Intervention de Laetitia Saint-Paul

Séance en hémicycle du mardi 20 mars 2018 à 15h00
Programmation militaire pour les années 2019 à 2025 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaetitia Saint-Paul, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, pour la première fois depuis la fin de la Guerre froide, nous sommes appelés à nous prononcer sur un projet de loi de programmation militaire qui ne prévoit ni réduction des effectifs – bien au contraire – , ni déflation, ni fermeture de bases militaires, ni étalement des programmes d'armement. Oui, ce texte organise la remontée en puissance des moyens de notre défense au cours des sept prochaines années. À travers ce projet de loi, l'engagement formulé par le Président de la République de porter le budget de la défense à 2 % de notre PIB en 2025 prend enfin corps.

Il n'est plus à prouver que la dégradation de la situation internationale appelle une réaction forte. Deux ans après les attentats de Paris et de Nice, la menace terroriste reste très présente et se nourrit des nombreuses sources d'instabilité en Asie, en Afrique et jusque sur notre sol. Parallèlement, la résurgence des stratégies de puissance, remettant en cause l'ordre international, se fait de plus en plus palpable. Ces stratégies se déploient dans tous les milieux : terre, air, mer, mais aussi espace et cyberespace, qui, pour être moins visibles, n'en sont pas moins stratégiques.

La France est mise au défi. Elle est mise au défi de conserver son avance technologique face à la montée en puissance de nouveaux acteurs. Elle est mise au défi de préserver sa vocation mondiale, alors qu'elle se trouve concurrencée par d'autres sur ses points d'appui traditionnels et qu'elle peine à assurer sa souveraineté maritime dans son immense zone économique exclusive. Elle est mise au défi de pouvoir continuer à intervenir dans les crises mondiales, quand son armée est fragilisée par des engagements intensifs et des années de sous-investissement accumulé.

Certains d'entre vous estimeront sans doute que la trajectoire budgétaire de cette loi est insuffisante, qu'il aurait fallu aller plus loin, plus vite. Mais il faut prendre en compte le point de départ et ne pas négliger d'autres enjeux de souveraineté nationale comme la réduction de notre dette publique.

La remontée en puissance de nos armées se fonde sur une programmation militaire aussi responsable et engagée que possible, que nous ne pouvons que saluer. Elle s'appuie sur des ressources fiables, procède à une évaluation réaliste des coûts et s'attache à réparer les nombreuses fragilités apparues au sein de notre outil de défense, renonçant à toute ambition grandiloquente, déconnectée de la réalité. Elle donne la priorité au facteur humain, aux militaires, qui font aujourd'hui la réputation de l'armée française à travers le monde, à côté d'armées bien mieux dotées, comme celle des États-Unis.

Ce texte souligne le lien entre l'autonomie stratégique de la France et celle de l'Union européenne. À côté de poids lourds comme la Chine ou les États-Unis, face à des enjeux qui ne connaissent pas de frontières, la France n'a plus la taille critique pour espérer pouvoir tout faire toute seule. L'Europe partage des intérêts économiques et sécuritaires, et connaît un haut degré d'intégration politique ; il semble donc naturel qu'elle s'attache à construire son autonomie stratégique. Et pourtant, ce n'est pas facile, très loin de là. C'est peut-être là l'un des enjeux les plus forts de ce projet de loi. Même si elle n'en constitue pas le coeur, la coopération avec nos partenaires, en particulier européens, en est un postulat essentiel.

Des initiatives récentes ont posé les bases de cette autonomie stratégique européenne. La France doit les aider à mûrir. L'initiative européenne d'intervention proposée par le Président de la République pourra jouer un rôle positif en ce sens, en rapprochant les cultures stratégiques européennes. Nous devons envoyer des signaux positifs à nos partenaires et travailler ensemble. C'est d'abord sur les perceptions que se jouera l'avenir de nos coopérations, essentielles pour que nous espérions peser dans les affaires du monde. Notre action afin de soutenir une intégration européenne dans le domaine de la défense plus poussée sera capitale. Comme l'a dit le général de Gaulle, la géographie l'emporte toujours sur l'histoire.

La présente loi de programmation militaire est une loi de renouveau pour nos armées. Aussi, je vous invite, mes chers collègues, à soutenir ce texte, qui doit disposer de la plus large assise possible, pour préparer nos armées, pour réparer les fractures, pour nos soldats.

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