Intervention de Sarah El Haïry

Séance en hémicycle du mercredi 21 février 2018 à 21h30
Débat sur la régulation des jeux d'argent et de hasard

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSarah El Haïry :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, le secteur économique des jeux d'argent et de hasard, c'est près de 45 milliards d'euros de chiffre d'affaires, plus de 3 milliards de taxes et impôts et plusieurs dizaines de milliers d'emplois, directs et indirects ; mais le monde du jeu, c'est aussi, pour reprendre les mots du général Washington, « l'enfant de l'avarice, le frère de l'iniquité et le père du mal ». En effet, environ 850 000 personnes souffrent, à des degrés divers, d'une addiction au jeu, et le secteur induit aussi des risques de blanchiment d'argent et de financement du crime organisé. C'est ce qui a conduit à un principe général d'interdiction assorti de quelques dérogations, justifié par des nécessités d'ordre public.

Notre groupe salue le travail effectué au sein du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, tant pour la qualité du rapport d'information que pour l'évaluation riche en enseignements, malgré le court délai – huit mois – qui l'a séparée de la publication du rapport.

Les recommandations du rapport d'information en matière d'harmonisation des obligations relatives à la lutte contre le blanchiment d'argent ont été suivies et sont appliquées ou en voie de l'être. Cet axe est au coeur des préoccupations d'ordre public et doit faire l'objet d'une vigilance de tous les instants – nous y reviendrons.

Les enjeux de santé publique doivent faire l'objet d'une attention toute particulière, sachant que le nombre de joueurs occasionnels est passé de 48 % à 56 % de la population et que le phénomène d'addiction au jeu et ses conséquences restent mal connus. Nous encourageons le Gouvernement à suivre les recommandations formulées dans le rapport d'information afin de mieux cerner la problématique et de mettre en place un plan ambitieux de prévention de cette addiction. Nietzsche devançait la réalité lorsqu'il disait : « Chaque homme cache en lui un enfant qui veut jouer. » J'appelle l'attention du Gouvernement sur cette dépendance, surtout en ce qui concerne certains jeunes. La facilité d'accès aux jeux via internet a fait sauter les garde-fous existant auparavant, qui protégeaient mieux la jeunesse du risque de dépendance au jeu.

Quant à l'exigence d'interdire les paris sur les manifestations sportives susceptibles de manipulation, elle est désormais satisfaite par la loi du 1er mars 2017. Elle requiert un régime de sanctions dissuasif et adapté.

Face à l'évolution des modes de consommation des jeux, il n'est pas aisé de veiller au développement équilibré des différentes catégories de jeux. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire de faire des choix entre le maintien des jeux en perte de vitesse, éventuellement sous perfusion d'argent public, et l'accompagnement de la reconversion des filières concernées. À ce titre, dans le prolongement des débats qui ont eu lieu lors de l'examen du budget pour 2018, notre groupe souhaite participer aux travaux de réflexion sur la fiscalité des jeux d'argent et de hasard et, plus particulièrement, sur la définition de l'assiette taxée.

Enfin, notre groupe appelle l'attention du Gouvernement sur le fait qu'il importe de préparer un plan complet de renouvellement de la gouvernance et des modes d'intervention de la régulation des jeux d'argent et de hasard en s'inspirant des conclusions du rapport d'information du 8 février 2017, sachant que les jeux en ligne représentent désormais près de 20 % du chiffre d'affaires de l'industrie du jeu, que la part des casinos est passée de la moitié à un tiers de ce chiffre d'affaires, que les possibilités d'ouverture d'établissements de jeux ont été assouplies et, enfin, que la diminution du nombre des paris hippiques, qui se poursuit d'année en année, met en danger la filière équine.

Monsieur le ministre, la gouvernance et la régulation du secteur sont éclatées entre trois ministères et une autorité, ce qui rend l'objectif de pilotage global et de cohérence difficilement atteignable. Aussi, les propositions visant à confier la réglementation – c'est-à-dire la définition du statut des opérations, du champ des droits exclusifs et des catégories de jeux autorisés – à un comité interministériel et à confier la régulation quotidienne – à savoir les agréments des points de vente, la délivrance des autorisations individuelles ou encore les expérimentations – à une autorité administrative indépendante nous semblent intéressantes. Elles mériteraient d'être étudiées en vue d'une mise en oeuvre rapide.

Notre groupe restera extrêmement attentif aux conclusions des futures évaluations sur ce sujet. Il est évidemment prêt à participer aux travaux de rénovation de la gouvernance et de la fiscalité des jeux d'argent et de hasard. Pour conclure, je remercie tout particulièrement les rapporteurs pour la qualité de leur travail.

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