Intervention de Stéphane Peu

Séance en hémicycle du mardi 27 mars 2018 à 9h30
Questions orales sans débat — Participation de l'État dans aéroports de paris

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Peu :

Ma question s'adresse à Mme la ministre des transports.

Un chiffre d'affaires de 3,6 milliards d'euros en 2017, en progression de 22,7 % par rapport à 2016. Un géant économique qui pèse 570 860 emplois directs et indirects, soit 2,2 % de l'emploi en France et 8 % de celui de l'Île-de-France, et qui représente aussi 1,4 % du PIB de la France et 42 % du produit intérieur brut de la Seine-Saint-Denis.

Je présume, madame la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, que vous savez que ces très saines données économiques sont celles d'Aéroports de Paris. J'ajoute, pour compléter le tableau, que l'avenir est encore plus radieux, si l'on considère que le trafic aérien mondial doit doubler dans les vingt prochaines années.

Les dividendes versés aux actionnaires d'ADP atteignent 261 millions d'euros, et l'État empoche 50,6 % de cette somme, à hauteur du capital qu'il détient. L'entreprise constitue la cinquième source de dividendes pour l'État.

ADP est un patrimoine et un savoir-faire remarquables, que l'État a pourtant décidé de brader. Vous voulez non plus seulement diminuer la part de l'État, comme l'avait fait François Hollande en 2013 lorsqu'il avait déjà cédé 13 % d'ADP à Vinci et à une filiale du Crédit agricole, mais aussi vous désengager en totalité.

Si cette volonté n'a aucune justification industrielle, elle comporte, en revanche, plusieurs dangers. Le premier est géostratégique, puisque Roissy-Charles-de-Gaulle est la première frontière de France. Nous devons conserver la maîtrise publique de nos aéroports quand ils ont cette dimension de frontière.

Le second concerne Air France, puisque notre compagnie aérienne nationale peut être totalement ligotée. Étant en situation de monopole, ADP pourra en effet imposer des conditions et des tarifs qui mettront cette compagnie dans les plus grandes difficultés, sans qu'elle puisse s'en dégager.

Plus de trente ans après le processus de privatisation des autoroutes, qui s'est soldé en 2006 par une grande braderie, offrant une véritable machine à cash à Vinci, vous voulez repaître à nouveau son gros appétit en 2018.

Les syndicats aéroportuaires, notamment la CGT, par la voix de son secrétaire Daniel Bertone, alertent sur une situation de quasi-monopole, qui donnerait à Vinci la possibilité de dicter à l'État ses choix en matière de transport aérien, sans que celui-ci ne puisse plus réguler.

Bien entendu, les députés communistes sont totalement défavorables à ces visées de privatisation, comme nous l'étions déjà au début des années 2000, notamment par la voix de mon prédécesseur, François Asensi.

La privatisation est néfaste pour cinq raisons majeures. Elle est néfaste pour l'emploi et le modèle social d'ADP ; pour les investissements aéroportuaires, qui seraient sacrifiés sur l'autel de la rentabilité à court terme ; pour l'unité et la complémentarité du système aéroportuaire parisien, avec un possible démantèlement d'ADP ; pour la maîtrise du foncier, avec le risque d'une spéculation nocive pour les communes alentours et leurs habitants ; pour la maîtrise de la sûreté nationale, avec le contrôle de la première frontière française sous pilotage privé.

En conclusion, madame la ministre des transports – pardon : madame la secrétaire d'État, non pas madame la ministre des transports, malheureusement –,

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