Intervention de Stéphane Testé

Séance en hémicycle du jeudi 8 mars 2018 à 15h00
Gratuité des transports scolaires — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Testé :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme cela a été rappelé lors de la discussion générale, cette proposition de loi appelle notre attention sur un problème qui concerne le quotidien de millions d'élèves qui empruntent le chemin de l'école au moyen des transports scolaires. La gratuité des transports scolaires a un objectif avant tout social : permettre à tous les élèves de pouvoir se déplacer sans frais pour accéder à l'école.

Si les objectifs de la gratuité défendus dans ce texte sont louables, ce qui a été souligné par l'ensemble des intervenants, il faut rappeler, comme je l'ai déjà fait lors de la discussion générale, que son application présente des inconvénients non négligeables. Tout d'abord, la gratuité représente un coût financier très important pour les régions qui sont en charge des transports scolaires depuis l'application de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe », en septembre 2017. Or le service public des transports est aujourd'hui fortement déficitaire, et ses dépenses d'investissement et de fonctionnement sont très élevées.

Les autorités organisatrices de transports ont besoin de ressources pour moderniser, voire pérenniser les services ; pour ce faire, l'apport de la « billettique » est essentiel, d'autant que les autres sources de financement – versement transport et contributions des collectivités locales – ont beaucoup augmenté ces dernières années et ne peuvent guère être sollicitées au-delà des niveaux actuels.

Je prendrai ici deux exemples. La gratuité des transports scolaires dans la région Centre-Val de Loire coûte entre 11 et 15 millions d'euros par an, bien que les familles continuent à s'acquitter des frais de dossier de 25 euros par an et par élève, avec un plafond de 50 euros par famille. Le département de la Côte-d'Or a dépensé, pour transporter les écoliers, collégiens et lycéens, près de 30 millions d'euros en 2016. C'est une somme très importante, sachant que beaucoup de familles ont inscrit leurs enfants mais que ceux-ci n'ont pas utilisé par la suite les bus scolaires gratuits : résultat, sur certaines lignes, les cars roulaient presque à vide. C'est un non-sens économique mais aussi écologique. Ce risque de dérive a d'ailleurs été pointé lors des auditions menées par le rapporteur.

Ces différents cas doivent nous faire prendre conscience que les transports scolaires ont un coût et que l'instauration de la gratuité aurait pour conséquence une hausse des charges pesant sur les collectivités, ce qui pénaliserait in fine l'ensemble de nos concitoyens. Le tout-gratuit est fascinant, certes, mais il peut coûter très cher. Or nous ne souhaitons en aucun cas augmenter les charges des collectivités et encore moins imposer cette augmentation.

C'est notamment pour cette question du coût financier que les acteurs compétents en matière de transports scolaires, dont les régions, sont opposés à cette proposition de loi. Instaurer la gratuité des transports scolaires reviendrait à modifier le mode de financement des autorités organisatrices des mobilités : une augmentation du versement transport se substituerait aux recettes issues de la « billettique ». C'est donc une hausse des charges que vous nous proposez. La gratuité totale des transports scolaires se heurterait ainsi aux limites structurelles de ce versement ; or c'est bien le versement transport qui a jusqu'ici permis de financer la gratuité des transports en commun là où elle existe.

Il est d'ailleurs utile de rappeler qu'à ce jour, vingt-quatre des vingt-cinq plus grandes agglomérations françaises ont atteint leur plafond de prélèvement pour le versement transport. Bien que les agglomérations de plus petite taille semblent encore disposer d'une certaine marge de manoeuvre, nous sommes exposés à un vrai risque de plafonnement du versement transport, accentué, qui plus est, par la diminution de la masse salariale.

Dans leur grande majorité, les autorités organisatrices des transports n'ont pas la capacité financière d'assurer la gratuité des transports scolaires ; en outre, l'extension du versement transport – payé, il faut y insister, par les employeurs des secteurs privés et publics qui emploient onze salariés et plus – contreviendrait à la politique gouvernementale de baisse des charges des entreprises.

Les propositions formulées par le groupe GDR vont donc à l'encontre de la dynamique que la majorité entend créer pour les entreprises. Elles auraient un effet contre-productif et risqueraient de déstabiliser grandement les collectivités territoriales ainsi que les entreprises.

Qui plus est, rien dans cette proposition de loi ne permet de financer la gratuité des transports scolaires. En effet, si toutes les régions adoptaient le taux plafond du versement transport prévu par la proposition de loi, la hausse de leurs recettes serait, sous réserve d'approfondissement, de l'ordre de 800 millions d'euros.

Il nous apparaît peu probable, ou du moins non documenté dans la proposition de loi, que le coût de la gratuité des transports scolaires représenterait un montant de 800 millions d'euros : ce serait sans aucun doute beaucoup plus, dans la mesure où les dépenses de fonctionnement des départements en matière de transport scolaire en 2016 avoisinaient déjà 1,8 milliard d'euros.

Par conséquent, si la proposition de loi de notre collègue Alain Bruneel et du groupe GDR correspond bien entendu à une préoccupation de l'ensemble des députés, la gratuité totale se heurte à la question centrale du financement. Derrière la gratuité, il y a toujours quelqu'un qui doit payer : chacun sait qu'un service se finance soit par le tarif soit par le contribuable, et dans la majorité des cas par un mélange des deux.

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