Intervention de Marianne Dubois

Séance en hémicycle du mardi 20 mars 2018 à 15h00
Programmation militaire pour les années 2019 à 2025 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarianne Dubois :

Dans cette LPM, le service national universel est évoqué à travers son financement, prévu comme spécifique et ne devant nullement peser sur le budget dont nous discutons aujourd'hui. L'alinéa 259 du rapport annexé mentionne expressément qu'un financement dédié sera affecté au projet du Président de la République. Cet alinéa est un engagement clair qu'il faudra assumer à l'avenir avec une rigueur extrême. L'inscrire directement dans le texte de la loi, comme le propose un amendement du groupe Les Républicains, est encore plus sûr et sécurisant.

Un point demeure en suspens : quid des moyens humains qu'il faudra mobiliser pour la mise en oeuvre de ce service national amplifié ? La question est savamment évitée dans cette LPM ; pourtant nul ne doute ici que certains effectifs prévus au titre II seront affectés à l'encadrement des jeunes en service. Au cours de notre mission d'information, nos échanges avec le monde militaire ont fait ressortir une forte revendication : nos soldats ne sont pas là pour faire de l'animation scolaire au détriment de leur première mission, laquelle est de protéger la France et les Français. Je veux appeler votre attention, madame la ministre, sur le fait que les liens entre l'armée et la nation n'ont de sens que s'ils se fondent sur un bénéfice réciproque entre les professionnels militaires encadrants et les jeunes en immersion.

L'enjeu de la confiance est là aussi central : l'alinéa 259 ne saurait être contourné, sur un plan tant financier qu'humain, au nom d'un engagement présidentiel dont le coût a déjà été estimé comme supérieur au budget de la justice, aux alentours de 15 milliards d'euros. Certes, mes chers collègues, le service national universel n'est pas mis en place dans cette LPM, mais politiquement il existe déjà dans les projets du Président de la République ; humainement, il inquiète nos armées ; financièrement, il apparaît difficile à réaliser. Dès lors, pourquoi ne pas jouer la transparence et la cohérence avec nos armées en introduisant le service national universel dans la LPM ? Le Gouvernement reste flou sur ce projet, tiraillé entre la réalisation d'une promesse de campagne et la nécessité de préserver le moral de nos armées et l'équilibre de nos finances publiques.

Il ne faudrait pas qu'à la lueur du printemps que représente l'augmentation du budget prévue par cette LPM succède une douche froide lors de la présentation concrète et précise du projet de service national universel. Quelle relation de confiance saurait survivre à un tel revirement ? Si j'insiste sur l'alinéa 259, madame la ministre, monsieur le rapporteur, c'est parce qu'il illustre bien la philosophie du Gouvernement : reporter le gros des efforts prévus par cette LPM à plus tard. Loin de moi l'envie de vous inciter à la précipitation, mais vous conviendrez que le flou qui subsiste tant sur le service national universel que sur les choix budgétaires reportés à l'avenir ne contribue pas à rétablir la confiance.

Cette loi est conforme aux annonces faites par le Président de la République, qui prévoient une trajectoire budgétaire devant conduire à 2 % du PIB en 2025, soit un budget de la défense atteignant 50 milliards d'euros, contre 34,2 milliards en 2018. Ainsi, l'ambition de ce texte est d'amorcer une rupture durable avec les baisses successives – pour ne pas dire excessives – du budget de nos armées observées depuis plusieurs années. Cette ambition est louable et je pense sincèrement que le Gouvernement y est attaché, mais se donne-t-il vraiment les moyens de la réaliser ? A-t-il compris l'ampleur de la tâche qui est devant nous ? Les travaux de la commission de la défense laissent entendre que non.

L'artifice qui consiste à couper en deux la montée en puissance de ce budget, entre les périodes 2019-2023 et 2024-2025, questionne voire inquiète. Le budget augmentera de 1,7 milliard par an entre 2019 et 2022, puis de 3 milliards par an à partir de 2023 – c'est-à-dire après la fin du quinquennat. Dès lors, ce sont en fait deux lois de programmation militaire que vous soumettez à notre approbation aujourd'hui.

Le groupe Les Républicains a proposé de poursuivre la trajectoire jusqu'en 2025, afin de l'inscrire dans la durée. Cette régularité à long terme serait un gage de lisibilité, de stabilité et tout simplement de sincérité à l'endroit de la défense.

Les besoins affichés pour la période 2019-2025 représentent 295 milliards d'euros, mais seule la période 2019-2023 est inscrite dans le texte, à hauteur de 198 milliards d'euros. Pour la seconde période, le montant exact sera précisé en fonction de « la situation macroéconomique à la date de l'actualisation » ainsi que de « l'objectif de porter l'effort de défense à 2 % du PIB en 2025 ».

J'ignorais que la sollicitation de nos armées dépendît de la situation macroéconomique. J'ignorais que la dangerosité des menaces qui visent la France dépendît de la croissance. J'ignorais que la qualité du matériel de nos soldats fût plus ou moins indispensable en fonction des perspectives économiques du pays. Ainsi, en 2022, le budget de la défense atteindra 1,85 % du PIB, et non les 2 % affichés à long terme.

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