Intervention de Damien Pichereau

Séance en hémicycle du mardi 6 mars 2018 à 15h00
Premier paquet mobilité — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDamien Pichereau, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire :

Les problématiques que nous avons identifiées sur la question du détachement des travailleurs, le secteur du transport routier de marchandises en est une illustration d'autant plus forte que, comme l'a rappelé très justement Mme la ministre, le salarié comme son lieu de travail sont mobiles.

Dans l'espace européen né des élargissements successifs, le transport routier de marchandises est devenu un Far West des moins-disants. La complexité, l'inadéquation des règles européennes et le contrôle défaillant du respect de ces dernières nourrissent une concurrence économique et sociale déséquilibrée. En réaction, les États du coeur de l'Europe se sont dotés d'une législation nationale visant à rétablir un équilibre : la France au premier chef, avec les dispositions portées par les lois Savary, Macron et El Khomri en matière de détachement, mais aussi la Belgique ou encore l'Allemagne. Or ces États ont fait l'objet d'une procédure d'infraction, la Commission estimant que leurs pratiques limitaient le marché intérieur de l'Union de manière disproportionnée.

Avec la procédure de carton jaune lancée en 2016 contre la révision de la directive détachement par onze États membres, la création de l'Alliance du routier en janvier 2017 réclamant au contraire un corpus de règles, deux blocs apparaissent finalement dressés l'un contre l'autre, nous faisant courir le risque, clairement identifié par le Président de la République dans son discours de la Sorbonne, que la « compétition sans règles [devienne] la division sans retour ».

Mais ce secteur est aussi emblématique de l'Europe que nous voulons, et c'est le sens de la proposition de résolution européenne que je vous présente ici : une Europe où, par l'écoute et l'échange – et non par l'invective et l'anathème – , on obtient des résultats concrets.

C'est avec cette méthode que le Président de la République a réussi là où beaucoup pensaient qu'il allait échouer, en obtenant d'abord en juin une renégociation de la directive détachement, puis en octobre un accord, qui non seulement réaffirme le principe que les travailleurs du secteur routier ne sont pas des travailleurs de seconde classe et sont donc couverts par la règle générale, mais aussi préserve les outils dont disposent aujourd'hui les États membres pour faire respecter dans leur espace national les règles européennes organisant le transport international routier, et ceci jusqu'à l'adoption de la lex specialis de ce paquet.

L'Europe que nous souhaitons est à soutenir, cette Europe pour laquelle les Français ont dit oui au candidat Emmanuel Macron face aux extrêmes et à leurs émissaires du repli identitaire et territorial captant tous les dysfonctionnements pour acquis et offrant une seule solution : la sortie !

Je tiens à saluer tout particulièrement le travail de Mme Élisabeth Morin-Chartier, et de ses collègues législateurs européens, qui a porté ses fruits la semaine dernière, puisqu'un accord a été trouvé pour le trilogue sur la directive de détachement général. Pour autant, il ne faut pas relâcher notre vigilance ni nos efforts, alors que la discussion du volet économique et social du paquet mobilité s'annonce, elle aussi, ardue.

Ce paquet mobilité dénote – il convient de saluer le rôle du Président Juncker qui a su insuffler ce changement de cap – une prise de conscience des dysfonctionnements pénalisant ce secteur, et c'est à nous, députés de la nation, de donner aujourd'hui notre vision, ce qui, je l'espère, sera fait avec force.

J'en viens au coeur du dispositif. Ce paquet s'articule autour de trois volets : un volet économique et social attendu mais très discuté ; un volet simplification et numérisation, notamment des contrôles, absolument indispensable ; enfin un volet tarification des infrastructures dont je partage les principes, mais dont les modalités proposées me semblent excessivement rigides.

Par ordre d'importance politique, il me semble préférable de débuter par les aspects sociaux et d'accès au marché.

Le premier point concerne les règles liées au détachement. Le traitement proposé par la Commission d'un seuil de déclenchement, trois jours appréciés mensuellement pour le transport international routier, n'est pas acceptable. Non seulement aucun seuil de déclenchement ne doit s'appliquer, mais les périodes de repos des conducteurs doivent être couvertes, ces dernières relevant du contrat de travail.

À travail égal, la rémunération doit être égale, non seulement pour tous les travailleurs dans un même État membre mais encore, à deux jours de la célébration de la journée internationale des droits des femmes, pour les femmes et les hommes. Nous ne devons pas transiger sur ce point, dans les transports comme dans tout autre secteur.

Deuxième point, le cabotage. Celui-ci remplit une fonction environnementale et économique dans l'intérêt de tous, c'est indéniable, et il faut donc maintenir cette possibilité. La Commission a pris le parti de la libéralisation, certes déguisée, à laquelle je m'oppose. Il faut, au contraire, maintenir un nombre maximum d'opérations, …

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