès de nos partenaires européens quand les engagements que nous avons pris souverainement et librement auprès d'eux ne sont pas respectés.

Le deuxième objectif que nous pouvons atteindre en poursuivant cette stratégie de réduction des dépenses publiques, c'est évidemment la réduction de la dette. Le cap fixé au début du quinquennat était le suivant : 5 points de dette publique en moins, 3 points de dépenses publiques en moins, et 1 point de prélèvements obligatoires en moins. Vous pouvez remplacer ces chiffres par les suivants : 8, 3 et 1, car nous visons désormais 8 points de dette publique en moins d'ici à la fin du quinquennat.

Je le répète, la dette est un poison lent qui menace l'économie française, qui grève la compétitivité de notre économie et de nos entreprises. La dette est un fardeau injuste qui pèsera sur les épaules des générations futures. Tout le monde, dans cet hémicycle, sait que les taux d'intérêt remonteront progressivement d'ici à la fin de l'année 2018 ou le début de l'année 2019. Tout le monde sait, par conséquent, que la charge de la dette pèsera plus lourd sur les générations futures. Notre responsabilité collective, notre ardente responsabilité est de réduire son niveau, de façon qu'elle ne pèse pas sur nos enfants et sur les générations futures. Huit points de dette publique en moins, tel est l'objectif que nous nous fixons pour 2022.

Le troisième objectif enfin que nous visons avec cette stratégie en matière de finances publiques est la baisse des impôts. Les impôts restent trop lourds pour les ménages français et nuisent à la compétitivité de nos entreprises. Nous maintenons le cap de réduire de 1 point les prélèvements obligatoires d'ici à la fin du quinquennat.

Le deuxième axe de notre stratégie, ce sont les réformes structurelles, avec un premier volet : libérer le potentiel de notre économie. Nous avons commencé à libérer celui de nos entreprises avec la réforme du marché du travail et la réforme fiscale, la plus importante jamais menée ces trente dernières années. Allégeant la fiscalité du capital, elle permet à nos entreprises d'investir davantage avec un capital moins cher. Le mouvement se poursuivra avec la future loi sur la croissance et la transformation des entreprises, laquelle visera à lever les obstacles qui empêchent nos PME de grandir, d'exporter et de devenir des entreprises de taille intermédiaire.

Le deuxième volet de ces réformes structurelles, c'est l'innovation, la formation, et la capacité à nous saisir de toutes les technologies futures, qui feront que notre économie réussira mieux que celle des autres pays développés. La constitution du fonds pour l'innovation de rupture ainsi que les mesures prises en faveur de la formation et de l'apprentissage vont dans ce sens. Notre économie doit monter en gamme et, pour cela, elle doit innover, mieux former les générations futures et élever leur qualification.

Le troisième volet de ces réformes structurelles, c'est le partage de la croissance retrouvée avec ceux qui en sont les premiers responsables, c'est-à-dire les salariés de notre pays – ouvriers, employés, cadres. Tous ceux qui font qu'une entreprise tourne, obtient des résultats et dégage des bénéfices doivent être mieux associés à ses résultats. La décision du Président de la République de supprimer le forfait social sur l'intéressement pour toutes les entreprises de moins de 250 salariés est un levier puissant pour mieux récompenser les salariés, lorsque leur entreprise se porte bien. Nous ne pouvons pas accepter qu'une petite entreprise, parce que le forfait social est trop élevé ou trop complexe, ne distribue pas d'intéressement, alors qu'elle dégage des bénéfices et des profits grâce au travail de ses salariés. C'est une question de justice et d'équité.

Enfin, le dernier volet de ces réformes structurelles est la transformation de l'État, sur laquelle Gérald Darmanin vous apportera toutes les précisions nécessaires.

Je conclurai mon propos en insistant sur le fait que ce programme national de réforme et ce programme de stabilité, au-delà de la stratégie nationale qui est la nôtre, s'inscrivent dans une stratégie européenne que je souhaite rappeler. J'entends, ici ou là, beaucoup de commentaires sur de prétendues difficultés entre le gouvernement allemand et le gouvernement français au sujet de la transformation de la zone euro. Je veux vous rassurer : le travail en cours est silencieux, exigeant, secret pour le moment, mais il doit nous permettre d'obtenir une véritable feuille de route franco-allemande d'ici à la tenue du prochain Conseil européen de juin sur la transformation de la zone euro.

Oui, nous travaillons, main dans la main, avec le gouvernement allemand, à la réalisation de l'union bancaire, de l'union des marchés de capitaux, à la mise en place d'un budget de la zone euro destiné à protéger les pays de la zone contre les crises économiques, ou encore à investir et innover. Je suis convaincu que, dans les mois qui viennent, nous parviendrons, avec notre partenaire allemand, à un compromis responsable et ambitieux sur la transformation de la zone euro, car soyons lucides : tous les efforts que nous faisons au niveau national pour réformer notre économie n'ont de sens que si nous les démultiplions au niveau européen, en retrouvant une puissance économique européenne capable de rivaliser avec la Chine et avec les États-Unis.

L'enjeu est là : voulons-nous être souverains économiquement et technologiquement face à la puissance chinoise ou face à la puissance américaine, ou acceptons-nous de n'être que des vassaux ? La France n'est pas un pays vassal ; c'est un pays souverain dans une Europe souveraine. Cette souveraineté repose à la fois sur la transformation économique du pays et sur l'achèvement de la zone euro. Nous accomplirons les deux objectifs d'ici à la fin du quinquennat.

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