Intervention de Jean-Paul Lecoq

Séance en hémicycle du mercredi 21 février 2018 à 21h30
Débat sur la régulation des jeux d'argent et de hasard

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

On estime que le manque à gagner pour l'État avoisine le milliard d'euros par an ! Est-ce cela le nouveau monde : privatiser ce qui rapporte et collectiviser ce qui est en déficit ? Croire que la concurrence fait baisser les prix est une chimère lorsque le marché est un oligopole, comme dans le cas des jeux d'argent ou évidemment des autoroutes. À l'évidence, cette privatisation serait un non-sens.

Mes chers collègues, certains secteurs économiques appellent une politique ambitieuse de la part de l'État actionnaire et rendent indispensables que celui-ci détienne une part majoritaire dans le capital des entreprises, tout simplement pour que l'intérêt général prime sur les intérêts particuliers. C'est notamment le cas dans les domaines stratégiques que sont l'énergie, les transports et leurs infrastructures, l'industrie, l'aménagement du territoire. L'emploi, l'environnement, le développement concerté de nos territoires et la santé publique : voilà bien les valeurs cardinales qui devraient guider la politique de l'État actionnaire.

À l'heure actuelle, l'État détient 72 % du capital de La Française des jeux. Cette société est en très bonne santé financière, ce qui montre que l'État sait impulser une dynamique. Elle offre à l'État des rentrées fiscales conséquentes : 3 milliards d'euros l'an dernier au titre des prélèvements sur les mises plus une centaine de millions d'euros de dividendes.

En réduisant sa participation dans La Française des jeux à hauteur de 25 à 30 %, comme le prévoit la loi PACTE – plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises – , qui sera présentée au printemps, l'État déstabiliserait un équilibre financier qui lui est aujourd'hui favorable.

Au-delà de cet aspect financier, à tout le moins essentiel, la position majoritaire de l'État dans le capital de La Française des jeux est justifiée par l'impérieuse nécessité de prévenir et de lutter efficacement contre les risques liés aux jeux d'argent : lutter contre le blanchiment d'argent et les fraudes potentielles, protéger les mineurs, prévenir les comportements addictifs. En effet, les jeux d'argent ne sauraient être considérés comme une activité économique comme une autre. Ils appellent de l'État un traitement spécifique et un contrôle exigeant.

Privatiser La Française des jeux reviendrait à mettre en cause la capacité de l'État à lutter efficacement contre l'addiction au jeu. Mettre La Française des jeux entre les mains d'intérêts privés se traduirait inévitablement par la recherche prioritaire du bénéfice économique, c'est un fait. Cela pourrait avoir des conséquences concrètes comme la commercialisation de nouveaux produits particulièrement addictifs, avec des effets désastreux, contraires à l'impératif de protection de la population – La Française des jeux a investi aussi les jeux en ligne. L'État, mes chers collègues, doit être le garant de la moralité publique.

Voilà, en quelques mots, résumée notre position sur le projet de privatisation de La Française des jeux, qui suscite de nombreuses inquiétudes parmi le personnel de l'entreprise, préoccupé, à juste titre, par l'avenir des emplois. Nous combattrons avec force cette vision technocratique, hors sol, symbole d'un socle idéologique d'un monde particulièrement suranné, et qui avait trouvé sa traduction concrète en 2015, avec la privatisation des aéroports de Nice et Toulouse, dans la loi Macron – tiens, tiens ! – mais aussi celle des sociétés d'autoroutes, dont les Français paient aujourd'hui le prix fort.

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