Intervention de Annie Chapelier

Séance en hémicycle du mercredi 7 mars 2018 à 15h00
Convention d'entraide judiciaire en matière pénale avec les comores — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Chapelier :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et les Comores, que nous nous apprêtons à ratifier, se présente dans un contexte particulier. Ce soir, nous avons beaucoup entendu parler de Mayotte mais finalement peu de la relation franco-comorienne. À l'heure où nous parlons, pourtant, nos deux pays ont plus que jamais besoin de renforcer leurs échanges conventionnels.

Je me permets, à mon tour, de retracer l'historique de ces deux pays. L'histoire de la France et des Comores a longtemps été une histoire commune. Héritage du passé colonial de la France, les Comores deviennent un territoire d'outre-mer en 1946. En 1973, la France et les Comores signent des accords relatifs à l'accession à l'indépendance.

D'un commun accord, dans un objectif d'indépendance concerté, la France propose un référendum d'autodétermination, qu'elle organise le 22 décembre 1974. Si le suffrage obtient plus de 90 % pour l'indépendance des Comores, Mayotte se présente comme une exception. La plus déconsidérée et la plus méprisée des quatre îles se démarque de ses soeurs comoriennes en votant pour le maintien des Comores au sein de la République française.

Le 6 juillet 1975, le président du conseil du Gouvernement déclare l'indépendance des Comores unilatéralement, indépendance immédiate, sans que le processus prévu par les accords soit mené. Mayotte reste cependant sous administration française, au détriment de la déclaration du gouvernement comorien.

C'est le début d'un double processus : celui de la revendication permanente des Comores sur Mayotte et celui de la pérennisation de la tutelle française à Mayotte qui, de collectivité territoriale, deviendra département en 2011. Si je me permets d'insister sur cette page d'histoire, c'est que Mayotte est l'enjeu et le pivot central.

À l'heure où nous parlons, l'île de Mayotte, cent unième département français, s'enfonce dans le chaos : une grève générale paralyse l'île depuis trois semaines, à la suite d'une contestation populaire contre l'insécurité. Cette insécurité est grandissante, ce n'est rien de le dire : agressions sur les plages, à la campagne, à Mamoudzou, sur les routes. Je connais très bien cette île ; j'ai connu cette violence, cette insécurité. Mais, pour beaucoup, celle-ci a désormais dépassé les bornes, expliquant certainement ce ras-le-bol.

Le facteur déclenchant de ce mouvement est apparu lorsque l'on s'est attaqué encore une fois, peut-être la fois de trop, au milieu scolaire. Je me souviens, en février 2012, du meurtre gratuit d'un adolescent de dix-sept ans dans le lycée Younoussa Bamana de Mamoudzou, où ma fille était scolarisée. À l'automne dernier, une nouvelle tentative de meurtre a eu lieu dans cette même enceinte. L'école n'est plus un sanctuaire. Une limite a été franchie, et désormais, la population de Mayotte se montre déterminée dans cette grève.

L'insécurité s'inscrit dans un contexte d'immigration clandestine impressionnante, où le sentiment qui prévaut est que tous sont dépassés par l'ampleur de ce phénomène, tant les Comores que la France. Mayotte est ainsi devenue le miroir, l'indicateur principal de la relation franco-comorienne ; une île où le sentiment d'abandon par la France est prégnant, ce département se demandant s'il fait toujours partie de la République « une et indivisible ».

Cependant, il ne faut pas résumer la relation franco-comorienne à Mayotte. Depuis 1975, les relations bilatérales entre la France et les Comores ont profondément évolué et, ces dernières années, le dialogue s'est accéléré. Ainsi, le 21 juin 2013, les deux pays ont signé la déclaration de Paris sur l'amitié et la coopération entre la France et les Comores.

Sur cette base, un dialogue politique renforcé visant à refonder la relation bilatérale a été mis en place avec la création d'un Haut Conseil paritaire. Réuni pour la cinquième fois à Paris, le 12 septembre dernier, celui-ci a décidé la tenue d'une commission mixte, qui s'est déroulée les 15 et 16 décembre derniers, afin de relancer et d'amplifier la coopération bilatérale entre la France et les Comores. Cette commission mixte a permis d'arrêter conjointement une liste d'actions et de projets. Les deux délégations se sont félicitées de l'atmosphère cordiale et constructive des travaux, sentiment assez nouveau entre les deux pays et marquant une nouvelle étape dans le partenariat étroit entre nos deux pays voulu par les Présidents Emmanuel Macron et Azali Assoumani lors de leur rencontre en marge du sommet entre l'Union européenne et l'Union africaine à Abidjan des 29 et 30 novembre 2017.

C'est dans ce contexte politique complexe qu'intervient la ratification de cette convention. Signée en février 2014 par les représentants de la République française et le gouvernement de l'Union des Comores, elle va dans le bon sens. Elle prévoit l'officialisation des procédés de courtoisie internationale et la définition des moyens d'entraide en matière judiciaire et en matière pénale qui, à ce jour, n'existent pas.

Or la situation des Comores est préoccupante et la coopération internationale est une des clés de son développement, ce qui ne signifie pas la perte d'une partie de sa souveraineté. La convention étant synallagmatique, les dispositions prévues s'appliquent tant en France que sur l'archipel, et les différences et les singularités des lois nationales dans le domaine judiciaire et le domaine pénal sont préservées.

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