Intervention de Christophe Bouillon

Séance en hémicycle du mardi 6 mars 2018 à 15h00
Premier paquet mobilité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Bouillon :

Madame la présidente, madame la ministre, mesdames les présidentes de commission, monsieur le rapporteur, tout part d'un constat : le fractionnement réglementaire et le dumping social dans le secteur des transports routiers de marchandises ont conduit à un transfert géographique des entreprises concernées de la partie occidentale de l'Europe à sa partie centrale et orientale.

Dans l'attente du vote du paquet Mobilité, la directive générale sur le détachement de 1996 s'applique aux transporteurs routiers. Ce cadre juridique est notoirement complexe et dépassé. Ainsi, depuis l'élargissement de l'Union européenne en 2004 à des pays aux salaires plus bas, la directive sur les travailleurs détachés est régulièrement accusée de favoriser le dumping social, auquel elle est pourtant censée donner un cadre. En effet, même si une entreprise paye ses employés au salaire minimal français, les coûts de main-d'oeuvre sont tirés vers le bas, tant l'écart est fort entre le niveau de cotisations sociales en France – autour de 45 % – et celui de pays comme la Roumanie – 13 % – ou la Slovénie – 21 %.

Par ailleurs, le système des travailleurs détachés alimente une série de fraudes, qui ont notamment été détaillées dans un rapport parlementaire de mai 2013 de notre ancien collègue Gilles Savary. Ce rapport a parfaitement décrit la non-déclaration des salariés, le contournement des règles en vigueur – non-respect du salaire minimum ou de la durée légale du travail – et l'apparition de montages pour contourner l'esprit de la loi, par exemple avec des entreprises dites « coquilles vides » ou « boîtes aux lettres », qui n'exercent aucune activité réelle dans le pays d'origine, mais détachent des salariés à l'étranger.

Le paquet Mobilité, présenté en mai 2017 par la Commission, couvre plusieurs textes législatifs de base, qui forment l'ossature d'un cadre réglementaire européen pour le secteur routier. Les enjeux sont multiples et ont été rappelés par les différents intervenants : cabotage, temps de repos et contrôle. L'issue des négociations sur ce paquet aura des effets sur le secteur routier au moins pour les vingt prochaines années, secteur ô combien important pour notre pays.

Quelques chiffres doivent nous convaincre de l'importance de ce secteur : en 2015, avec 281,4 milliards de tonnes au kilomètre, le transport intérieur routier de marchandises a diminué de 2,5 % par rapport à 2014. Le pavillon français, composé des véhicules immatriculés en France, assure 61 % du transport de marchandises contre 73 % en 2000 et 78 % en 1995. Le pavillon étranger transporte, quant à lui, 109 milliards de tonnes au kilomètre, dont 44,6 milliards de tonnes au kilomètre en transit.

Ce texte, qui traite plusieurs aspects, comporte en particulier un volet « marché » et un volet « social ». Le transport routier de marchandises est soumis à la fois à la liberté de circulation et d'établissement, et à des règles spécifiques communes d'exercice – établissement stable, conditions d'honorabilité, capacité financière et capacité professionnelle. Les lacunes dans le contrôle ont conduit à de trop nombreux abus, largement décrits, notamment celui des sociétés dites « boîtes aux lettres » que j'ai déjà évoquées. La Commission a donc souhaité durcir les deux critères relatifs à l'établissement et à l'honorabilité.

Les grandes lignes de la position française sont issues du travail effectué lors de la précédente législature. Le secrétaire d'État chargé des transports, Alain Vidalies, avait oeuvré pour constituer à l'échelle européenne une coalition des pays favorables à la régulation, appelée l'Alliance du routier. Les positions de la Commission mettent en exergue, pour le détachement comme pour le cabotage, la nécessité de lutter contre toute libéralisation accrue d'un secteur déjà sous forte tension. C'est une bonne chose ! J'insiste sur deux dimensions : l'harmonisation des règles et le caractère contraignant de leur application. Les règles doivent s'appliquer dès le premier jour, et il faut renforcer les critères d'établissement.

Le paquet Mobilité révise également la directive « Eurovignette ». Cette révision va dans le sens d'une application plus stricte des principes « utilisateur-payeur » et « pollueur-payeur ». Elle vise à les étendre à tous les véhicules à quatre roues et à supprimer la possibilité de choix entre un système de tarification à la distance, par péage, ou à la durée, par l'acquittement d'une vignette, en privilégiant la distance. Elle permet aussi aux États membres de supprimer les taxes sur les véhicules et de flécher les nouvelles recettes vers les infrastructures de transport.

Ce débat est d'actualité, alors que le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures, auquel a participé Mme la présidente de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, comporte, dans son chapitre IV, dédié au financement, un appel à la redéfinition d'un accord entre maîtres d'ouvrage et usagers, pour financer les infrastructures.

Ce débat est d'autant plus d'actualité que, sans vouloir dramatiser le sujet, alors que les émissions de gaz à effet de serre ont diminué de près de 20 % dans l'Union européenne entre 1990 et 2015, les émissions émanant du transport routier ont, elles, augmenté de 16 % dans le même temps. En France, le secteur le plus émetteur est le transport routier. La pollution de l'air est responsable en France de près de 45 000 morts prématurées et plus de 500 000 dans l'Union européenne.

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