Intervention de Laurence Dumont

Séance en hémicycle du mardi 6 mars 2018 à 21h30
Accord transport aérien usa-ue-islande-norvège — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Dumont, rapporteure de la commission des affaires étrangères :

Monsieur le président, madame le ministre, chers collègues, l'accord international sur lequel je suis chargée de rapporter a en lui-même une portée modeste, mais il concerne une question importante : la politique aérienne extérieure de l'Union européenne.

Pour présenter cet accord, il faut faire un petit rappel historique. Jusque dans les années 1990, les relations aériennes transatlantiques étaient régies par des accords interétatiques entre les États-Unis et les pays européens, par lesquels les signataires accordaient mutuellement des droits de trafic à leurs compagnies aériennes respectives.

Au début des années 2000, la Commission européenne a revendiqué une compétence communautaire exclusive pour passer ce genre d'accords. En 2002, la Cour de justice des communautés européennes, sans donner raison à la Commission sur ce point, a jugé que plusieurs des accords interétatiques qui existaient alors étaient contraires au droit européen. En conséquence, les États membres ont décidé de communautariser cette politique : un accord dit « ciel ouvert » a été passé entre l'Union européenne et les États-Unis en 2007, puis amendé en 2010.

L'accord « ciel ouvert » vise principalement à libéraliser, sous diverses restrictions, le trafic aérien transatlantique. Il traite aussi de nombreuses autres questions : liberté tarifaire, possibilité de partager des vols entre compagnies, possibilité de développer leur présence commerciale sur le territoire du partenaire, encadrement des règles limitant les investissements étrangers dans le secteur aérien, possibilité de louer des avions avec leur équipage, loyauté de la concurrence, sécurité, sûreté, coopération réglementaire, protection des consommateurs, environnement, dimension sociale…

L'accord que nous examinons aujourd'hui, qui remonte à 2011, a un objet beaucoup plus limité. Il vise uniquement à étendre ce système de ciel ouvert euro-américain à deux partenaires : l'Islande et la Norvège. C'est ce que prévoit l'article 2 de cet accord, selon lequel le système de ciel ouvert s'appliquera à l'Islande et à la Norvège « comme si ces pays étaient des États membres de l'Union européenne, de sorte que [ces pays] ont tous les droits et obligations des États membres » prévus dans l'accord de 2007. Le reste du dispositif est constitué de mesures de conséquence et de coordination.

La principale conséquence du présent accord sera donc d'autoriser formellement les compagnies aériennes des États membres à proposer librement des vols entre l'Islande ou la Norvège et les États-Unis et, réciproquement, des compagnies aériennes de ces deux pays à proposer des vols entre des aéroports de l'Union et les États-Unis.

L'impact de cette libéralisation, tant économique que social ou environnemental, si l'on pense aux conséquences du développement du trafic aérien, devrait toutefois être limité, pour plusieurs raisons. D'abord, le poids démographique et, partant, économique des deux nouveaux adhérents du ciel ouvert euro-américain est modeste. La Norvège a 5,2 millions d'habitants et l'Islande 330 000, alors que l'ensemble Union européenne-États-Unis en compte plus de 830 millions.

Ensuite, ces nouveaux adhérents, membres de l'Espace économique européen, appliquent déjà l'ensemble de la réglementation européenne afférente au secteur du transport aérien et, plus généralement, des standards sociaux et environnementaux élevés.

Enfin, leurs compagnies aériennes n'ont pas attendu le présent accord pour investir le marché euro-américain quand elles le souhaitaient. Norwegian, entreprise leader sur le marché des vols long-courrier à bas coûts, a ainsi contourné l'obstacle en créant des filiales dans l'Union européenne, en Irlande et au Royaume-Uni. Celles-ci lui ont permis d'obtenir la licence européenne de transporteur aérien et de développer un réseau de liaisons transatlantiques au départ de plusieurs États membres. Par exemple, la compagnie Norwegian dessert depuis 2016 plusieurs destinations aux États-Unis à partir de Roissy.

Dans l'autre sens, le présent accord ouvre en principe des opportunités aux compagnies de l'Union européenne pour développer des vols entre les États-Unis et l'Islande ou la Norvège. Toutefois, il est peu probable qu'elles se précipitent sur ce marché au regard de sa petite taille et de la solidité des compagnies locales déjà présentes.

Pour conclure sur l'accord lui-même, je dirai donc qu'il ne mérite ni enthousiasme ni réticence excessive. La commission des affaires étrangères a adopté le présent projet de loi et je vous invite à faire de même.

Mais j'en viens maintenant à ce qui a sans doute motivé la demande de débat en séance exprimée par plusieurs groupes, ce dont je me réjouis : cet accord pose la question de la politique aérienne extérieure de l'Union européenne. Il y a, dans ce domaine, un certain activisme de la Commission européenne, qui a négocié des accords avec la plupart de nos proches voisins et obtenu des mandats pour des négociations avec de nombreux autres pays – Algérie, Australie, Azerbaïdjan, Brésil, Émirats arabes unis, Liban, Nouvelle-Zélande, Qatar, Turquie… – sans compter une organisation régionale, l'ASEAN – Association des nations de l'Asie du Sud-Est – avec laquelle un accord serait en cours de finalisation.

Nous devons absolument aller vers une meilleure prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux dans les accords de libéralisation qui seront passés.

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