Intervention de Philippe Dunoyer

Séance en hémicycle du mardi 20 mars 2018 à 15h00
Consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la nouvelle-calédonie — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Dunoyer :

Afin d'éviter la déportation, il quitta sa famille pour se réfugier en Angleterre, puis rejoignit la Nouvelle-Calédonie après un détour par l'Australie. Pour le retrouver, huit ans plus tard, sa femme embarqua au milieu d'inconnus avec ses cinq enfants, dont le plus jeune, alors âgé de sept ans, décéda durant la traversée. Mon aïeul fut tour à tour courtier, colon éleveur, prospecteur minier puis premier maire élu de Nouméa en 1879. Pour cet arrière-arrière-grand-père, qui s'était battu pour la liberté sur les barricades et qui, par choix politique, avait décidé de s'exiler, la Nouvelle-Calédonie était, à l'autre bout du monde, la terre improbable d'une liberté ardemment convoitée et retrouvée après bien des péripéties.

Si je suis devant vous en cet instant à m'exprimer sur le projet de loi organique qui arrêtera le périmètre ultime du corps électoral référendaire calédonien, c'est en tant que Calédonien de la cinquième génération. Mais, à côté de cette souche calédonienne, j'ai aussi, par mon père arrivé en Calédonie dans les années soixante, une souche métropolitaine.

Quant à mon épouse, ses grands-parents, originaires du Tonkin, sont venus en Nouvelle-Calédonie au début du XXe siècle, comme plusieurs dizaines de milliers d'Asiatiques – Vietnamiens, Chinois, Javanais et Japonais – pour servir de main-d'oeuvre bon marché dans les mines de nickel. Certains ont choisi d'y demeurer.

Si je partage avec vous cette part intime de mon histoire personnelle, c'est parce qu'elle est représentative du melting-pot de ces communautés venues d'Europe, d'Asie ou d'Océanie, dont la contribution à la construction de la Nouvelle-Calédonie a été reconnue par l'accord de Nouméa. Ces communautés ont dû, pendant 165 ans, faire leur place aux côtés du peuple kanak, autochtone, porteur d'une civilisation millénaire, enraciné dans son espace et son organisation sociale, dans ses clans, coutumes, langues, croyances, rites et traditions. Et la colonisation a confisqué l'identité de ce peuple autochtone, comme le rappelle le préambule de l'accord.

Avec les accords de Matignon et de Nouméa, la Nouvelle-Calédonie s'est engagée dans un processus négocié puis constitutionnalisé de décolonisation et d'émancipation au sein de la République Française, qui a permis aux Calédoniens « de tourner la page de la violence et du mépris pour écrire ensemble les pages de paix, de solidarité et de prospérité ». Après bien des tumultes, nous formons désormais, peuple d'origine et peuples d'ailleurs, un seul et même peuple : le peuple calédonien, peuple de toutes les couleurs, de toutes les cultures, de toutes les langues, de tous les métissages, qui, le 4 novembre prochain, exercera le droit à l'autodétermination que lui a reconnu la Constitution de la République. Nous serons face à notre destin.

La formation politique à laquelle j'appartiens – Calédonie Ensemble, principale formation non indépendantiste – , considère que l'avenir de notre pays doit s'épanouir au sein de la France, parce que la France, c'est un siècle et demi d'histoire avec notre caillou, c'est notre langue véhiculaire, c'est notre école républicaine. C'est en son sein que notre pays, qui se gouverne déjà lui-même, peut désormais affirmer son identité singulière, parce que la France, c'est ce qui cimente les Calédoniens, quelles que soient leurs origines, c'est ce qui nous permet de bénéficier d'un niveau de vie qui nous est envié par de nombreux pays du Pacifique, notamment aux plans éducatif, sanitaire ou social.

Pour autant, malgré la chronique annoncée d'un résultat de la consultation largement favorable à une Nouvelle-Calédonie au sein de la République, il nous faut respecter les convictions des Calédoniens qui, le 4 novembre, mettront un autre bulletin dans l'urne.

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