Intervention de Christophe Blanchet

Séance en hémicycle du mercredi 21 février 2018 à 21h30
Débat sur la régulation des jeux d'argent et de hasard

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Blanchet :

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, permettez-moi tout d'abord de remercier les rapporteurs pour leur travail, fruit de huit auditions. Ce rapport d'information est utile et nécessaire. Utile parce qu'il permet de dresser un bilan d'étape de la politique de régulation des jeux d'argent et de hasard en France, une politique bien peu considérée, alors que la filière participe pourtant grandement à l'économie du pays et à son attractivité touristique. Nécessaire parce qu'il met en lumière la véritable transformation que vit aujourd'hui la filière des jeux. Pourtant, cette transformation n'est pas assez accompagnée par les pouvoirs publics, qui ratent là une véritable opportunité d'un engagement gagnant-gagnant.

Neuf des seize propositions du rapport d'information de l'année dernière ont été initiées, voire ont abouti. C'est une excellente chose car, s'il y avait beaucoup à faire, nombre de mesures ont été prises dans le contexte si particulier des élections nationales et du changement de gouvernement.

Plusieurs des propositions concernent les paris hippiques et le PMU, qui traversent une période difficile, dont les causes sont multiples, notamment la concurrence de la FDJ et des paris sportifs. Les paris hippiques doivent se relever car l'ensemble de la filière équine de France en dépend. Il s'agit d'une filière d'excellence, avec plus de 160 000 emplois non délocalisables à la clé, qui offre une vitrine économique à l'international pour conquérir de nouveaux marchés émergents, notamment en Asie.

Il convient de formuler deux remarques plus inquiétantes.

Premièrement, la loi de 2010, qui prévoyait une clause de revoyure, est aujourd'hui dépassée par les technologies et par les usages des joueurs. Le législateur doit proposer rapidement un dispositif global afin d'améliorer la régulation du secteur des jeux d'argent dans sa totalité.

Deuxièmement, ce sont les propositions du rapport d'information les plus simples qui ont été appliquées, mais aucune des propositions concernant la gouvernance de la filière du jeu n'a été reprise.

Ainsi, il est regrettable que les précédents gouvernements n'aient jamais jugé opportun de mieux accompagner les casinos dans les années qui ont suivi la crise financière, à laquelle se sont ajoutés l'essor des jeux en ligne et l'accroissement des jeux clandestins. Les deux cents casinotiers français sont soumis à des législations certes nécessaires mais aussi toujours plus contraignantes, comme le contrôle d'identité aux entrées. Pourtant, ce sont les seuls à pouvoir garantir avec certitude qu'aucun mineur n'accède aux salles de jeux.

Le rapport d'information montre un manque de considération à l'égard de cette filière. Pourtant, ces entreprises emploient plus de 18 000 salariés, sans compter les 30 000 emplois indirects. Elles participent à l'animation et au financement des communes touristiques dans lesquelles elles sont installées. Les casinotiers sont des commerçants déclarés, dont les comptes sont scrutés avec une attention extrême, à juste titre. En outre, étant les seules personnes morales assujetties à la CSG, ils en subissent la hausse.

La mise en oeuvre de la proposition no 6 du rapport d'information – favoriser l'expérimentation de nouveaux jeux de casino ou de nouvelles formes de jeu existant – représenterait une véritable possibilité de boost pour ces acteurs économiques.

S'agissant de la gouvernance des casinos, dont le rapport préconise l'amélioration, il apparaît clairement que les responsabilités sont reparties de façon éclatée au sein du Gouvernement. L'héritage du siècle passé n'a plus lieu d'être. Les professionnels des jeux et des paris sont les premiers à réclamer la création d'un comité interministériel, comme il est proposé dans le rapport d'information. À cet égard, nous défendons l'idée d'une autorité régulatrice, dotée de moyens et de prérogatives centralisés lui permettant d'assurer la supervision et la régulation du secteur des jeux d'argent.

Enfin, comment ne pas parler de TRACFIN lorsque l'on évoque les jeux d'argent et de hasard ? Ce dispositif nécessaire pour lutter contre le blanchiment d'argent et les fraudes est lourd pour les professionnels. La procédure, qui mérite d'être assouplie ou du moins simplifiée, résulte du soupçon, ainsi défini : « Une opinion défavorable à l'égard d'un acteur économique, son comportement, fondé sur des indices, des impressions, des intuitions, sans qu'il existe pour autant de preuves précises. La déclaration de soupçon ne nécessite pas la preuve d'un blanchiment ou d'un financement du terrorisme. Il suffit de circonstances qui rendent une telle hypothèse plausible. » Si nous comprenons les raisons de ce dispositif, ses modalités heurtent nos valeurs : dénonciation au vu d'un simple soupçon, sans preuve, sur la foi d'éléments ayant un caractère discriminatoire.

Pour conclure, monsieur le ministre, nous soutenons les propositions de ce rapport d'information. Le Parlement comme le Gouvernement doivent prendre leurs responsabilités. La France doit se doter d'une politique de régulation des jeux d'argent et de hasard qui soit moderne, assumée, dépassionnée et pragmatique.

Ce n'est pas cher payé pour accompagner un tissu économique déjà largement implanté et qui produit plusieurs milliards d'euros de richesses par an. Il faut prendre au sérieux cette politique, car nous parlons bien sûr d'argent mais aussi de tourisme, de culture, d'emplois et d'attractivité de la France. Tous les acteurs du tourisme doivent être entendus si nous voulons tenir l'objectif de 100 millions de touristes à l'horizon 2022.

Je le disais au début de mon intervention, ce rapport d'information est un bilan d'étape. Faisons en sorte qu'il ouvre la voie à une belle politique du tourisme et des jeux, dans lequel la notion de partenariat trouve sa place ! Le hasard ne doit pas guider la nécessité de la prise en compte pragmatique d'une grande politique du jeu en France.

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