Intervention de Pascale Boyer

Séance en hémicycle du mardi 6 mars 2018 à 21h30
Premier paquet mobilité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascale Boyer :

Monsieur le président, madame la ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, chers collègues, les initiatives de la Commission européenne annoncées au printemps dernier sous le label « L'Europe en mouvement » visent à consolider le cadre réglementaire du transport routier européen.

L'objectif légitime et indispensable est double : approfondir l'intégration du marché européen du transport routier et rendre le fonctionnement de ce marché plus conforme aux valeurs de l'Union européenne, notamment le progrès économique et social et la protection de l'environnement.

Les enjeux du premier paquet Mobilité, sujet de la proposition de résolution soumise à notre examen, ne sont donc pas uniquement techniques, juridiques, ni strictement économiques. Ils sont profondément politiques, au sens noble du terme

Le texte de cette résolution a d'ailleurs été adopté à l'unanimité par la commission des affaires européennes. Il nous faut donc remercier particulièrement notre rapporteur Damien Pichereau et nous féliciter collectivement pour le travail accompli.

Le contenu de la résolution et des débats auxquels son examen a donné lieu en commission permet d'établir une conviction commune : la libéralisation du transport routier au sein de l'Union ne doit pas être trop rapide, au risque de se faire au détriment de l'Europe sociale et de la qualité environnementale. L'Europe doit d'abord être capable d'harmoniser par le haut le niveau de protection sociale des professionnels du transport avant d'accroître l'intégration du marché.

À cette fin, la proposition de résolution soutient clairement la position du gouvernement français quant à l'application des règles en matière de détachement. Ces règles doivent s'appliquer dès le début de l'opération de transport et non pas seulement après trois jours, comme proposé en l'état par la Commission européenne.

Par ailleurs, les propositions de la Commission tendent à favoriser par trop le recours au cabotage. Or, la France est le pays le plus « caboté » de l'Union. Cela conduit à déstabiliser notablement les entreprises françaises du transport routier, aux dépens de la protection des travailleurs. Accepter que le cabotage puisse être pratiqué sans conditions revient à encourager le contournement de nos exigences en termes de protection sociale au nom d'une compétitivité au rabais. L'Europe n'est pas prête à la libéralisation totale du cabotage. Elle le sera quand les conditions de travail et de vie des transporteurs routiers auront convergé vers un niveau décent, par exemple quand le repos hebdomadaire ne sera plus pris dans la cabine du véhicule et quand le droit du conducteur à un retour à son domicile au moins toutes les trois semaines sera effectif.

L'Union doit également fixer des normes environnementales ambitieuses que les États seront en mesure de faire respecter. À cet égard, nous partageons la volonté de la Commission de faire progresser l'effectivité du principe pollueur-payeur. Moduler le prix des infrastructures routières en fonction des conséquences de l'usage de la route sur l'environnement est la meilleure formule pour inciter à un transport routier écoresponsable. Intégrer les externalités négatives au coût du transport est donc l'horizon vers lequel il faut tendre. Mais afin de ne pas susciter de crispation parmi les États membres, on doit laisser à ceux-ci une marge de manoeuvre suffisante pour atteindre cet objectif. C'est d'ailleurs l'esprit de la directive relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures.

Une directive fixe les objectifs à atteindre mais laisse une certaine liberté aux États pour la mettre en oeuvre, conformément au principe de subsidiarité. En l'espèce, les États doivent pouvoir adapter les dispositifs de taxation en fonction des caractéristiques de leurs territoires. La décongestion des zones urbaines et le désenclavement des territoires ruraux ou de montagne sont des paramètres dont les États doivent tenir compte pour élaborer les outils fiscaux les plus efficaces. En effet, l'écoresponsabilité du transport est aussi une question d'aménagement du territoire.

En conclusion, l'évolution des règles d'accès au marché du transport, le renforcement de la protection sociale des conducteurs et l'intégration des externalités négatives au prix d'utilisation des infrastructures déclinent donc non seulement la feuille de route de « L'Europe en mouvement » proposée par la Commission, mais indiquent également la direction de l'Europe que nous construisons : une Union européenne plus protectrice de ses travailleurs et plus respectueuse de l'environnement.

La libéralisation des activités économiques doit donc suivre, et non précéder, les objectifs sociaux et environnementaux qui sont ceux des peuples européens. Peut-être est-ce là tout simplement la fameuse idée de régulation. C'est, en tout cas, le sens de notre résolution.

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