Intervention de Jean-Michel Blanquer

Séance en hémicycle du mercredi 28 mars 2018 à 15h00
Régime d'ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat — Présentation

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi visant à simplifier et mieux encadrer le régime d'ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat.

Le Gouvernement partage pleinement l'idée qu'il est nécessaire de légiférer sur l'ouverture des établissements hors contrat. Leur régime d'ouverture est à la fois ancien et complexe.

Il est complexe, notamment, parce que les quatre administrations chargées de suivre l'ouverture des écoles – les services municipaux, les services académiques, les services de la préfecture et ceux du procureur de la République – ont des moyens d'action très différents.

C'est un régime à certains égards obsolète. Le régime d'ouverture des établissements privés d'enseignement scolaire qui figure au code de l'éducation résulte de la juxtaposition de dispositions de trois lois : la loi Falloux de 1850, la loi Goblet de 1886, la loi Astier de 1919. Tous, dans cet hémicycle, nous sommes très attachés aux grandes lois de la IIIe République sur l'école, nées en même temps que les grandes lois de liberté et qui fondent notre contrat social républicain. Il existe entre elles un lien de parenté. Être fidèle à leur esprit, c'est aussi leur apporter les évolutions nécessaires pour qu'elles continuent à constituer le cadre de la vie collective et qu'elles demeurent pertinentes face aux nouveaux phénomènes de société.

Or le cadre juridique en vigueur s'adapte difficilement à la hausse exponentielle des ouvertures d'établissements hors contrat. Il faut le dire également, il n'est plus suffisant face aux nouvelles menaces que nous devons collectivement affronter. Nous avons donc le devoir de moderniser ce cadre dans lequel s'exerce une liberté essentielle : la liberté d'enseignement.

Le régime d'ouverture des établissements privés hors contrat est complexe parce qu'il fait coexister trois procédures distinctes auprès du maire, de l'autorité académique, du préfet et du procureur de la République. Les délais d'opposition sont différents selon les administrations et selon le type d'établissement. Les motifs d'opposition diffèrent également selon le type d'établissement. Le cadre juridique actuel juxtapose donc trois régimes différents, pour l'école primaire, pour le second degré et pour l'enseignement technique.

Obsolète, le régime d'ouverture est aussi incomplet. En effet, le cadre juridique actuel ne permet pas aux quatre administrations compétentes de s'opposer a priori à l'ouverture d'un établissement. Cela s'explique par le fait que les motifs d'opposition actuels dans le premier et le second degrés, à savoir l'hygiène et les bonnes moeurs, ne sont pas suffisants. Il peut exister d'autres raisons très valables de s'opposer à une ouverture.

Aux yeux du Gouvernement, la proposition de loi permet d'atteindre trois objectifs majeurs : premièrement, simplifier et unifier le régime d'ouverture de tous les établissements hors contrat ; deuxièmement, unifier les délais d'examen des dossiers ; troisièmement, moderniser les motifs d'opposition pour les rendre plus opérants et faire face à de nouveaux phénomènes.

Les modifications législatives proposées permettraient de mettre en oeuvre un régime plus simple et plus opérationnel.

Plus simple, car un régime unique remplacerait les trois régimes dont j'ai parlé. En effet, si la proposition de loi maintient, pour opposer un refus au déclarant d'un établissement scolaire nouveau, la quadruple compétence du maire, de l'autorité académique, du préfet et du procureur, elle prévoit – nouveauté salutaire – l'instauration d'un guichet unique : le déclarant saisirait une seule administration, qui informerait les trois autres.

Le nouveau régime serait aussi plus opérationnel car les motifs d'opposition seraient unifiés et modernisés. La notion générale d'ordre public, déjà utilisée aujourd'hui, mais pour le seul enseignement technique, serait généralisée à tous les degrés de l'enseignement, les notions plus anciennes étant actualisées par la référence à la protection de l'enfance et de la jeunesse. On pourrait donc s'opposer à la création d'une école pour des motifs d'ordre public comme pour des motifs de protection de l'enfance et de la jeunesse.

Par ailleurs, les motifs permettant d'ores et déjà de demander la fermeture d'un établissement – l'absence de diplôme du directeur, la condamnation pour crime ou délit contraire aux bonnes moeurs – pourraient désormais être opposés à son ouverture.

La proposition de loi tend en outre à rendre obligatoire le contrôle des établissements privés hors contrat au cours de leur première année de fonctionnement. Cette disposition me semble, elle aussi, tout à fait indispensable. Je m'y engage devant vous : le ministère de l'éducation nationale se donnera les moyens, notamment dans les académies où se concentrent les ouvertures, de systématiser ce contrôle au cours de la première année de fonctionnement d'un nouvel établissement. C'est donc non seulement une nouvelle loi, mais aussi un nouveau mode de fonctionnement des rectorats qui nous permettront de progresser.

Il s'agit d'ailleurs de l'une des premières mesures du plan de lutte contre la radicalisation que le Premier ministre a présenté le 23 février dernier : vous le voyez, nous sommes attentifs à ses suites concrètes.

Ces contrôles seront effectués en étroite collaboration avec l'ensemble des services de l'État, notamment ceux du ministère de l'intérieur.

Les services de l'État, en particulier ceux de mon ministère, ont besoin d'un nouveau cadre juridique pour avoir les moyens d'agir, de contrôler et de protéger tous les enfants, quel que soit le choix pédagogique de leurs parents. Et nous avons besoin d'offrir cette protection dès la prochaine rentrée.

Enfin, et c'est peut-être le point le plus important, la proposition de loi permet de trouver un juste équilibre entre liberté d'enseignement et protection des enfants.

Constitutionnaliste de formation, je vous garantis que je suis un défenseur acharné des libertés constitutionnelles, notamment de la liberté d'enseignement.

Étant également un professeur, je vois tout l'intérêt des pédagogies nouvelles et des nombreuses initiatives qui peuvent exister en la matière. L'école publique peut d'ailleurs gagner à s'inspirer de dispositifs développés ces derniers temps dans ce domaine : nous ne devons pas les lui opposer mais, au contraire, faire en sorte qu'elle soit porteuse de ces avant-gardes.

Enfin et surtout, comme ministre de l'éducation nationale, je me dois de garantir la protection des enfants et des adolescents, ainsi que le respect des valeurs de la République, dans toutes les écoles de France, sur tout le territoire de la République.

La liberté d'enseignement, comme toutes les libertés, pour continuer à vivre, doit s'accompagner d'un cadre clair, partagé, respecté par tous les acteurs. Et, comme pour toutes les libertés, nous devons être attentifs aux abus de cette liberté, qui peuvent se retourner contre elle.

Les valeurs de la République sont le socle de notre action. Lorsque l'école ne porte pas ces valeurs, elle ne se porte plus elle-même. C'est bien en menant un combat commun pour réaffirmer les valeurs républicaines que nous pourrons accroître la liberté de l'enseignement. Je ne méconnais pas le fait que les jours actuels nous imposent une vigilance absolue sur ces questions. Ce contexte doit malheureusement nous donner encore plus d'ardeur à voter une loi comme celle-ci. C'est en dénonçant ensemble ceux qui s'abritent derrière les libertés pour lutter contre la liberté, pour bafouer les valeurs de la République, que nous pourrons consolider la liberté de l'enseignement, sa qualité et ainsi la République elle-même. Cette proposition de loi est le cadre nécessaire et attendu pour cela.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.