Intervention de Delphine O

Séance en hémicycle du mercredi 7 mars 2018 à 15h00
Convention d'extradition avec les Émirats arabes unis — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine O :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, la convention d'extradition soumise à notre approbation ce jour est une initiative française. Signée le 2 mai 2007 par le gouvernement de la République française et le gouvernement de l'État des Émirats arabes unis, cette convention a subi, en décembre dernier, un examen attentif du Sénat qui l'a largement adoptée. Notons, en préambule, le délai très long de dix ans entre la signature de la convention par les gouvernements respectifs et l'étude du texte par nos deux chambres, alors même que les Émirats ont ratifié la convention dès 2008. Ce délai, certes dommageable pour l'application du droit, est néanmoins justifié par la volonté de la France d'assurer la conformité de l'accord à ses obligations internationales.

Permettez-moi de rappeler l'état du droit aux Émirats arabes unis. D'une part, la Constitution de 1971 prévoit des dispositions garantissant la protection des libertés publiques et des droits de l'homme. D'autre part, les Émirats arabes unis ont signé et ratifié la charte arabe des droits de l'homme adoptée lors du sommet de Tunis en 2004. L'article 8 de la charte dispose que « Nul ne peut être soumis à des tortures physiques ou mentales ou à un traitement cruel, inhumain, humiliant ou dégradant. » Enfin, sur le plan international, le pays est partie à la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Toutefois, comme il a été relevé, il s'agit d'un pays où la peine de mort est toujours appliquée pour les crimes tels que l'homicide, le viol, la haute trahison, le terrorisme, le trafic de stupéfiants et l'apostasie. En outre, le système pénal émirien prévoit des châtiments corporels, tels que l'amputation, la flagellation et la lapidation. Prenant en considération l'existence de ces peines dans le droit émirien, le Gouvernement français a mené une étude d'impact précise en vue d'intégrer à ce texte des garanties juridictionnelles conformes à ses engagements internationaux.

S'agissant des dispositions particulières de cette convention, qui permettent à la France de respecter ses obligations internationales et de protéger nos ressortissants, l'article 8 dispose que l'extradition pourra être accordée pour les faits précités uniquement si l'État requérant donne l'engagement que la peine capitale ne sera pas exécutée. Il s'agit là d'une disposition classique de droit international qui reprend mot pour mot la convention d'extradition signée par les États membres du Conseil de l'Europe en 1957.

L'article 21 a pour effet de préserver pour chacun des États signataires les droits et obligations qui découlent pour eux des instruments internationaux auxquels l'un ou l'autre ou les deux sont parties. Cette disposition est fondamentale, puisqu'elle implique, par exemple, que la convention d'extradition ne peut pas être contraire aux droits et obligations de la CEDH.

Ainsi, l'article 3 de la CEDH permet de fonder un refus d'extradition si la personne risque d'être soumise à la torture ou à des mauvais traitements. Le respect des droits et obligations de la CEDH, pilier du droit européen et donc français en matière de droits de l'homme et de libertés fondamentales, est explicitement mentionné dans une note verbale de notre gouvernement, qui vise à ce que les parties, française et émirienne, s'accordent de façon univoque sur l'interprétation de l'article 21. Sur ce point crucial, les autorités émiriennes ont fait part de leur accord sur l'interprétation proposée par leur propre note verbale datant du 11 août 2014.

Enfin, il convient d'évoquer la situation du personnel stationné sur les bases militaires françaises aux Émirats. Cette convention n'a pas vocation à s'appliquer dans ce cas puisque les militaires bénéficient d'un statut protecteur mis en place en 2009 dans le cadre de la coopération de défense.

Mes chers collègues, dans l'état actuel du droit, la coopération judiciaire entre la République française et les Émirats Arabes Unis se fait au titre de la courtoisie internationale ou des traités internationaux. Face à une situation juridique insuffisante qui crée de l'insécurité pour nos concitoyens, il était impératif de se doter d'un instrument permettant de dépasser les obstacles de nos deux systèmes juridiques. Grâce à cette convention, les requérants pourront se prévaloir de règles écrites, claires et intelligibles.

La convention soumise à notre approbation résulte d'une initiative proposée par la France. Elle est donc conforme aux exigences françaises mais aussi européennes. En effet, elle est largement inspirée de la convention d'extradition du 13 décembre 1957 du Conseil de l'Europe, qui est le principal instrument européen en matière d'extradition, et qui précise notamment les cas de refus d'extradition.

Enfin, cette convention est semblable à des conventions d'extradition d'ores et déjà ratifiées par la France avec de très nombreux pays, comme le Costa Rica ou le Cambodge. Elle permet de mieux organiser et clarifier notre relation judiciaire avec les Émirats arabes unis, pays allié de la France où nombre de nos ressortissants sont résidents. La ratification de cette convention permettra de leur apporter une protection supplémentaire.

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