Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du mercredi 21 février 2018 à 21h30
Débat sur la régulation des jeux d'argent et de hasard

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Reconnaissez, monsieur Bazin, qu'il y a aussi des gens surendettés, qui perdent beaucoup d'argent, qui se font interdire de casino et qui ont parfois connu de terribles drames familiaux après avoir fréquenté les salles de jeu. Ce sera vrai à Nancy comme ça l'est déjà ailleurs – et, en le disant, je ne porte pas de jugement de principe sur l'implantation d'un casino à Nancy. Je fais seulement remarquer qu'il existe une légère contradiction dans vos propos.

Les rapporteurs ont évoqué plusieurs sujets. Je rappelle les objectifs que nous avons tous assignés à notre politique publique en matière de régulation et de contrôle des jeux : assurer l'intégrité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeu ; prévenir les activités frauduleuses ou criminelles – plusieurs d'entre vous l'ont dit, parfois d'ailleurs en critiquant cet objectif, qui donnerait lieu à des contrôles trop importants – , ainsi que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ; veiller au développement équilibré et équitable des différents types de jeu afin d'éviter toute déstabilisation économique des filières concernées.

Certes, neuf propositions sur seize du rapport d'évaluation de février dernier sont appliquées ou sont en voie de l'être, mais, quelle que soit la qualité du travail des parlementaires, je souligne que la formulation de propositions par des parlementaires n'entraîne pas par principe leur approbation par le Gouvernement.

Pour ma part, je suis favorable à ce que certaines des propositions fassent l'objet d'une construction législative ou d'une amélioration. Sans doute un projet de loi sur ces questions vous sera-t-il proposé bientôt, peut-être pour accompagner l'ouverture du capital de La Française des jeux ou lorsque nous réfléchirons sur l'Autorité de régulation des jeux en ligne. Nous y reviendrons peut-être à l'occasion des questions. D'autres propositions ne recevront pas d'avis favorable du Gouvernement, mais nous avons le droit d'avoir des opinions divergentes.

La proposition no 3 a été suivie d'effet. Vous suggériez de développer l'activité des parieurs professionnels résidant à l'étranger. Afin d'y satisfaire, nous avons accepté, en octobre 2017, avec le ministre de l'agriculture, de renoncer au plafonnement de 5 % des enjeux, qui avait été institué par nos prédécesseurs.

Concernant l'accélération du traitement des demandes d'autorisation en vue de l'expérimentation de nouveaux jeux de casino ou de nouvelles formes de jeu existant – sujet évoqué par M. Ledoux – , une simplification de la réglementation a été opérée par décret en novembre 2016, donc par le précédent gouvernement. Elle a consisté à supprimer l'avis préalable de la commission consultative des jeux pour les demandes d'expérimentation des nouveaux jeux ou des nouvelles formes de jeu.

Le rapport d'information propose par ailleurs de soumettre l'autorisation de gérer un point de vente de La Française des jeux aux résultats d'une enquête administrative. Or, comme vous le savez, un dispositif d'avis conforme du ministre de l'intérieur, préalable à l'autorisation de gérer un point de vente de La Française des jeux, a été institué. Nous y reviendrons si nous parlons tout à l'heure des buralistes et des antennes de La Française des jeux.

La proposition no 8, qui visait à soumettre à une autorisation administrative préalable toute évolution de la répartition du capital social et du contrôle des sociétés titulaires d'une autorisation d'exploitation d'un casino, et la proposition no 14, qui visait à interdire les prises de paris sur les compétitions sportives susceptibles de manipulation, ont été satisfaites grâce à deux lois récentes, respectivement la loi de février 2017 – remontant à l'époque où M. Juanico et M. Myard remettaient leur rapport d'information – relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain, et la loi de mars 2017, à peine postérieure, visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs, défendue notamment par M. Kanner et M. Braillard.

Ces propositions ont donc déjà trouvé un écho dans les lois ou les décrets. J'en viens à présent aux sept propositions qui n'ont pas encore été mises en oeuvre, et sur lesquelles je crois important de donner l'avis du Gouvernement.

Premièrement, vous proposez de réexaminer la séparation des masses des enjeux des paris hippiques en dur et en ligne, sous réserve de la mise en place de mesures d'accompagnement garantissant la concurrence. À cet égard, je vous informe que le PMU est en train d'engager des démarches devant l'Autorité de la concurrence et de se rapprocher de ses concurrents en ligne pour trouver un accord avec eux. Dans le cadre du travail de contrôle parlementaire ou devant la commission, je serai heureux de répondre à vos questions sur le suivi de cette demande engagée auprès de l'Autorité de la concurrence.

Deuxièmement, vous suggérez d'étendre la consultation du fichier des interdits de jeu au réseau des points de vente physique du PMU et de La Française des jeux. J'ai le plaisir de vous confirmer l'information qui figure dans votre rapport : l'informatisation du fichier, condition préalable à cette extension, progresse en vue d'un déploiement avant la fin du premier semestre 2018, comme l'a confirmé M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

J'ajoute que la proposition consistant à adapter les informations attendues de l'application du régime de la relation d'affaires aux moyens dont disposent réellement les casinos me paraît de bon sens. Lutter contre ce fléau ne signifie pas pour autant que les inspections anti-blanchiment puissent se faire sans discernement aucun. Je considère, monsieur Blanchet, que TRACFIN accomplit un travail très important dans un milieu qui peut poser problème, non en raison de la personnalité des gestionnaires de casino, mais parce qu'il s'agit d'argent et que nous connaissons tous la possibilité du blanchiment.

J'entends ce que vous avez dit et, sans donner d'instructions particulières à une autorité quasi indépendante, bien qu'elle soit sous ma responsabilité, je considère que, dans le cadre général d'une société de confiance, les fonctionnaires auront à comprendre qu'ils doivent poursuivre leur travail contre le blanchiment, mais le mener avec discernement. Je le répète : j'ai bien entendu votre proposition à cet égard.

D'autres suggestions, madame et monsieur les rapporteurs, me paraissent en revanche appeler plus de réserves. Ce sera peut-être l'objet de nos discussions ultérieures.

Premièrement, vous proposez de soumettre les opérations de jeu à la lecture automatisée d'un document d'identité afin de s'assurer que les joueurs sont majeurs dans les points de vente du PMU et de La Française des jeux, voire chez les buralistes. À ce sujet, j'ai entendu la remarque de M. Corbière : les mineurs peuvent se rendre dans des lieux où l'on vend du tabac et d'autres produits qui, même s'ils ne sont pas interdits, sont susceptibles d'entraîner une addiction, et dont les politiques de santé publique tentent de freiner la propagation. C'est une remarque de bon sens.

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