Intervention de Vincent Bru

Séance en hémicycle du mardi 13 mars 2018 à 15h00
Consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la nouvelle-calédonie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVincent Bru :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, alors que nous abordons le fameux projet de loi organique relatif à l'organisation de la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie, et pour que nous prenions bien conscience de la responsabilité qui est la nôtre en ce jour, je voudrais rappeler la dernière phrase du point 5 de l'accord de Nouméa de 1998. Elle prévoit qu'au terme des trois consultations prévues par le texte « l'État reconnaît la vocation de la Nouvelle-Calédonie à bénéficier, à la fin de cette période, d'une complète émancipation ».

L'exercice auquel nous nous soumettons aujourd'hui n'a que peu d'équivalents dans l'histoire de notre pays. Il est même, à bien des égards, totalement singulier et original en ce qu'il nous oblige à reconsidérer notre manière d'aborder la citoyenneté – en particulier avec la notion de citoyenneté calédonienne – , d'aborder aussi la pluralité des histoires et des mémoires qui composent notre République, et à repenser notre conception même de l'unité du territoire national. Il est en cela très fécond, et nous force à avancer avec bienveillance et respect.

La démarche est également originale par la possibilité qu'elle offre aux Calédoniens de se saisir de leur avenir et de décider pour eux-mêmes de leur devenir.

La consultation, qui aura lieu à l'automne prochain, dans le droit-fil du titre XIII de la Constitution – dont on a pu dire qu'il constituait une Constitution dans la Constitution – , constitue une très grande avancée du point de vue de la compréhension réciproque.

L'histoire des relations de la France avec ce territoire éloigné est faite de tout ce que les hommes apportent avec eux : leurs connaissances, leurs cultures, leurs attachements, leurs traditions, leurs ambitions, mais aussi l'esprit de domination, les conflits, la violence et même la mort. C'est cela qu'il nous faut désormais dépasser – non pas oublier, car le passé n'est pas mort ; mais surmonter, pour construire une relation nouvelle, celle de la confiance, celle de l'estime, celle du cheminement côte à côte.

La consultation qui s'annonce le 4 novembre prochain n'est qu'une étape sur le chemin qui mène vers cet aboutissement, comme le rappelait récemment notre rapporteur Manuel Valls. Cette étape est marquée, je le crois, par la confiance que l'État place dans la volonté des Calédoniens de rester unis quoi qu'il arrive. Le rôle de l'État est bien ici celui d'un arbitre impartial.

L'Accord de Nouméa stipule d'ailleurs que « le résultat de cette consultation s'appliquera globalement pour l'ensemble de la Nouvelle-Calédonie » et qu'« une partie de la Nouvelle-Calédonie ne pourra accéder seule à la pleine souveraineté ou conserver seule des liens différents avec la France ». Quelle que soit la manière dont les Calédoniens se prononceront, leur destin est de rester ensemble.

Voilà pourquoi l'organisation de la consultation est essentielle : c'est d'elle que dépendra l'acceptation des résultats, et donc le climat dans lequel sera plongée la Nouvelle-Calédonie par la suite. Le rôle du législateur, mais aussi de toutes celles et de tous ceux qui sont attachés à la résolution démocratique des différends, est de prévoir le meilleur cadre possible pour le déroulement de ce vote historique.

Nous le savons bien, il est essentiel que notre assemblée vote ce texte dans les mêmes termes que le Sénat. Nous avons été heureux de constater en commission une belle volonté commune de parvenir à ce résultat – d'autant que le texte qui nous est soumis nous semble apporter toutes les garanties nécessaires au bon déroulement de la consultation.

Pour qu'un résultat soit accepté par tous, il faut d'abord qu'il soit représentatif. C'est le but de l'article 1er du projet de loi organique, qui crée une procédure exceptionnelle d'inscription d'office sur les listes électorales générales de la Nouvelle-Calédonie et qui concernera, on l'a dit, tous les Français âgés de dix-huit ans et plus ayant leur domicile depuis au moins six mois dans l'une des communes de la Nouvelle-Calédonie.

À partir de cette liste, l'article 2 prévoit que la commission administrative spéciale procédera à l'inscription d'office sur les listes électorales spéciales à la consultation des électeurs nés en Nouvelle-Calédonie et présumés détenir sur place le centre de leurs intérêts matériels et moraux dès lors qu'ils y ont été domiciliés de manière continue pendant trois années. La commission chargée de vérifier que ces conditions sont remplies sera composée d'un magistrat de l'ordre judiciaire, qui la présidera, d'un délégué de l'administration, du maire de la commune ou de son représentant, de deux électeurs de la commune et d'une personnalité qualifiée indépendante qui n'aura pas voix délibérative : ce sera un expert de l'Organisation des Nations unies.

Outre le critère de représentativité, le vote doit être facilité pour tenir compte des particularités géographiques et historiques du territoire. L'article 3 permettra donc, ainsi qu'il a été rappelé, aux habitants inscrits sur la liste électorale spéciale et domiciliés dans les communes de Bélep, de l'île des Pins, de Lifou, de Maré et d'Ouvéa de voter à Nouméa.

L'article 3 bis précise les modalités de vote par procuration.

La sécurité juridique de la consultation est garantie par l'article 5, qui tient compte des spécificités locales dans le code électoral, en particulier quant aux diverses appellations applicables aux spécificités politiques de la Nouvelle-Calédonie.

Les articles suivants s'attachent plus particulièrement à garantir – c'est important – le pluralisme de l'expression politique pendant la campagne référendaire.

En précisant les modalités de remboursement par l'État des dépenses de campagne des partis ou des groupements politiques, le projet de loi organique assure une juste et libre expression des différentes sensibilités politiques du territoire. Il prévoit les conditions de répartition du temps d'antenne entre partis et groupements habilités à participer à la campagne, et vise à faire en sorte que cette expression soit accessible à tous et d'égale importance, eu égard au débat politique qui s'annonce.

Enfin, le Conseil supérieur de l'audiovisuel jouera un rôle de régulation. Il déléguera pour l'occasion l'un de ses membres en Nouvelle-Calédonie.

Nous le voyons, le projet de loi organique, enrichi par le travail de nos collègues sénateurs, prévoit toutes les conditions nécessaires au bon déroulement de la consultation. Il appartient désormais aux forces politiques en présence de faire en sorte que celle-ci puisse avoir lieu dans un climat apaisé. L'unanimité du vote de notre assemblée, auquel nous a invité notre rapporteur, serait à cet égard un premier signe.

La responsabilité des signataires des Accords de Matignon de 1989, puis de l'Accord de Nouméa, en 1998, appelle maintenant la responsabilité de tous ceux qui ont à conjuguer leurs efforts pour que le scrutin du mois de novembre soit un modèle d'exercice démocratique.

Au même titre que ceux de Michel Rocard à la fin des années 1980, je tiens, monsieur le Premier ministre, à saluer votre engagement et votre implication personnels dans ce dossier particulièrement sensible.

Attaché au pluralisme et à la libre expression des valeurs démocratiques qui fondent notre République, le groupe Mouvement démocrate et apparentés estime que le texte apporte toutes les garanties d'un scrutin libre. C'est la raison pour laquelle il votera avec enthousiasme ce projet de loi organique.

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