Intervention de Erwan Balanant

Séance en hémicycle du mardi 6 mars 2018 à 15h00
Interdiction de la pêche électrique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaErwan Balanant :

Madame la présidente, monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui d'un sujet vital pour la préservation de nos mers et de nos océans, l'interdiction de la pêche électrique.

Cette technique, qui consiste à envoyer des décharges électriques dans l'eau, représente un danger considérable pour notre environnement. En effet, elle menace non seulement le bon fonctionnement de nos écosystèmes marins, mais aussi les économies de nos territoires littoraux.

Face à cette double dégradation, les députés européens ont fait le choix de la responsabilité en votant, le 16 janvier dernier, l'interdiction de cette pratique au sein de l'Union européenne. Il s'agit d'un message fort et historique, qui prolonge celui des 249 députés français signataires d'une tribune parue dans la presse quelques jours plus tôt. À cette occasion, nous avons démontré que la préservation de la faune et de la flore marines est un enjeu qui transcende les divisions politiques. Ce consensus doit perdurer et nous devons saisir cette opportunité pour aller plus loin.

Rappelons que nombre de nos partenaires internationaux, notamment les États-Unis, le Vietnam, le Brésil, l'Uruguay, et même la Chine, ont déjà interdit la pêche électrique. Dans ce contexte, j'accueille avec enthousiasme la proposition de résolution de Joachim Son-Forget, cosignée par plusieurs députés du groupe du Mouvement démocrate et apparentés. Elle appelle les autorités françaises à s'opposer à l'autorisation de cette technique, sous toutes ses formes, y compris dans le cadre du maintien ou d'une prorogation des dérogations actuelles. Saisissons cette occasion d'éradiquer une méthode de pêche désastreuse pour nos océans et pour notre écosystème marin. Face à la volonté du Conseil de l'Union européenne, en mai 2017, de maintenir une dérogation de 5 % dans le sud de la mer du Nord, notre assemblée se doit d'adopter aujourd'hui une position ferme et ambitieuse, car c'est une nécessité pour la protection de notre planète.

Nous soutenons d'autant plus cette proposition de résolution que les arguments présentés par les défenseurs de cette pratique sont fallacieux et donc extrêmement dangereux.

Non, la pêche électrique n'est pas le résultat d'une innovation technologique progressiste. Cette technique provoque chez les poissons des convulsions très violentes qui détruisent leur colonne vertébrale et provoquent ainsi des hémorragies. Au-delà des poissons capturés, elle éradique des espèces non ciblées, au détriment de l'équilibre général de nos océans. La pêche électrique n'est pas non plus une pêche expérimentale dont l'unique objectif serait la recherche scientifique. En effet, la quasi-intégralité de la flotte de chalutiers à perche a été convertie à l'électricité.

Cette technique de pêche est certes efficace, et même terriblement efficace, puisqu'elle permet de pêcher un grand nombre de poissons avec un minimum de moyens. Elle réduit considérablement les coûts pour les pêcheurs, car elle implique une moindre consommation de carburant pour l'obtention d'un volume de poissons impressionnant. La pêche électrique s'inscrit ainsi dans la recherche d'une rentabilité de plus en plus forte, et elle semblait répondre aux préoccupations de la flotte de chalutiers néerlandais qui, après la hausse du fioul en 2007, était au bord de la faillite.

Du fait de l'utilisation de cette technique, la recherche incessante de rentabilité tend à prévaloir sur la préservation de notre planète. La quantité de poissons n'a jamais été aussi faible en mer du Nord. La pêche électrique risque ainsi, à terme, d'épuiser totalement nos ressources halieutiques, et elle menace ainsi tout un secteur économique.

L'utilisation de décharges électriques pour paralyser les poissons provoque également de nombreux dégâts visibles, comme des brûlures ou des fractures, à tel point que 250 chefs cuisiniers ont déclaré dans une tribune commune leur refus de servir des poissons pêchés au moyen de cette technique, en raison de leur piètre qualité. Que vaut donc l'argument de la rentabilité économique, si la moitié des poissons disparaît et si l'autre moitié souffre de dommages irréversibles ? Que signifiera une pêche rentable s'il n'y a plus rien à pêcher ?

La question principale est donc la suivante : souhaitons-nous préserver un modèle de pêche durable, respectueux de la diversité de nos océans et créant des relations économiques vertueuses sur les territoires maritimes ? Si tel est le cas, il importe de soutenir une réelle innovation technologique, orientée vers des méthodes de pêche à la fois rentables et respectueuses de nos écosystèmes. L'Union européenne, et tout particulièrement la France, bénéficie de chercheurs qualifiés et de qualité, capables d'accompagner cette innovation et de développer une recherche technologique de pointe, protectrice de notre planète.

La Commission européenne se doit de réfléchir à la nécessaire transition entre la situation actuelle, marquée par un manque criant de poissons dans les eaux européennes, et le développement d'une pêche redimensionnée, adaptée à nos écosystèmes. Il n'est pas acceptable que des millions d'euros de subventions publiques, dont des fonds européens, soient alloués au soutien d'une technique frauduleuse destructrice de notre planète. Les subventions doivent être tournées vers le développement d'une pêche durable. Une transparence absolue sur le parcours de financement est d'ailleurs de mise sur un sujet aussi important. Il importera sans doute d'accompagner les Hollandais dans cette transition.

Car tout le problème est là : l'Union européenne, via ces multiples dérogations, ne fait pas respecter les engagements qu'elle a fixés en termes de durabilité. En effet, depuis 2013, la politique commune de la pêche prévoit de fixer avant 2020 – c'est demain – des limites de captures durables, afin d''assurer les ressources halieutiques sur le long terme. Les États membres se sont engagés, dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, à mettre fin à la surpêche. Face aux dégâts engendrés par la pêche électrique sur les espèces et les fonds marins, et compte tenu des objectifs qu'elle s'est fixés, l'Union européenne doit être exemplaire sur cette question.

Nous devons donc profiter d'un environnement favorable à l'interdiction de la pêche électrique et continuer sur cette lancée. Car le vote du Parlement européen n'est qu'un début. En effet, cette pratique n'est pas encore officiellement interdite, car une phase de négociation, dite « trilogue », entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission a été engagée et durera plusieurs mois. C'est pour soutenir le vote des eurodéputés que cette proposition de résolution a été déposée, et nous devons la soutenir massivement aujourd'hui.

La France, à cet égard, adopte une position que le groupe du Mouvement démocrate et apparentés approuve, car elle s'est toujours opposée à toute levée de l'interdiction de cette technique de pêche. La proposition de résolution qui nous est soumise nous invite à aller encore plus loin, en proposant que l'interdiction de la pêche électrique, y compris sous forme dérogatoire, figure parmi les priorités des discussions européennes portant sur le projet de règlement relatif à la conservation des ressources halieutiques et à la protection des écosystèmes marins par des mesures techniques.

Le moment est donc historique. L'Union européenne doit assumer le rôle de leader qu'elle entend tenir dans la lutte contre le changement climatique et son combat pour la préservation de la biodiversité marine et la gestion durable des ressources halieutiques. Nous devons faire le choix, faisons le choix, d'une société durable.

Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés est donc favorable à cette proposition de résolution, qui s'inscrit pleinement dans les objectifs de conservation des ressources qui sous-tendent l'ensemble de la politique de pêche commune. Soucieux de la préservation d'un secteur économique entier et de la lutte contre la désertification des océans, nous défendons un modèle de pêche artisanale, durable et responsable.

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