Intervention de Paul Christophe

Séance en hémicycle du jeudi 8 mars 2018 à 15h00
Reconnaissance sociale des aidants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Christophe :

Le congé de proche aidant a un second défaut, puisqu'il est restreint dans sa durée. En effet, la loi accorde aujourd'hui ce congé pour un an, alors que l'évolution de la société peut conduire chaque citoyen à accompagner un ou plusieurs proches, à plusieurs reprises, au cours de sa vie. Une année sur l'ensemble d'une carrière, c'est trop peu ! Que devient la personne aidée au bout d'un an si son proche aidant ne peut plus s'en occuper ? L'aidant devra alors avoir recours à un arrêt de travail ou quitter son emploi, ou bien des dispositifs plus lourds devront être mis en place. Toutes ces solutions sont plus coûteuses pour la société et ne favorisent le bien-être ni de l'aidant ni de l'aidé.

Cette difficulté est résolue par le texte du rapporteur, qui tend à personnaliser le congé. La durée de celui-ci resterait ainsi fixée à un an, mais par personne aidée. Nous y sommes tout à fait favorables, et souhaiterions même aller plus loin en proposant, par exemple, de porter ce congé à trois années, comme l'ont souvent demandé les associations.

Les aidants représentent aujourd'hui une part importante de la population active en France. Selon un sondage d'OpinionWay pour France Alzheimer, 96 % des aidants souhaitent conserver leur activité professionnelle. Concilier vie professionnelle et impératifs personnels est un défi de tous les instants. Les aidants doivent être soutenus, autant que faire se peut, dans la préservation de leur activité professionnelle. Les difficultés qu'ils rencontrent au quotidien doivent notamment faire partie intégrante des préoccupations des entreprises. Dans l'intérêt du salarié, comme dans celui de l'entreprise, il est préférable de privilégier une flexibilité des horaires de travail plutôt que des dispositifs ne permettant qu'une absence ponctuelle. Travailler à mi-temps ou à temps partiel, ou réduire son temps de travail de quelques heures, peut permettre d'équilibrer le temps passé auprès du proche en situation de dépendance et le temps passé au travail.

L'article 3 de la proposition de loi apporte de la souplesse aux dispositifs existants en permettant au salarié concerné de transformer son congé en période d'activité à temps partiel ou de le fractionner sans que l'accord de l'employeur soit nécessaire. Pour aller plus loin, il faudrait reconsidérer le rôle de l'entreprise pour que celle-ci apparaisse non plus comme un obstacle, mais bien comme un partenaire privilégié dans la politique de lutte contre la perte d'autonomie.

J'aurais toutefois un petit regret puisque la proposition de loi ne fait pas mention de la formation des aidants. On décide pourtant rarement de devenir aidant. Brutalement ou insidieusement, le handicap ou la perte d'autonomie s'installe et amène le proche à cette fonction, qu'il investit le plus souvent par amour ou par devoir, sans préparation, sans formation, sans accompagnement. Lors des futurs débats, nous devrons donc intégrer à notre réflexion, non seulement la formation qui permet d'être un bon aidant, mais aussi celle qui facilitera le retour vers la vie professionnelle pour les aidants qui l'ont totalement ou partiellement quittée. Donnons aux aidants les moyens de relancer leur carrière en proposant, par exemple, une période de remise à niveau des compétences et des connaissances ou un bilan de compétence avec, le cas échéant, une formation de reconversion. Il ne s'agirait pas de créer involontairement un motif de licenciement en raison d'une forme d'inaptitude à l'emploi !

La proposition de loi agit enfin sur la retraite des proches aidants, en leur ouvrant un véritable droit en la matière. Le texte octroie ainsi un trimestre de retraite par période de trente mois, dans la limite de huit trimestres, sur le modèle déjà existant pour les personnes ayant à charge, à domicile, une personne adulte handicapée. Étant à l'origine de cette proposition, cher Pierre Dharréville, je ne peux qu'y souscrire. Cela permettrait en outre d'éviter, en partie, la double peine pour les aidants qui quittent leur travail : à savoir, la perte de l'emploi et la perte des avantages liés à cet emploi.

Pivots invisibles de notre système de protection sociale, les aidants représentent une force de solidarité sans équivalent, que nous devons préserver et encourager. Il nous faut travailler à de nouvelles solutions pour permettre à tous les proches aidants de concilier vie professionnelle, vie personnelle et vie d'aidant. Cette proposition de loi nous en offre quelques-unes ; c'est pourquoi, le groupe UDI, Agir et indépendants soutiendra ce texte, tout en y proposant quelques amendements.

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