Intervention de Bruno Joncour

Séance en hémicycle du mercredi 7 mars 2018 à 15h00
Convention d'entraide judiciaire en matière pénale avec les comores — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Joncour :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, notre assemblée doit aujourd'hui se prononcer sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de l'Union des Comores.

Ce texte vise à établir une coopération judiciaire en matière pénale plus efficace entre l'État français et les Comores en mettant en place un cadre spécifique et pérenne. Il tend à élargir le champ de l'entraide, à fluidifier les échanges entre les deux pays et à optimiser leur efficacité, notamment par la promotion de techniques modernes de coopération judiciaire. Comme l'a souligné la rapporteure dans ses conclusions, cette convention est un texte classique dont l'adoption ne pose pas de difficultés particulières.

Pourtant, il faut envisager l'adoption de ce texte comme un signe fort dans l'engagement qui nous lie aux Mahorais, lesquels se soulèvent aujourd'hui pour protester contre l'insécurité, la délinquance, la recrudescence des actes de violence et, plus généralement, la dégradation de la situation économique et sociale. À la suite de cet important mouvement de contestation populaire, l'île de Mayotte est paralysée. Il faut savoir qu'un grand nombre de manifestants mahorais et une large majorité de la population estiment que la délinquance est directement liée à l'immigration clandestine en provenance des îles comoriennes.

Nous saluons les mesures annoncées pour répondre à l'attente des Mahorais, en créant notamment à Mayotte une zone de sécurité prioritaire. Il est néanmoins regrettable de ne se saisir de la question de l'immigration clandestine que subit Mayotte et de n'en faire une priorité qu'à partir du moment où la population se soulève. L'inquiétude et la colère qu'exprime aujourd'hui ce mouvement s'inscrivent dans une situation qui n'est pas récente, ce qui aurait justifié une réelle prise de conscience et une réactivité plus forte depuis une période déjà ancienne.

Le précédent Président de la République a signé en 2013 la déclaration de Paris sur l'amitié et la coopération entre la France et les Comores, qui tendait vers une coopération renforcée dans les domaines de la circulation des personnes, de la sécurité en mer et du contrôle des migrations illégales. Depuis, un Haut Conseil paritaire se réunit tous les ans pour aborder ces sujets ; la convention que nous examinons aujourd'hui est le fruit de ses travaux. Nous devons poursuivre en ce sens, d'abord en adoptant le présent projet de loi, ensuite en intensifiant nos efforts pour apporter des solutions concrètes à une situation qui devient invivable, tant pour Mayotte que pour les Comores, et qui pourrait être encore plus explosive.

Pour autant, la seule réponse sécuritaire ne suffira pas pour résoudre tous les problèmes. Puisque nous ne pourrons pas trouver de solution aux difficultés qui secouent Mayotte sans un travail de discussion et de coopération avec les Comores, nous devons nous interroger sur les causes profondes des migrations irrégulières et réfléchir à de nouvelles mesures pour mieux accompagner les migrations régulières. La pauvreté des Comores, l'absence de travail et d'éducation, l'inadaptation et l'insuffisance des infrastructures sanitaires sont autant de raisons qui poussent les Comoriens à rejoindre Mayotte.

Nous nous réjouissons donc que le Gouvernement ait choisi d'inscrire l'aide publique au développement parmi les priorités du quinquennat. Cette décision s'est traduite par l'adoption, par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement – CICID – , du plan d'action « Migrations internationales et développement » élaboré par l'Agence française de développement, permettant la prise en compte des migrations dans la politique d'aide au développement de l'État. Les Comores font d'ores et déjà partie des dix-neuf pays prioritaires dans la politique française d'aide au développement ; la décision du CICID doit donc aujourd'hui permettre de répondre aux enjeux d'une croissance économique durable en apportant des solutions concrètes pour éviter ce phénomène migratoire.

Au-delà du cas spécifique des Comores, il convient d'engager une réflexion plus globale sur la mobilité internationale, la circulation des populations et les conditions de durée du séjour sur le territoire national. L'occasion nous sera donnée de formuler des propositions en ce sens lors de l'examen du projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif : il nous faudra la saisir.

À ce jour, la France et l'Union des Comores ne sont liées par aucun dispositif conventionnel bilatéral d'entraide judiciaire pénale. La coopération dans ce domaine ne s'effectue donc que sur le fondement des conventions multilatérales auxquelles la France et l'Union des Comores sont toutes deux parties, ou bien au titre de la courtoisie internationale selon le principe de réciprocité. Compte tenu de la proximité avec Mayotte, l'approbation de cette convention permettra de répondre à des besoins opérationnels, en luttant plus efficacement contre les filières d'immigration clandestine et, de manière plus générale, contre l'insécurité et la criminalité.

Si cette convention constitue une opportunité en lien avec l'actualité à Mayotte, elle doit s'inscrire, plus fondamentalement, dans l'exigence de la France de protéger l'ensemble de son territoire, d'y garantir et d'y renforcer la cohésion sociale et territoriale. Mayotte, c'est la France ! L'attachement historique de Mayotte à la France se perçoit dans un sentiment et une volonté populaires formulés et rappelés à plusieurs reprises. Mayotte est un territoire français ; c'est aussi et surtout une réalité sociale et humaine qui constitue une composante à part entière du peuple français. En raison de cette histoire et de cette réalité, les autorités françaises ont le devoir impérieux de permettre à ces Français d'outre-mer, qui vivent dans un environnement régional complexe et fragile, de croire en leur avenir, un avenir au sein de la République française, qui assure à la population protection, cohésion, sécurité et prospérité.

Dans cet esprit, la coopération nécessaire avec les Comores constitue une contribution significative, dans le cadre de relations normales et durables, à cette volonté de préparer pour Mayotte les conditions d'un meilleur avenir.

Pour toutes ces raisons, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés votera en faveur de ce projet de loi. Par ailleurs, nous soutenons la proposition formulée par Mme la présidente de la commission des affaires étrangères d'envisager l'organisation d'une mission d'information afin que nous nous saisissions de la question de l'aide au développement des Comores. Nous savons que nous aiderons Mayotte en aidant les Comores, …

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