Intervention de Alexis Corbière

Séance en hémicycle du mardi 13 mars 2018 à 15h00
Consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la nouvelle-calédonie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexis Corbière :

Non, je ne crois pas que ce soit la mission qui nous a été confiée, que nous ne devrions pas outrepasser. Cette déclaration peut de toute évidence être vécue comme une tentative d'influencer le scrutin, et toute provocation susceptible d'entraîner des crispations doit être évitée vu combien la situation est sensible. En particulier, nous regarderons avec attention la teneur de la question qui sera posée aux électeurs puisqu'elle sera déterminée par décret en Conseil des ministres. Le Gouvernement doit être pleinement responsable à ce sujet, d'autant que, si l'on en croit le Premier ministre, la question sera simple et binaire. Le Conseil d'État a estimé que « les délais entre l'adoption de cette loi organique et la tenue de la consultation qui aura lieu au plus tard en novembre 2018 seront particulièrement tendus » ; il ne faut pas que la précipitation vienne entraver la bonne tenue du scrutin.

Pour conclure, je voudrais rappeler les inégalités persistantes en Nouvelle-Calédonie. Là-bas, les écarts de richesse, les privilèges de certains, les injustices, sont encore bien réels et très mal ressentis. La colonisation a structuré une économie calédonienne à deux vitesses – sinon pire – , fondée sur de fortes inégalités, notamment dans le domaine éducatif. Certes, depuis 1989, la politique dite de rééquilibrage concédée par la France en matière d'infrastructures, de transports et de santé a permis une généralisation, encore balbutiante, de l'accès au baccalauréat et une élévation du niveau des études. Mais depuis 2009, les inégalités ethniques entre Kanaks et non-Kanaks persistent – on peut les mesurer du fait qu'en Nouvelle-Calédonie, les statistiques ethniques sont autorisées. Ainsi, en 2014, date du dernier recensement, 36 % des Kanaks âgés de 15 à 64 ans étaient sans diplôme, contre 17 % des non-Kanaks ; 5 % seulement des Kanaks ont obtenu un diplôme du supérieur, contre 28 % des non-Kanaks. Dit autrement, un non-Kanak a 8,3 fois plus de chances qu'un Kanak d'être diplômé du supérieur. Les Kanaks sont aussi discriminés dans l'accès au logement ; une étude de la Ligue des droits de l'Homme a même montré une discrimination dans l'accès aux boîtes de nuit à Nouméa !

Nous espérons donc que ce référendum d'autodétermination permette de progresser sur le chemin de l'égalité démocratique en Nouvelle-Calédonie et qu'il marque peut-être le début de la résorption des inégalités économiques et sociales entre les différentes communautés de l'île. Il doit être l'occasion d'une avancée vers les idéaux des Lumières et l'idéal républicain, et d'une rupture nette avec la hideuse caricature colonialiste qu'a connue l'île. Je termine en rappelant quelques noms, dont certains ont déjà été évoqués : je veux saluer la mémoire de Jean-Marie Tjibaou, Yeiwéné Yeiwéné et Éloi Machoro, qui ont permis que l'on en arrive à ce processus – je l'espère – démocratique, qui redonnera au peuple kanak et aux habitants de la Nouvelle-Calédonie la maîtrise de leur destin.

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