Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du mardi 27 mars 2018 à 15h00
Protection des savoir-faire et des informations commerciales — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Son objet est de fixer un cadre unique et cohérent pour protéger les savoir-faire et les informations commerciales confidentielles des entreprises contre les vols et utilisations indélicates.

La directive a fait débat. Elle a été élaborée en tenant compte de demandes de groupes qui souhaitaient un droit plus protecteur pour leurs secrets de fabrication et leurs projets stratégiques, alors que le vol de documents et la propriété intellectuelle sont déjà encadrés dans la plupart des pays par des lois nationales.

Le premier projet de directive n'était guère satisfaisant. La protection des journalistes et des lanceurs d'alerte a fait l'objet de vifs débats lors de sa discussion.

Le texte tel qu'il sera adopté a fini par aplanir certaines difficultés. Si je reviens sur l'histoire de la directive, c'est qu'elle met en évidence la tendance de la Commission européenne à faire prévaloir les principes de la concurrence loyale entre entreprises avant de s'inquiéter des effets de la réglementation sur une question d'importance équivalente pour une majorité de citoyens : l'objectif ou les dispositions ne doivent pas servir à cacher des informations, afin de tromper le public, les citoyens et les consommateurs !

Par ailleurs, sur le fond, la directive ne précise pas clairement si ses propres dispositions sont compatibles avec celles déjà en vigueur et si elles s'appliquent de manière cumulative ou alternative. Je ne citerai qu'un exemple à titre d'illustration. Se trouvent désormais protégées les études commerciales ou de marketing réalisées par les entreprises, leurs projets de développement, les études d'usage de leurs produits, leurs données financières et comptables avant publication. Les dispositions relatives à la protection des brevets ou des dessins et modèles ont-elles vocation à s'appliquer alternativement ou cumulativement ? La possibilité d'un choix est-elle ouverte aux détenteurs d'inventions brevetables ?

Pour revenir au texte proposé, le Conseil d'État, dans l'avis déjà cité, note que le projet ne comporte pas de mesures de coordination avec le droit positif. Il y aurait donc lieu d'assurer la cohérence de l'insertion de ce nouveau régime dans l'ordonnancement juridique, ce que, dans sa rédaction actuelle, le texte ne fait pas.

Parallèlement, la directive se préoccupe de concilier la protection des entreprises et le respect des droits fondamentaux. À ce titre, elle exclut de toute sanction l'obtention, l'utilisation ou la divulgation d'un secret d'affaires destinée à exercer le droit à la liberté d'expression et d'information, notamment la liberté de la presse, à révéler une activité illégale sous réserve d'agir dans le but de protéger l'intérêt public général, ou à protéger un intérêt légitime reconnu par le droit de l'Union ou le droit national. La directive a ainsi réalisé un point d'équilibre qui doit être confirmé de façon plus opérationnelle.

J'en viens aux opportunités d'améliorer le texte par un nouvel examen en commission.

La proposition de loi prévoit des dérogations à la protection du secret des affaires dans trois cas : l'exercice du droit à la liberté d'expression et de communication, y compris le respect de la liberté de la presse ; la révélation d'un acte répréhensible ou d'une activité illégale dans le but de protéger l'intérêt public général ; enfin la protection d'un intérêt légitime reconnu par le droit de l'Union européenne ou le droit national, notamment pour la protection de l'ordre public, de la sécurité publique, de la santé publique et de l'environnement.

La loi Sapin 2 évoquait une protection des lanceurs d'alerte pour dénonciation de toute menace grave pour l'intérêt général. Deux sujets juridiques ont été régulièrement évoqués lors des précédents débats. Le champ très vaste de la définition du secret des affaires pose la question des informations internes à une entreprise pouvant ne pas être classée dans cette catégorie. À coup sûr, dans de nombreux cas, des discussions porteront sur le champ couvert.

Je note aussi que le présent texte n'évoque plus qu'une protection pour dénonciation d'actes répréhensibles ou illégaux. S'agissant de la dénonciation d'actes légaux, il n'apporte aucune précision dans l'hypothèse, loin d'être exceptionnelle, où ceux-ci représentent une menace pour l'intérêt général.

L'infraction au secret des affaires aurait lieu dès lors que ces informations seraient obtenues ou diffusées et leur divulgation serait passible de sanctions pénales. Nous pourrions trouver de nombreuses situations où des entreprises utilisent pleinement la loi et l'optimisent pour en étendre le bénéfice, par exemple en matière fiscale. La question n'est pas seulement d'ordre théorique.

Le deuxième point soulevé est celui des dérogations instituées par le texte.

Une étude rétrospective des grandes affaires de ces dernières années, au regard des nouveaux principes posés et des définitions retenues, aurait permis de s'assurer que les dérogations prévues sont bien de nature à protéger la presse, les lanceurs d'alerte ou les chercheurs et universitaires à la source de découverte ou du renouvellement des connaissances, à l'origine des révélations qui leur avaient souvent valu des procès. Les garanties proposées par le texte ne couvrent pas tous les domaines de la société civile. À cet égard, de nouvelles précisions apportées par voie d'amendements seraient bienvenues.

Outre ces deux premières observations portant, l'une sur la nécessité de consolider l'équilibre ménagé par la directive entre la législation européenne et la législation nationale, l'autre sur les mécanismes de protection visant à encadrer et étendre des dérogations justifiées et circonstanciées, j'ajouterai un troisième élément : le travail en commission paraît inachevé au regard des enjeux exposés.

Le groupe Nouvelle Gauche a déposé plusieurs amendements avant l'examen en commission. Il s'agissait d'améliorer le texte afin de faire progresser le droit, celui de la protection du secret d'affaires, et les droits, ceux des citoyens et de leurs représentants dans la société civile, les associations.

Le premier amendement visait à étendre la protection des lanceurs d'alerte lorsqu'ils dénoncent des actes légaux, dans la mesure où ces derniers représentent une menace pour l'intérêt général.

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