Intervention de Daniel Fasquelle

Séance en hémicycle du mardi 6 mars 2018 à 15h00
Interdiction de la pêche électrique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Fasquelle :

Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, la pêche électrique est une pratique qui consiste, pour des navires équipés de chaluts à perche, à utiliser du matériel technologique envoyant un courant électrique impulsionnel dans les sédiments des fonds marins afin d'en déloger les poissons plats et de faciliter la capture de ces derniers. Interdite au sein de l'Union européenne par l'article 31 du règlement 85098 du Conseil du 30 mars 1998, elle peut faire l'objet de dérogations depuis 2006, à la demande des Pays-Bas.

En 2015, la Commission européenne notait que des navires de pêche néerlandais, belges, britanniques et allemands usaient de ce régime d'exemption. Toutefois, ce sont bien les chalutiers néerlandais qui utilisent le plus cette technique – le député du Pas-de-Calais et de la Côte d'Opale est bien placé pour le savoir.

La question qui se pose aujourd'hui est de savoir si ce régime provisoire de dérogation doit être maintenu, s'il doit être étendu ou si la pêche électrique doit être purement et simplement interdite. J'ai bien noté une évolution dans la position du Gouvernement, qui souhaitait initialement le maintien de la dérogation à hauteur de 5 % et se montre aujourd'hui favorable à une interdiction totale, ce dont je ne peux que me féliciter.

Pim Visser, directeur du lobby néerlandais de la pêche, assure que la pêche par impulsion électrique est une pratique durable, puisqu'elle permettrait de réduire la consommation de carburant – il faut écouter les arguments des partisans de cette technique ! Interrogé par la presse, il a vanté la qualité et la quantité des poissons pêchés, dans le respect des fonds marins.

Cette analyse n'est absolument pas partagée par les pêcheurs du nord de la France. Témoins de la raréfaction des poissons dans leurs zones de pêche habituelles, les fileyeurs sont, en effet, désormais obligés de se déplacer vers d'autres zones. Des pêcheurs de la Côte d'Opale que j'ai pu interroger déplorent ainsi une chute des prises journalières, passées de 150 kilos en moyenne en 2014 à 40 kilos aujourd'hui. Cette baisse menace durablement leur activité et nombreux sont ceux qui donnent l'alerte face au risque de disparition de leur métier, comme le sait bien aussi M. Pont.

Les pêcheurs et de nombreuses organisations non gouvernementales établissent un lien entre le développement de la pêche électrique, le non-respect des textes et la raréfaction de la ressource. Aux Pays-Bas, les 84 chalutiers engagés représentent 28 % de la flotte, bien loin des 5 % autorisés. En outre, la puissance maximale autorisée des décharges est dépassée par les équipements des navires néerlandais. En effet, alors que le règlement prévoyant les dérogations fixe une limite de 15 volts, ces navires usent d'équipements employant des tensions de 40 à 60 volts.

Monsieur le ministre, il faut bien le reconnaître : avec cette technique, déployée de cette façon, l'organisme marin n'a plus aucune chance. On est passé d'une technique de pêche à une méthode d'extermination systématique qui vide peu à peu la mer de sa ressource. Des traces de brûlures et des colonnes vertébrales brisées sont également repérées de manière récurrente sur les poissons à la suite du passage des chalutiers utilisant les courants électriques impulsionnels. Cette technique provoque en outre des dégâts sur des espèces marines non visées, ainsi que sur les poissons juvéniles.

Tout cela est d'autant plus choquant que de nombreux navires néerlandais ont capté plusieurs millions d'euros d'argent public, employés à équiper en électrodes cette flotte de chalutiers à perche.

L'ensemble des acteurs dénonçant cette technique rappellent aussi le manque de données scientifiques sur le sujet et dénonce également le fait que la Commission européenne ait caché une étude scientifique de 2006 qui mettait en cause son impact sur les fonds marins et sur les espèces. La révélation de cette étude a heureusement entraîné un vote négatif du Parlement européen, le 16 janvier dernier. La mobilisation des parlementaires européens a en effet donné lieu à un vote hostile à la pêche électrique et je tiens à saluer ici ce vote des députés du Parlement européen, emmenés notamment par Alain Cadec, président de la commission « pêche ». Le Parlement français doit maintenant joindre sa voix à celle des députés européens.

Cette technique de pêche est tellement destructrice qu'elle est interdite partout dans le monde – même en Chine, depuis 2000 – , au même titre que la pêche par explosif ou par empoisonnement. Elle doit également être interdite dans l'Union européenne. C'est pourquoi je voterai pour cette résolution qui s'adresse au gouvernement français. Il faut maintenant que le Gouvernement soit capable de convaincre au sein du Conseil.

Monsieur le ministre, vous avez, dans cette difficile négociation, tout notre soutien. Vous ne devez pas échouer : c'est une question de crédibilité pour l'Europe dans sa volonté de préserver une pêche durable et une question de survie pour un grand nombre de nos marins-pêcheurs, qui comptent sur votre capacité à les défendre et sur votre force de conviction, ainsi que sur celle du Gouvernement.

Nous vous soutenons, mais notre soutien est vigilant et attentif – il ne s'agit en aucun cas, comme vous l'avez compris, d'un chèque en blanc.

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