Intervention de Clémentine Autain

Séance en hémicycle du mercredi 7 mars 2018 à 15h00
Accord relatif aux services aériens entre l'union européenne et Israël — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClémentine Autain :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dans le contexte de l'élargissement du ciel unique européen et de la politique européenne de voisinage, la France s'apprête à ratifier un accord relatif aux services aériens entre l'Union européenne et Israël.

Cet accord fixe un cadre juridique pour l'exploitation du transport aérien entre les vingt-sept pays de l'Union européenne et Israël. Il vise à remplacer les accords bilatéraux déjà en vigueur conclus par l'ensemble des États membres. Il s'inscrit dans la politique extérieure menée par l'Union européenne dans le domaine de l'aviation, consistant à conclure des accords de transports aériens ciblés avec les principaux pays partenaires de l'Union.

Cette nouvelle étape dans la construction d'un espace aérien commun avec les pays méditerranéens a déjà conduit à la conclusion de plusieurs accords avec des pays comme le Maroc, la Jordanie ou la Moldavie. Bref, par cet accord, l'ambition de la Commission européenne est de créer un espace sans frontières au sein duquel les entreprises de transport aérien seraient libres d'exploiter tous les services de transport aérien qu'elles jugeraient nécessaires à leur développement économique, dans un environnement concurrentiel rendu plus équitable par la mise en place d'un cadre juridique unique et harmonisé sur la base du droit européen.

Madame la rapporteure, vous soulignez, dans votre rapport, les retombées économiques que la France peut attendre d'un tel accord, alors qu'Israël représente le marché des transports aériens le plus important au Moyen-Orient. Le trafic entre l'Union européenne et Israël, qui a atteint 8,3 millions de passagers en 2014, est en progression constante depuis plusieurs années.

Mais derrière cet optimisme affiché se cache une réalité bien plus sombre. En effet, les conséquences environnementales liées à la croissance du trafic aérien sont littéralement mises sous le tapis ! Un seul article de l'accord, l'article 16, porte sur les enjeux environnementaux, mais il ne spécifie en rien comment limiter concrètement les effets de la croissance du trafic aérien sur l'environnement.

Le transport aérien reste pourtant aujourd'hui le moyen de transport le plus émetteur de gaz à effet de serre. Pour que chacun se représente bien ce qu'il en est, je tiens à rappeler à notre assemblée qu'un aller-retour Paris-New York, c'est une tonne de CO2 par personne, soit l'équivalent de l'énergie utilisée par un Français pour se chauffer pendant un an, ou bien encore 8 700 kilomètres avec une voiture neuve de petite cylindrée… Ce n'est tout de même pas rien ! Or ce secteur n'est concerné par aucun des mécanismes mis en place pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, et exempt des accords de Paris. C'est une totale aberration, alors qu'il représente, selon les chiffres de la Fondation pour la nature et l'homme – la FNH – , 2 % à 3 % des émissions globales de gaz à effet de serre, et que cette dernière prévoit même un doublement du nombre de passagers aériens dans le monde d'ici à 2035. Cet accord ne peut donc pas faire abstraction des solutions nouvelles qui doivent être trouvées pour répondre à une telle croissance.

Car si les progrès techniques ont permis de réduire les émissions de CO2 par passager de 35 % entre 1990 et 2013, le volume global a augmenté de plus de 60 % durant la même période. Pire, d'ici à 2050, il atteindrait si rien n'est fait 20 % du total des émissions de gaz à effet de serre. Dans le contexte actuel, il est totalement illusoire de respecter les accords de Paris, c'est-à-dire de maintenir le réchauffement climatique à deux degrés. Je le répète : ce texte ne peut occulter la nécessité de trouver des solutions nouvelles pour répondre à la croissance du transport aérien. Or, et je le regrette, il s'avère, dans sa version actuelle, dès aujourd'hui totalement étranger aux problèmes environnementaux liés à la fréquence exponentielle des vols entre les aéroports européens et israéliens.

L'accord qu'il nous est proposé d'approuver masque aussi une disposition extrêmement discriminatoire et par conséquent inacceptable. En effet, il présente une particularité par rapport aux autres accords de ce type : aucune règle relative à la sûreté, c'est-à-dire à la prévention des actes de malveillance dont l'origine est volontaire, comme le terrorisme, les détournements d'avion ou les dégradations volontaires, n'y est inscrite, ni dans son texte même, ni dans ses annexes. Permettez-moi de citer vos propos en commission, madame la rapporteure, pour nous éclairer sur ce point précis : « En effet, il n'était pas envisageable de procéder à une harmonisation des normes en matière de sûreté sur les règles européennes, compte tenu du niveau d'exigence très élevé de l'administration israélienne en la matière ». Derrière la novlangue et les euphémismes employés se cachent en réalité la pratique par Israël de contrôles différenciés. Il ne s'agit de rien d'autre que de contrôles au faciès. Comme l'écrit très clairement le journaliste de Libération Nissim Behar à propos des contrôles à l'aéroport Ben-Gourion : « De toute façon, tout arabe est soumis à une fouille complète, bagages compris ». Mais plus grave encore, ces contrôles existent aussi dans notre pays ! Certaines mesures mises en place par les autorités israéliennes dans leurs aéroports s'appliquent déjà sur notre territoire, à Roissy et à Orly. Signer l'accord reviendrait donc à avaliser ces pratiques discriminatoires, …

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